Jérémie s’était pour une fois réveillé sans réveille-matin après une longue nuit de sommeil. Les événements de la veille étaient suffisamment agréables pour lui procurer un sommeil paisible, mais pas assez fantastiques pour l’exciter au point de le tenir éveillé dans son lit. Lui qui dormait relativement peu pour un adolescent de 13 ans s’était accordé une nuit de douze heures.
Il était neuf heures en ce dimanche du mois d’octobre débutant. Le dimanche matin, on profitait du calme, contrairement aux matinées de semaine : un nombre réduit de pensionnaires étaient présents, et, comme il n’y avait pas classe, leur réveil était échelonné, de sorte que les couloirs étaient silencieux, que les douches n’étaient pas encombrées et qu’il y avait de l’eau chaude. Jérémie profitait du calme vivifiant des couloirs et des largesses de la salle de bain. L’air sentait le propre, comme disait Ulrich, car le ménage poussé avait lieu le samedi après-midi ; les pensionnaires profitaient de lieux immaculés, chose qui avait peu d’importance s’agissant des couloirs, beaucoup plus s’agissant des toilettes. Pas de cartable à préparer, pas de sonnerie, pas de bousculade, la chaleur apaisante de l’eau. Il ne traînait pas trop non plus, car le service du petit déjeuner prenait fin à 9h30 en théorie, à 10h en pratique.
Lorsqu’il arriva au réfectoire, Ulrich et Aelita étaient déjà attablés. Odd traînait au lit, comme d’habitude ; mais on pouvait parier que sa faim serait plus forte que sa flemme et que son estomac le guiderai jusqu’à la cantine. Jérémie prit un plateau et le garnit copieusement : chocolat chaud, tartines, croissants, céréales, banane. Sa bonne humeur lui avait ouvert l’appétit. Il vint s’asseoir auprès de ses amis.
Le dimanche, Rosa gâtait ses pensionnaires : le pain et les croissants étaient de la plus grande fraîcheur, presque encore chaud ; le chocolat plus onctueux ; les céréales plus croustillantes que jamais.
- Alors, c’est votre dernier petit déjeuner de collégiens, mes enfants. Ça vous fait quel effet ? plaisanta Ulrich.
- L’effet que ça me fait ? répéta Aelita, pensive.
Elle prit un air concentré, yeux fermés, nez humant les volutes qui montaient du bol de chocolat, dont les senteurs veloutées se mêlaient au parfum capiteux des croissants chauds et à l’odeur du pain frais.
- L’effet que ça me fait ? Aucun, ironisa-t-elle. En pratique, ça ne change rien pour nous : mêmes chambres, même réfectoire, même établissement, mêmes amis, et même cours de récré. La seule différence dans notre vie, ce sera des cours plus intéressants.
- Je ne te le fais pas dire, fit Jérémie. Madame Hertz a le talent de rendre ses cours captivants, mais quand on sait déjà tout, c’est vite lassant.
- C’est ça, c’est ça, railla Ulrich, faites donc les malins devant le pauvre élève besogneux que je suis...
- Toi, besogneux ? rit Jérémie
- En tous cas plus que le dilettante que voici, expliqua-t-il en pointant Odd de la cuiller.
Ce dernier, comme à son habitude, chargea son plateau comme un lama, puis vint s’asseoir auprès de ses amis.
- Salut la compagnie ! Ça boume, ce matin ? lança-t-il avant d’entamer sa première bouchée.
Aelita demanda à Jérémie :
- Alors, comment se porte notre wired ?
- Bien. Apparemment, XANA est impuissant face à notre réseau séparé. Il est difficile d’en tirer de la puissance sans pénétrer à l’intérieur, mais c’est déjà ça de moins pour XANA.
Il prit son inspiration :
- J’ai réussi, se mit-il à expliquer à l’attention de Odd et Ulrich (qui n’écoutaient pas), à découpler la mémoire allouée aux tours des tours séparées, de sorte qu’on peut pirater encore des tours sans risquer la saturation de la mémoire.
- Il y a cependant un hic, précisa Aelita. C’est que la mémoire du supercalculateur et les tours ne sont pas non plus totalement découplées. Il n’est pas possible d’attribuer aux tours n’importe quelle quantité d’unités de mémoires, à sa guise. D’autre part, l’intérêt des tours ne réside pas seulement dans la mémoire qu’elles gèrent et les programmes d’entretien qu’elles font tourner. Je veux dire qu’elles ont un intérêt sur le terrain, sinon mon père n’en aurait pas construit autant. Plus une zone est éloignée, plus la tour a besoin de mémoire pour l’entretenir. Autrement dit, plus nous piraterons de tours, plus la demande globale de mémoire augmentera ; telle est leur limite, mon cher Jérémie.
- Certes, mais l’horizon de cette limite est bien lointain, malgré l’augmentation exponentielle des processus annexes corrélées à l’expansion linéaire du réseau.
- Euh, c’est moi ou vous vous écoutez parler, là ? le coupa Ulrich.
- J’avoue, avoua Jérémie. On s’amuse à faire des phrases parce qu’on est content, nous avons remporté une victoire hier. Cherche pas, ça ne veut pas dire grand chose. Enfin si, mais ce sont des phrases ronflantes pour dire des choses banales.
- Banal pour vous peut-être, mais pour moi c’est du chinois. Et puis, vous êtes aussi bien placés que moi pour savoir qu’il ne faut pas sous-estimer XANA.
- C’est juste, dit Aelita. C’est comme ça qu’on essuie des défaites.
Cette dernière remarque jeta un petit froid car rappeler ce jour où la victoire finale s’était transformée en défaite cuisante était douloureux pour tous. Odd, entre deux bouchées, intervint :
- On lui a quand même mis la pâté, hier. Et depuis le temps que Jérémie essaye de pirater les tours...
- De les pirater avec succès, renchérit Aelita. Nous jouons désormais à armes égales avec XANA.
- Oui, se félicita Jérémie. Désormais, XANA n’est plus la seule eXtension Autonome Non Autorisée de Lyoko !
- Mais il reste la seule eXperience d’Adversaire Numérique Antipathique, l’unique eXperience d’Adversaire Nul et Amoral, blagua Odd.
Tous éclatèrent de rire.
- En tout cas, une belle journée s’annonce pour nous. Qu’allons nous faire pendant la matinée ?
- Bah, ce que l’on veut, avança Ulrich.
- Je vais peut-être pouvoir bouquiner un peu, dit Jérémie.
- Pour moi ça sera : rien ! dit Odd.
En ouvrant la porte de sa chambre, Jérémie perçut le redouté signal sonore avertissant d’une attaque de XANA.
- Oh, non, pas aujourd’hui, soupira-t-il.
Il agita sa souris pour que les informations du superscan apparaissent ; l’écran s’illumina. Mais à la place de l’habituelle tour rouge, Jérémie vit une page des logs du superscan. Ce qui y était inscrit était pour le moins inhabituel, et si Jérémie interprétait correctement les infos... Non, ce n’était pas possible, ça n’était jamais arrivé. À moins que...
Il attrapa son portable, le glissa sous son bras, déboula hors de sa chambre et dévala quatre à quatre les escaliers, en direction de la salle commune. Dans les couloirs vides, le bruit de ses pas résonnait. Ce problème de bruit était un défaut du bâtiment : si quelqu’un hurlait dans sa chambre en pleine nuit, l’étage était réveillé.
Lorsqu’ils le virent débouler dans la salle commune, ordinateur portable sous le bras, visage tendu et souffle court, Aelita, Odd et Ulrich maudirent intérieurement XANA, qui avait le chic pour déclencher des attaques au mauvais moment. Jérémie leur fit le signe d’intelligence habituel, qui signifiait « À l’usine ! ». Pour signaler un rendez-vous à l’usine au milieu d’une foule, par exemple les pensionnaires présents dans la salle commune, Jérémie frappait trois fois la paume de sa main de son majeur. Pour signaler une attaque de XANA, il entrechoquait trois fois son pouce et son majeur. Les amis n’avaient sans doute pas perçu la nuance ; de toutes manières, ces deux gestes signifiaient qu’il fallait se rendre à l’usine, l’alerte XANA étant simplement plus impérieuse.
Jérémie se révéla peu prolixe durant le trajet ; il se contenta d’attiser leur curiosité par un évasif « il se passe des choses inhabituelles sur Lyoko ». Ulrich et Odd avaient appris à se contenter de ce genre de parole sibylline. S’ils s’étaient avisés de demander des éclaircissements, ils auraient eu droit de la part de Jérémie à des explications obscures, pétries de jargon scientifique, de tournures ampoulées et de raccourcis incompréhensibles.
Comme à l’accoutumé, ils se disposèrent en demi-cercle autour du fauteuil princier de Jérémie, l’œil sur l’écran principal de l’ordinateur de contrôle. Sur la carte rapprochée, les quatre amis voyaient sur le territoire du désert une multitude de points rouges, s’agitant selon une chorégraphie qui échappait à Odd et Ulrich. Des grappes de points se déplaçaient lentement, s’approchant, sans les rejoindre, d’autres groupes. La plupart des grappes étaient ténues et rapides ; elles semblaient se comporter comme des essaims de moustiques autour d’un gros mammifère. Il arrivait que les points rouges de certaines grosses grappes disparaissent. Aelita était comme hypnotisée, elle avait le visage concentré qu’elle arborait lorsqu’elle réfléchissait vite.
- C’est bien ce que je pensais, commenta Jérémie. Les fluctuations décroissantes de charge de la matrice inertielle sont provoquées par la dévirtualisation de monstres de XANA. Finalement, cette courbe, dit-il en mettant au premier plan un graphique complexe, ressemble à celles que l’on observe au cours de nos missions.
- Qu’est ce que tu cherches à nous dire ? Que des monstres se dévirtualisent ?
- Exactement, mais ce n’est pas le plus étonnant : ils se dévirtualisent car ils sont abattus par d’autres monstres.
- Abattus par d’autres monstres ? répéta Odd d’une voix étonnée. Tu délires pas un peu, là ?
- J’en suis désormais sûr. Je n’arrivais pas à y croire tout à l’heure, dans ma chambre, devant les chiffres de la matrice ; mais maintenant je dois me rendre à l’évidence. Jugez par vous-mêmes.
- Je juge, je juge, marmonna Aelita, abasourdie. Il y a donc deux camps qui s’affrontent parmi les monstres de XANA. Lesquels ?
- Je te dis ça tout de suite, dit Jérémie en pianotant sur son clavier. Ce n’est pas si simple d’isoler les différentes factions. Apparemment, ce sont les dévas contre tous les autres... Il y a également un nouveau type de monstre volant, non identifié, qui apparemment combat aux côtés des dévas...
- Qu’est ce que tout cela signifie ? demanda Ulrich. Est-ce que les dévas se mutinent contre XANA ?
- Il a enfin réussi à créer des monstres intelligents, ironisa Odd.
- Apparemment, lâcha Jérémie.
- Tu n’as que ce mot à la bouche. Méfie-toi, les apparences sont souvent trompeuses.
- Tu ne crois pas si bien dire, Odd, dit Aelita. Cette histoire de mutinerie m’étonnerait beaucoup.
- Tu oublies que XANA s’est retourné contre ton père à la suite de multiples retours vers le passé, lui rappela Jérémie. C’est une chose possible ; alors pourquoi pas les dévas ?
- Je ne sais pas.
- En plus, si ma supposition est exacte, le réseau de tours alternatif que XANA tente de mettre en place lui sert à contrôler les dévas. Plus de réseau, plus de contrôle.
- Une fois de plus, tu sous-estimes XANA, Jérémie, rétorqua Aelita. Il n’est pas assez stupide pour virtualiser des monstres contrôlés par un réseau de tours encore embryonnaire, surtout qu’il devait se douter que nous ferions tout pour les désactiver.
- Pas s’il le croyait protégé par ses quelques dévas opérationnels. Ce ne serait pas la première fois qu’il surestime ses créations et sa stratégie.
- Mouais, pas faux, concéda Aelita.
- Tu as une autre explication, peut-être ?
- Oui, XANA teste en grandeur nature ses nouvelles créatures, les dévas, en leur faisant affronter ses monstres de première génération, et quelques-uns de deuxième génération à ce que je vois, mais ils restent en arrière. Il les préserve.
- Il sacrifierait ses propres monstres ? Peu crédible.
- Si. Les dévas sont sa troisième génération de monstres, je me trompe ? Ce sont ses troupes de choc. Avec sa 2ème génération en troupes auxiliaires, il peut fort bien se passer de la première. Il vide son fond de réserve, si j’ose dire. Il ne les gardera que comme chair à canon, je présume.
Elle s’appuya sur le dos du fauteuil :
- Il faut bien se rendre compte que le supercalculateur a beaucoup gagné en puissance, et qu’en conséquence virtualiser un kankrelat demande relativement peu de puissance.
- Mais tu n’expliques pas pourquoi XANA fait ça. À quoi ça lui sert de tester ses monstres comme ça ?
- À les tester dans toutes les situations, justement. Et ça ne m’étonnerait pas que les dévas soient dotés d’une IA avancée, et plastique ; autrement dit, plus ils se battent, plus ils apprennent.
- Tu veux dire que les dévas sont en train de se renforcer ?
- C’est du moins la seule explication logique que je vois.
Jérémie avait les sourcils froncés et la moue septique.
- Sauf que pour entraîner les dévas, on peut tout autant les faire tirer à blanc. Or, les monstres semblent vraiment se dévirtualiser.
Il pianota à toute vitesse sur son clavier, affichant le détail des combats sur Lyoko.
- Je confirme, annonça-t-il, que les dévas tirent pour tuer.
Une chape de confusion s’abattit sur le groupe.
- Je ne comprends plus rien, dit Aelita d’une petite voix. Réfléchissons...
Aelita se mit à faire les cent pas, tandis que Jérémie examinait toutes les données dont il disposait.
- Aelita, annonça Jérémie, je crois que les dévas ont bel et bien échappés au contrôle de XANA.
- Et bien, peut-être est-ce le cas, finalement. Wait and see.
- Et si on allait voir sur place ? proposa Odd.
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, rétorqua Jérémie. Ils pourraient nous considérer comme leur menace principale, et se liguer contre nous. Pour l’instant, ils s’entre-tuent, alors laissons les faire.
- Comme tu veux, mon Jéjé, c’est toi le spécialiste.
- En voilà une bonne nouvelle, commenta Ulrich. La guerre civile de Lyoko va durer combien de temps ?
- Comme aucun camps ne semble prendre l’avantage, ça peut durer longtemps, répondit Jérémie.
- C’est génial ! s’exclama Ulrich. Ça nous fait des vacances en perspective. J’ai hâte d’annoncer ça à Yumi.
- À ce propos, intervint Odd, il serait peut-être temps d’y aller.
L’ascenseur montait comme l’allégresse dans le cœur des quatre collégiens. Comme XANA lui-même avant eux, les dévas se retournaient contre leur créateur. La nouvelle était inespérée : tant que durerait la crise, ils auraient la paix. Et si d’aventure l’un des deux camps prenait l’avantage, ils pourraient intervenir et rétablir l’équilibre des forces. Avec un peu de chance, les dévas libérés n’avaient pas d’intentions hostiles comme XANA, et leur victoire serait la victoire de la bande. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis...
Pas forcément. La logique de ces assertions n’était que mathématique. Pour s’en convaincre, il suffisait de remplacer « amis » par « nombres positifs » et « ennemis » par « nombres négatifs ». Et ensuite, de la même manière que :
Le produit d’un nombre positif et d’un nombre positif est positif ;
Le produit d’un nombre positif et d’un nombre négatif est négatif ;
Le produit d’un nombre négatif et d’un nombre positif est négatif ;
Le produit d’un nombre négatif et d’un nombre négatif est positif.
De même :
Les amis de mes amis sont mes amis ;
Les amis de mes ennemis sont mes ennemis ;
Les ennemis de mes amis sont mes ennemis ;
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Ce type de réflexion restait l’apanage de Jérémie, et éventuellement d’Aelita. Eux seuls s’amusaient à employer les mathématiques dans la vie de tous les jours. Et surtout, eux seuls avaient une connaissance mathématique de la théorie des jeux. Jérémie et Aelita s’en étaient servis pour élaborer des stratégies, et surtout pour prévoir celles de XANA, fondées sur la logique probabiliste de ces modèles théoriques. Enfin, pas toujours, se disait souvent Jérémie. Certes, la stratégie de XANA avait gagné en cohérence ; certes, son comportement apparemment erratique des débuts s’expliquait maintenant : il cherchait, à défaut d’éliminer ses ennemis, les forcer à utiliser le retour vers le passé. Ensuite, sa stratégie avec la méduse était compréhensible. Il n’en restait pas moins que les actes de XANA demeuraient intrinsèquement chaotiques et parfois d’apparence illogique. Cela était la conséquence d’une sorte de bug dans sa programmation, d’une interprétation erronée des informations, d’une anomalie fondamentale : voilà qui expliquait les incohérences de XANA.
Tous arboraient un sourire radieux et confiant. Deux victoires sur XANA en moins de 24 heures, il y avait de quoi être content. Les portes du monte charge s’ouvrirent sur une journée rayonnante.
Les quatre amis poussèrent un cri de stupeur.
Ils se trouvaient nez à nez avec Sissi.
Chacun observait l’autre d’un air interdit.
- Qu’est ce que tu fiches là ? s’exclamèrent Odd et Ulrich.
- Je vous retourne la question, répliqua Sissi. Qu’est-ce que vous faites dans ce monte-charge, dans cette usine désaffectée, un dimanche matin ?
- Ben quoi, le dimanche on n’a pas cours, alors on se promène, tout comme vous, il me semble ? ironisa Odd.
- Je vous ai suivi, expliqua Sissi. Je me suis toujours demandé ce que vous mijotez, quand vous vous éclipsez. Alors comme ça, on se balade au sous-sol des anciennes usines ? Qu’est ce que vous manigancez, là-dessous ?
Elle se dressa fièrement comme a son habitude, croisa les bras et renchérit :
- On peut savoir ce qu’il y a au sous-sol ?
- Il n’y a rien de spécial, répondit Jérémie, qui s’était ressaisi. Des sous-sols encore plus désaffectés que le reste. La salle des groupes électrogènes et une ancienne piste d’essai reconvertie en entrepôt vide. Vous voulez visiter ?
- Avec plaisir, répliqua Sissi, qui croyait avoir pris Jérémie à son propre bluff.
- Madame et messieurs, veuillez prendre place dans l’ascenseur, je vous pris.
Sissi, étonnée par l’assurance de Jérémie, se dit qu’elle se faisait peut-être des idées, qu’il n’y avait rien de spécial là-dessous. Ne voulant pas se dégonfler, elle prit place dans l’ascenseur, suivit naturellement par ses deux acolytes. Jérémie appuya sur le bouton rouge ; les portes se refermèrent et le monte-charge descendit sa charge. Évidemment, Jérémie n’avait pas entré le code autorisant l’accès aux niveaux spéciaux. Par conséquent, les portes s’ouvrirent sur le niveau normal.
- Bienvenus dans les sous-sols de l’usine, commença Jérémie. Le sous-sol n’est plus électrifié, du moins en théorie, donc vous ne pouvez pas voir grand chose, chers visiteurs.
La lumière du monte charge éclairait vaguement une salle dont les murs étaient impalpables.
- Ne me dites pas qu’il n’y a pas de lumière, vous ne seriez pas descendu ici, sinon.
- On aime bien se promener dans l’obscurité, dit Ulrich.
- On fait des parties de cache-cache à la lampe torche, enchaîna Odd.
- Nous sommes nyctalopes, ajouta Aelita.
- Sans rire, admit Jérémie, on peut activer l’éclairage depuis l’ascenseur. attendez.
Jérémie abaissa un disjoncteur et le plafond s’illumina. La lumière semblait grise ; la lueur blafarde des néons sur les murs de béton donnait une teinte étrange , semblable à celle qui régnait dans la salle de contrôle, mais en moins verte.
- Comment se fait-il qu’il y a de l’électricité ici ? s’étonna Sissi.
- Un branchement pirate au secteur, avoua Jérémie, qui ne disait pas tout à fait la vérité. Tant qu’on allume la lumière très occasionnellement, EDF ne s’en rend pas compte.
Jérémie fit quelques pas et proposa d’un air espiègle :
- On continue la visite ?
- Ça va, on a compris, admit Sissi. Mais vous ne perdez rien pour attendre. Je finirai bien par découvrir ce que vous mijotez !
De retour à la surface, la bande sortit par la porte principale, suivit à une vingtaine de mètre par Sissi. Une crise d’espionnite aiguë poussait cette dernière à suivre les allées et venues des amis de « son » Ulrich chéri, à qui elle n’avait pas adressé la parole, d’ailleurs, sans doute encore trop vexée qu’il sortît avec Yumi.
L’ennui, pour elle, était que, désormais hors de l’usine, Jérémie, Aelita, Odd et Ulrich n’avaient plus rien à cacher. Ils marchaient en direction de la maison de leur amie japonaise. Les rues, le dimanche, même en fin de matinée, étaient désertes dans cette ville de banlieue. À vrai dire, le dimanche matin, on ne croisait guère que des sportifs faisant leur jogging, des gens promenant leur chien et quelques retraités matinaux profitant du calme matinal pour faire leur promenade de santé. Sissi n’avait donc pas la moindre chance de les suivre discrètement, surtout en traînant dans son sillage ses deux lourdauds. Mais elle s’obstinait, comme si elle voulait les harceler, comme si elle refusait de rester sur l’échec qu’elle avait essuyé à l’usine, échec d’autant plus cuisant qu’elle avait crû les prendre sur le fait.
Ils firent un crochet par le collège où Odd alla chercher son chien, qui ne demandait qu’à se dégourdir les pattes. En semaine, il en avait peu l’occasion, bien que Jim le tolérât, malgré le règlement intérieur, à condition qu’il reste discret. C’était exceptionnel de la part de Jim de faire des entorses au règlement, et certains en avaient déduit que, dernière ses airs bourrus, Jim aimait les animaux, notamment les chiens, et qu’il n’osait pas séparer Kiwi de son maître, et inversement. Une fois dehors, Kiwi se mit à gambader frénétiquement dans un périmètre autours de ses amis et maîtres humains.
Arrivés devant chez Yumi, c’est Ulrich qui s’avança jusqu’au perron. Yumi sortit 30 secondes plus tard après qu’Ulrich eut sonné ; elle était prête. Les deux amoureux s’enlacèrent langoureusement sur le pas de la porte. D’aucuns regrettaient que Sissi soit trop loin, à l’angle de la rue, pour voir cette scène de ses propres yeux, histoire de la voir enrager. Mais Jérémie, et il était sûr qu’Aelita pensait la même chose, ne voulait pas voir souffrir Sissi : c’est sa douleur intérieure -la perte de sa mère, ses difficultés scolaires, son chagrin d’amour- qui en faisait une petite peste. Aelita, qui avait perdu sa mère au même âge que Sissi, faisait preuve d’une grande empathie à son égard, ce qui ne signifiait pas pour autant qu’elle lui pardonnât aveuglément toutes les misères qu’elle lui avait prodiguées, et qu’elle lui prodiguait toujours. Bras dessus dessous, les deux tourtereaux rejoignirent le groupe.
Au grand complet, ils prirent la direction de la gare ; ils étaient invités aux alentours de 13h chez la grand-mère d’Odd. Madame Della Robbia avait proposé à son petit-fils de venir avec ses amis pour le déjeuner, avant un après midi en ville. Elle vivait en proche banlieue.
- Que fait Sissi à nos basques ? s’étonna Yumi.
- Elle nous a suivis jusqu’à l’usine, expliqua Ulrich.
- Hein ? Qu’a-t-elle découvert ?
- Rien, elle nous a juste vu remonter à la surface. Mais elle ignore l’existence des étages secrets, la rassura Ulrich.
- Ouf, j’ai eu peur, mais on l’a quand même échapper belle. Il va falloir être plus prudent, dorénavant, et ne plus passer par la rue. Uniquement les égouts, comme au bon vieux temps.
- Oui. Dommage, déplora Ulrich.
À la gare, Jérémie et Aelita se précipitèrent naturellement au guichet automatique, tandis que Yumi, Ulrich et Odd préférèrent le contact de la guichetière humaine. Munis de leurs titres de transport (compostés, n’oublions pas ce détail), ils s’installèrent tous les sept, en comptant Kiwi, sur deux banquettes en vis à vis. Ulrich et Yumi s’assirent côte à côte, et, mains dans les mains, se dévoraient du regard et s’embrassaient à intervalles rapprochés. Du coup, ni Jérémie, ni Aelita, ni Odd n’osèrent lancer une conversation collective. Odd chaussa son casque et se mit à écouter ses MP3, en caressant négligemment Kiwi pour le dissuader de courir dans tout le wagon. Aelita entama un livre, Le Parfum de Patrick Süskind. Jérémie entama la lecture du dernier Sciences & Vie, emprunté pour le week-end au CDI. Odd repris la lecture d’un roman d’Agatha Christie. Yumi détourna un instant le regard d’Ulrich pour lire le titre du livre d’Odd.
- « Le crime de l’Orient Express » devança ce dernier. Une enquête entière dans un train. J’ai décidé de ne lire ce bouquin que dans les trains, histoire d’être plongé dans l’ambiance.
- Tu sais, Odd, il y a autant de ressemblances entre l’Orient Express et le RER qu’entre le collège Kadic et Poudlard, l’école de sorcellerie.
- Qu’est ce que tu es rabat-joie, toi ! Un train ça reste un train, non, même si la déco change.
- Oui, tout comme une école reste une école...
C’est à ce moment là qu’Ulrich intervint en faveur d’Odd en embrassant fougueusement sa bien-aimée, qui fut obligée de se taire, ce qu’elle fit d’ailleurs sans se faire prier. Bien qu’elle fût gênée par les démonstrations affectives en public, sa passion la poussait hors de sa réserve habituelle ; elle osait ce qu’elle n’aurait jamais osé auparavant.
Ils eurent un changement avant d’arriver à la station la plus proche de chez madame Della Robbia.
La porte extérieure étant verrouillée par mot de passe, un code comme on avait coutume de dire dans ce genre de cas. Odd sortit de sa poche son téléphone portable et y chercha le code.
- Tu ne connais toujours pas le code, depuis le temps que tu viens ici ? s’étonna Ulrich, qui lorgnait du côté de Yumi pour voir si elle souriait à sa vanne. C’était le cas : Yumi riait toujours aux vannes d’Ulrich, y compris aux plus mièvres, même si elle se justifiait, dans ce cas, par des pseudo-protestations faussement indignées.
- Déjà, je n’ai pas la mémoire des chiffres, et puis surtout, le code change régulièrement... tous les ans, je crois.
Sur ce, Odd tapa 63A19 sur le clavier, et il ouvrit la porte. Nos cinq amis se retrouvèrent dans un petit hall ; une pièce aux murs beiges, agrémentée d’un miroir et d’une plante verte à gauche, les boites aux lettres à droite, et la deuxième porte d’entrée au fond.
- Ce code est facile à retenir, fit remarquer Jérémie.
- Ah bon, tu trouves ? s’étonna Odd.
- Oui. Il y a un axe de symétrie.
Odd arbora sa mimique qui demandait en substance : « en français, ça veut dire quoi ? ».
- Un axe de symétrie entre 63A et 19. A est la première lettre de l’alphabet, et 6 et 3 fait la paire avec 9 car 6+3=9. On a donc une symétrie ; deux paires embrassées.
- Tu n’arrêtes jamais, Einstein ? Tu as déjà débranché ton cerveau cinq minutes, pour voir ?
- Euh, ça m’est venu comme ça, c’est tout, expliqua Jérémie, qui crut devoir se justifier. J’ai vu la symétrie en lisant le code, comme une image.
Cette dernière remarque ne fit que renforcer Odd dans son idée que Jérémie était un petit génie, si d’aventure cette idée avait besoin d’être renforcée.
- Tu aggraves ton cas, mon Jéjé, rit Odd. Tu m’étonneras toujours !
Odd s’avança vers un l’interphone et appuya sur le bouton marqué « Della Robbia ». Tandis que Jérémie se demandait pourquoi l’interphone n’était pas placé à l’extérieur, à la place du digicode, un son de mauvaise qualité sortit de l’appareil.
- Qui c’est ?
- C’est nous.
- J’ouvre.
La seconde porte fut déverrouillée et ils atteignirent enfin un petit sas dans lequel un escalier s’enroulait autour d’une cage d’ascenseur, et qui donnait sur la porte des sous-sols, celle du placard à vélo, et celle de la loge de la concierge.
- Ce n’est qu’au 3ème, on va prendre l’escalier, affirma Odd.
Il s’engouffra dans les escaliers qu’il escalada quatre à quatre, suivi de Kiwi, pas fâché de faire de l’exercice, Yumi et Ulrich, que l’effort ne dérangeait pas, Aelita, et Jérémie, qui eut la courtoisie de ne pas protester.
Jérémie arriva au troisième étage au moment où Ida Della Robbia disait :
- Entrez, entrez.
C’était une femme énergique qui ne faisait pas ses soixante-dix ans. Cheveux gris mi-longs, coiffés de façon étrange, habit crème légers, même air malicieux que son petit-fils Odd.
L’entrée de l’appartement était une petite pièce carrée, dont chaque mur était frappé d’une porte, ouverte, la porte d’entrée par pour longtemps. Le mur gauche était garni d’une armoire à portes coulissantes puis de la porte de la cuisine. Le mur droit était agrémenté d’une étagère suivie de la porte du petit couloir menant aux toilettes, aux deux chambres, et à la salle de bain. Le mur du fond était béant, la double porte du salon étant grande ouverte. L’étagère de l’entrée portait quelques livres, quelques dictionnaires, quelques bibelots, des paquets de revues en tout genre, l’inévitable boite à tout, dans laquelle on jette les capuchons sans stylo, les clés sans serrure, les cadenas sans clé ou sans code, les tickets de métro à la validité douteuse, les pièces de métal, de plastique et de bois de toutes sortes, les gadgets en plastique, les billes, les clous ; bref, tout ce qui encombre les poches et tout ce qui reste après un rangement, sans place ni fonction définie.
- Vous êtes en retard, dit soudainement Ida.
Jérémie s’étonna et jeta un coup d’œil à sa montre. Aelita avait compris avant lui :
- Un Hopper n’est jamais en retard, Ida Della Robbia. Ni en avance d’ailleurs. Il arrive toujours précisément à l’heure prévue.
Un large sourire se dessina sur le visage d’Ida ; elle avait adopté Aelita. Jérémie se rendait compte qu’Odd avait été à la bonne école.
Ida répliqua :
- Aelita, à ce propos, tu connais la blague des prisonniers du goulag ?
- Non, je ne crois pas.
Ida raconta alors :
« Trois prisonniers du goulag discutent :
- Pourquoi t'es là toi ?
- Je suis arrivé en retard à l'usine et j'ai été condamné pour sabotage industriel au profit des puissances ennemies.
- Et toi ?
- Oh moi ! Je suis arrivé en avance au travail et j'ai été condamné pour espionnage au profit des puissances ennemies.
- Et toi, camarade ?
- Ben moi, je suis arrivé à l'heure à l'usine...
- Ah ! Et alors ?
- J'ai été condamné pour conformisme petit bourgeois... »
Tous rirent de bon cœur.
Jérémie découvrait depuis la fenêtre du salon ce qu’il n’avait pas vu depuis la rue : l’incroyable architecture des bâtiments du centre ville.
- Quand cet immeuble a-t-il été construit ?
- Au milieu des années soixante, sous l’impulsion de la municipalité, qui souhaitait rénover le centre ville. À l’époque, construire ce type de logement en centre ville était révolutionnaire.
Jérémie considérait le pâté d’immeubles depuis la terrasse. Le paysage était monopolisé par ces immeubles aux angles insolites et nombreux, dont les pans de béton étaient coiffés de jardins encore très verts; du gazon, du lierre et des plantes grimpantes qui tombaient des rambardes, mais aussi des arbustes et de petits arbres. L’architecte a dû s’inspirer des jardins suspendus de Babylone, se dit Jérémie.
- On va passer à table, je sens qu’il y a un morfale qui trépigne d’impatience.
Ils allèrent dans la cuisine, une petite pièce attenante au salon et dont la table, tirée vers le milieu de la pièce, pour accueillir six personnes, occupait une bonne partie de l’espace.
La grand-mère d’Odd posa quelques hors-d’œuvre sur la table puis alla chercher le plat de résistance. C’était du poulet, accompagné de légumes mélangés : pommes de terre, carottes, courgettes, oignons, cuits avec un peu de curry jusqu’à sembler confit.
- Alors, quoi de neuf, Odd ? commença la grand-mère.
- Depuis quand ? demanda ce dernier. Oh, rien de très spécial -sauf ce qui est classé secret défense, bien sûr !
Il avala une bouchée puis enchaîna :
- J’ai gagné un tournoi de skate, où j’ai battu Théo ; je me suis amusé à tourner un film avec Kiwi dans le rôle principal -je te le montrerai- ; euh, je recherche quelqu’un pour le groupe. J’avais pensé à Jérémie, mais il me dit qu’il ne peut pas, qu’il n’a pas le temps. Voilà.
- Il oublie de dire qu’il est persona non grata auprès des filles du collège, persifla Jérémie.
- Pas le temps à cause du travail ? Quel garçon sérieux ; tu devrais prendre modèle sur lui, railla madame Della Robbia.
- Même pas. Il a la moyenne sans travailler, et Aelita pareil. D’ailleurs, le proviseur veut les envoyer tous les deux en seconde, avec Yumi, dès demain.
- Un saut de classe en fin de collège ? Ce n’est pas courant. Et puis il y a le brevet à la fin de l’année, non ? s’interrogea Ida.
- Certes. Mais à priori nous n’auront pas besoin de le passer, notre moyenne étant suffisamment importante, annonça Jérémie.
- Et bien, voilà qui est impressionnant !
- Vous nous accompagnerez quand même, dites ? On va s’ennuyer sinon, si on doit y aller que nous deux, supplia faussement Odd.
- En même temps, tempéra Ulrich, s’ils viennent passer le brevet avec nous, on devra les écouter à la sortie des épreuves raconter à quel point c’était facile et à quel point ils ont tout réussi.
- Ha oui, exact, finalement je crois que vous aurez mieux à faire, ricana Odd.
La conversation continua sur un ton joyeux ; madame Della Robbia relatait des anecdotes piquantes sur ses tournées avec son orchestre (elle était musicienne), racontait des blagues et pouvait même vanner son petit-fils à l’occasion. Plusieurs sujets furent abordés. À un moment, la grand-mère demanda :
- Au fait, Aelita, tu ne serais pas d’origine finlandaise par hasard ?
Aelita, surprise par tant de clairvoyance, bredouilla :
- Oui, exact, ma mère était finlandaise. Mais comment avez-vous deviné ?
- La couleur de tes cheveux. J’ai fait des tournées et des voyages en Europe, mais je n’ai rencontré cette couleur particulière qu’en Finlande. On raconte là-bas que cette couleur de cheveux est le signe d’une ascendance elfique. Tukka je sais pas quoi...
- Ruusuien tukka, les cheveux rosés, compléta Aelita. Contente d’apprendre que je suis une elfe !
Les cinq amis prirent congé. C’était un après-midi ensoleillé, mais le fond de l’air était frais. Et il faisait lourd, signe d’un orage prochain. Ils allèrent au cinéma. Contrairement à ce que certaines mauvaises langues auraient pu croire, Odd ne voulut par voir la niaiserie de ce mois d’octobre, American Pie 3, mais Elephant, film intéressant mais difficile. D’ailleurs, ils sortirent de la salle dans un état de malaise visible. Après avoir un peu léché les vitrines, ils rentrèrent à Kadic, Yumi chez elle.
Comme trois jours auparavant, Jérémie se trouvait face à la porte du bureau du principal. Mais cette fois, il était accompagné d’Aelita et il savait de quoi il retournait. Du reste, les problèmes administratifs d’Aelita avaient été résolus : Jérémie avait utilisé son programme de synthèse vocale pour téléphoner à monsieur Delmas avec la voix de Franz Hopper, père d’Aelita Stones. Il avait fourni par fax (afin d’éviter le tampon de la poste) les documents manquant au dossier d’Aelita -documents pour certains truqués ; il avait également ajouter au nom d’Aelita son patronyme, expliquant que Stones était le nom de sa mère, et Hopper le sien. Bien sûr, il avait fourni les fiches d’état civil, des vraies cette fois. Aelita était donc désormais Aelita Hopper-Stones. À n’en point douter, redonner à son amie sa véritable identité facilitera sa vie plus tard.
- Bonsoir, mes enfants, content de vous revoir. Avez-vous pris votre décision ?
- Nous acceptons le saut de classe.
- Vous avez pris la bonne décision, j’en suis sûr, commenta monsieur Delmas. Nous sommes fiers d’avoir des élèves comme vous à Kadic. Vous avez choisi vos options ?
- Je vais prendre italien, latin, et physique, annonça Aelita.
- Je vais prendre italien, physique et SES, continua Jérémie.
- Bien, choix judicieux. Aelita, j’aurais besoin des papiers que je t’ai demandé.
- Voilà, dit Aelita en tendant sa chemise à monsieur Delmas.
- Excellent. Tout sera bientôt en règle, malgré le changement de nom de famille d’Aelita. Vous pouvez intégrer votre nouvelle classe dès demain. Un dernier mot, au sujet du brevet : comptez-vous le passer ?
- Euh, nous n’y avons pas beaucoup réfléchi. À priori, on doit le passer, non ?
- L’ennui c’est que vous n’aurez pas suivi une année de 3ème complète, ça risque de poser problème pour le calcul du contrôle continu. L’éducation nationale n’aime pas être bousculée dans ses petites habitudes. Mais je pourrais toujours m’arranger. Du reste, comme vos moyennes sont supérieures à 15 vous pouvez l’avoir sans le passer, si j’arrive à m’arranger. Sinon, vous devrez le passer sans contrôle continu de 3ème. Enfin, je verrai, ne vous inquiétez pas. Et rassurez-vous, tout ça n’a guère d’importance.
Il prit soudain un air conspirateur :
- Entre nous, je vais vous dire une bonne chose : le brevet des collèges, ça ne sert à rien. On peut passer en seconde sans l’avoir, et on peut redoubler en l’ayant ; son obtention n’a pas d’influence sur l’orientation. C’est utile uniquement pour certains concours administratifs de catégorie C, quand on n’a rien d’autre. Et puis, quand on a le baccalauréat, ce qui sera évidemment votre cas, ça ne sert strictement à rien, vous pouvez vous en dispenser sans crainte.
Devant l’air interdit de ses deux élèves, il continua :
- Bon, en tous cas, tout est prévu, vos professeurs sont prévenus, vous pourrez vous rendre en cours demain sans problème. Voici les divers documents dont vous aurez besoin, emploi du temps etc., et voici vos paquets de livres. Je vous souhaite une bonne intégration, et bien sûr bon travail.
- Merci de vous être donné du mal pour nous, monsieur.
Sur ce, ils prirent congé.
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Pete 14/06/06 à 20:30 | Après trois mois de pause, vous ne l'attendiez plus, mais le 5ème volet de vaellus est arrivé ! Je rappelle qu'il est vivement conseillé de lire les précédents épisodes d'abord Vaellus – épisode #5 : Histamine sur Lyoko Jérémie s’était pour une fois réveillé sans réveille-matin après une longue nuit de sommeil. Les événements de la veille étaient suffisamment agréables pour lui procurer un sommeil paisible, mais pas assez fantastiques pour l’exciter au point de le tenir éveillé dans son lit. Lui qui dormait relativement peu pour un adolescent de 13 ans s’était accordé une nuit de douze heures. Il était neuf heures en ce dimanche du mois d’octobre débutant. Le dimanche matin, on profitait du calme, contrairement aux matinées de semaine : un nombre réduit de pensionnaires étaient présents, et, comme il n’y avait pas classe, leur réveil était échelonné, de sorte que les couloirs étaient silencieux, que les douches n’étaient pas encombrées et qu’il y avait de l’eau chaude. Jérémie profitait du calme vivifiant des couloirs et des largesses de la salle de bain. L’air sentait le propre, comme disait Ulrich, car le ménage poussé avait lieu le samedi après-midi ; les pensionnaires profitaient de lieux immaculés, chose qui avait peu d’importance s’agissant des couloirs, beaucoup plus s’agissant des toilettes. Pas de cartable à préparer, pas de sonnerie, pas de bousculade, la chaleur apaisante de l’eau. Il ne traînait pas trop non plus, car le service du petit déjeuner prenait fin à 9h30 en théorie, à 10h en pratique. Lorsqu’il arriva au réfectoire, Ulrich et Aelita étaient déjà attablés. Odd traînait au lit, comme d’habitude ; mais on pouvait parier que sa faim serait plus forte que sa flemme et que son estomac le guiderai jusqu’à la cantine. Jérémie prit un plateau et le garnit copieusement : chocolat chaud, tartines, croissants, céréales, banane. Sa bonne humeur lui avait ouvert l’appétit. Il vint s’asseoir auprès de ses amis. Le dimanche, Rosa gâtait ses pensionnaires : le pain et les croissants étaient de la plus grande fraîcheur, presque encore chaud ; le chocolat plus onctueux ; les céréales plus croustillantes que jamais. - Alors, c’est votre dernier petit déjeuner de collégiens, mes enfants. Ça vous fait quel effet ? plaisanta Ulrich. - L’effet que ça me fait ? répéta Aelita, pensive. Elle prit un air concentré, yeux fermés, nez humant les volutes qui montaient du bol de chocolat, dont les senteurs veloutées se mêlaient au parfum capiteux des croissants chauds et à l’odeur du pain frais. - L’effet que ça me fait ? Aucun, ironisa-t-elle. En pratique, ça ne change rien pour nous : mêmes chambres, même réfectoire, même établissement, mêmes amis, et même cours de récré. La seule différence dans notre vie, ce sera des cours plus intéressants. - Je ne te le fais pas dire, fit Jérémie. Madame Hertz a le talent de rendre ses cours captivants, mais quand on sait déjà tout, c’est vite lassant. - C’est ça, c’est ça, railla Ulrich, faites donc les malins devant le pauvre élève besogneux que je suis… - Toi, besogneux ? rit Jérémie - En tous cas plus que le dilettante que voici, expliqua-t-il en pointant Odd de la cuiller. Ce dernier, comme à son habitude, chargea son plateau comme un lama, puis vint s’asseoir auprès de ses amis. - Salut la compagnie ! Ça boume, ce matin ? lança-t-il avant d’entamer sa première bouchée. Aelita demanda à Jérémie : - Alors, comment se porte notre wired ? - Bien. Apparemment, XANA est impuissant face à notre réseau séparé. Il est difficile d’en tirer de la puissance sans pénétrer à l’intérieur, mais c’est déjà ça de moins pour XANA. Il prit son inspiration : - J’ai réussi, se mit-il à expliquer à l’attention de Odd et Ulrich (qui n’écoutaient pas), à découpler la mémoire allouée aux tours des tours séparées, de sorte qu’on peut pirater encore des tours sans risquer la saturation de la mémoire. - Il y a cependant un hic, précisa Aelita. C’est que la mémoire du supercalculateur et les tours ne sont pas non plus totalement découplées. Il n’est pas possible d’attribuer aux tours n’importe quelle quantité d’unités de mémoires, à sa guise. D’autre part, l’intérêt des tours ne réside pas seulement dans la mémoire qu’elles gèrent et les programmes d’entretien qu’elles font tourner. Je veux dire qu’elles ont un intérêt sur le terrain, sinon mon père n’en aurait pas construit autant. Plus une zone est éloignée, plus la tour a besoin de mémoire pour l’entretenir. Autrement dit, plus nous piraterons de tours, plus la demande globale de mémoire augmentera ; telle est leur limite, mon cher Jérémie. - Certes, mais l’horizon de cette limite est bien lointain, malgré l’augmentation exponentielle des processus annexes corrélées à l’expansion linéaire du réseau. - Euh, c’est moi ou vous vous écoutez parler, là ? le coupa Ulrich. - J’avoue, avoua Jérémie. On s’amuse à faire des phrases parce qu’on est content, nous avons remporté une victoire hier. Cherche pas, ça ne veut pas dire grand chose. Enfin si, mais ce sont des phrases ronflantes pour dire des choses banales. - Banal pour vous peut-être, mais pour moi c’est du chinois. Et puis, vous êtes aussi bien placés que moi pour savoir qu’il ne faut pas sous-estimer XANA. - C’est juste, dit Aelita. C’est comme ça qu’on essuie des défaites. Cette dernière remarque jeta un petit froid car rappeler ce jour où la victoire finale s’était transformée en défaite cuisante était douloureux pour tous. Odd, entre deux bouchées, intervint : - On lui a quand même mis la pâté, hier. Et depuis le temps que Jérémie essaye de pirater les tours… - De les pirater avec succès, renchérit Aelita. Nous jouons désormais à armes égales avec XANA. - Oui, se félicita Jérémie. Désormais, XANA n’est plus la seule eXtension Autonome Non Autorisée de Lyoko ! - Mais il reste la seule eXperience d’Adversaire Numérique Antipathique, l’unique eXperience d’Adversaire Nul et Amoral, blagua Odd. Tous éclatèrent de rire. - En tout cas, une belle journée s’annonce pour nous. Qu’allons nous faire pendant la matinée ? - Bah, ce que l’on veut, avança Ulrich. - Je vais peut-être pouvoir bouquiner un peu, dit Jérémie. - Pour moi ça sera : rien ! dit Odd. En ouvrant la porte de sa chambre, Jérémie perçut le redouté signal sonore avertissant d’une attaque de XANA. - Oh, non, pas aujourd’hui, soupira-t-il. Il agita sa souris pour que les informations du superscan apparaissent ; l’écran s’illumina. Mais à la place de l’habituelle tour rouge, Jérémie vit une page des logs du superscan. Ce qui y était inscrit était pour le moins inhabituel, et si Jérémie interprétait correctement les infos… Non, ce n’était pas possible, ça n’était jamais arrivé. À moins que… Il attrapa son portable, le glissa sous son bras, déboula hors de sa chambre et dévala quatre à quatre les escaliers, en direction de la salle commune. Dans les couloirs vides, le bruit de ses pas résonnait. Ce problème de bruit était un défaut du bâtiment : si quelqu’un hurlait dans sa chambre en pleine nuit, l’étage était réveillé. Lorsqu’ils le virent débouler dans la salle commune, ordinateur portable sous le bras, visage tendu et souffle court, Aelita, Odd et Ulrich maudirent intérieurement XANA, qui avait le chic pour déclencher des attaques au mauvais moment. Jérémie leur fit le signe d’intelligence habituel, qui signifiait « À l’usine ! ». Pour signaler un rendez-vous à l’usine au milieu d’une foule, par exemple les pensionnaires présents dans la salle commune, Jérémie frappait trois fois la paume de sa main de son majeur. Pour signaler une attaque de XANA, il entrechoquait trois fois son pouce et son majeur. Les amis n’avaient sans doute pas perçu la nuance ; de toutes manières, ces deux gestes signifiaient qu’il fallait se rendre à l’usine, l’alerte XANA étant simplement plus impérieuse. Jérémie se révéla peu prolixe durant le trajet ; il se contenta d’attiser leur curiosité par un évasif « il se passe des choses inhabituelles sur Lyoko ». Ulrich et Odd avaient appris à se contenter de ce genre de parole sibylline. S’ils s’étaient avisés de demander des éclaircissements, ils auraient eu droit de la part de Jérémie à des explications obscures, pétries de jargon scientifique, de tournures ampoulées et de raccourcis incompréhensibles. Comme à l’accoutumé, ils se disposèrent en demi-cercle autour du fauteuil princier de Jérémie, l’œil sur l’écran principal de l’ordinateur de contrôle. Sur la carte rapprochée, les quatre amis voyaient sur le territoire du désert une multitude de points rouges, s’agitant selon une chorégraphie qui échappait à Odd et Ulrich. Des grappes de points se déplaçaient lentement, s’approchant, sans les rejoindre, d’autres groupes. La plupart des grappes étaient ténues et rapides ; elles semblaient se comporter comme des essaims de moustiques autour d’un gros mammifère. Il arrivait que les points rouges de certaines grosses grappes disparaissent. Aelita était comme hypnotisée, elle avait le visage concentré qu’elle arborait lorsqu’elle réfléchissait vite. - C’est bien ce que je pensais, commenta Jérémie. Les fluctuations décroissantes de charge de la matrice inertielle sont provoquées par la dévirtualisation de monstres de XANA. Finalement, cette courbe, dit-il en mettant au premier plan un graphique complexe, ressemble à celles que l’on observe au cours de nos missions. - Qu’est ce que tu cherches à nous dire ? Que des monstres se dévirtualisent ? - Exactement, mais ce n’est pas le plus étonnant : ils se dévirtualisent car ils sont abattus par d’autres monstres. - Abattus par d’autres monstres ? répéta Odd d’une voix étonnée. Tu délires pas un peu, là ? - J’en suis désormais sûr. Je n’arrivais pas à y croire tout à l’heure, dans ma chambre, devant les chiffres de la matrice ; mais maintenant je dois me rendre à l’évidence. Jugez par vous-mêmes. - Je juge, je juge, marmonna Aelita, abasourdie. Il y a donc deux camps qui s’affrontent parmi les monstres de XANA. Lesquels ? - Je te dis ça tout de suite, dit Jérémie en pianotant sur son clavier. Ce n’est pas si simple d’isoler les différentes factions. Apparemment, ce sont les dévas contre tous les autres… Il y a également un nouveau type de monstre volant, non identifié, qui apparemment combat aux côtés des dévas… - Qu’est ce que tout cela signifie ? demanda Ulrich. Est-ce que les dévas se mutinent contre XANA ? - Il a enfin réussi à créer des monstres intelligents, ironisa Odd. - Apparemment, lâcha Jérémie. - Tu n’as que ce mot à la bouche. Méfie-toi, les apparences sont souvent trompeuses. - Tu ne crois pas si bien dire, Odd, dit Aelita. Cette histoire de mutinerie m’étonnerait beaucoup. - Tu oublies que XANA s’est retourné contre ton père à la suite de multiples retours vers le passé, lui rappela Jérémie. C’est une chose possible ; alors pourquoi pas les dévas ? - Je ne sais pas. - En plus, si ma supposition est exacte, le réseau de tours alternatif que XANA tente de mettre en place lui sert à contrôler les dévas. Plus de réseau, plus de contrôle. - Une fois de plus, tu sous-estimes XANA, Jérémie, rétorqua Aelita. Il n’est pas assez stupide pour virtualiser des monstres contrôlés par un réseau de tours encore embryonnaire, surtout qu’il devait se douter que nous ferions tout pour les désactiver. - Pas s’il le croyait protégé par ses quelques dévas opérationnels. Ce ne serait pas la première fois qu’il surestime ses créations et sa stratégie. - Mouais, pas faux, concéda Aelita. - Tu as une autre explication, peut-être ? - Oui, XANA teste en grandeur nature ses nouvelles créatures, les dévas, en leur faisant affronter ses monstres de première génération, et quelques-uns de deuxième génération à ce que je vois, mais ils restent en arrière. Il les préserve. - Il sacrifierait ses propres monstres ? Peu crédible. - Si. Les dévas sont sa troisième génération de monstres, je me trompe ? Ce sont ses troupes de choc. Avec sa 2ème génération en troupes auxiliaires, il peut fort bien se passer de la première. Il vide son fond de réserve, si j’ose dire. Il ne les gardera que comme chair à canon, je présume. Elle s’appuya sur le dos du fauteuil : - Il faut bien se rendre compte que le supercalculateur a beaucoup gagné en puissance, et qu’en conséquence virtualiser un kankrelat demande relativement peu de puissance. - Mais tu n’expliques pas pourquoi XANA fait ça. À quoi ça lui sert de tester ses monstres comme ça ? - À les tester dans toutes les situations, justement. Et ça ne m’étonnerait pas que les dévas soient dotés d’une IA avancée, et plastique ; autrement dit, plus ils se battent, plus ils apprennent. - Tu veux dire que les dévas sont en train de se renforcer ? - C’est du moins la seule explication logique que je vois. Jérémie avait les sourcils froncés et la moue septique. - Sauf que pour entraîner les dévas, on peut tout autant les faire tirer à blanc. Or, les monstres semblent vraiment se dévirtualiser. Il pianota à toute vitesse sur son clavier, affichant le détail des combats sur Lyoko. - Je confirme, annonça-t-il, que les dévas tirent pour tuer. Une chape de confusion s’abattit sur le groupe. - Je ne comprends plus rien, dit Aelita d’une petite voix. Réfléchissons… Aelita se mit à faire les cent pas, tandis que Jérémie examinait toutes les données dont il disposait. - Aelita, annonça Jérémie, je crois que les dévas ont bel et bien échappés au contrôle de XANA. - Et bien, peut-être est-ce le cas, finalement. Wait and see. - Et si on allait voir sur place ? proposa Odd. - Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, rétorqua Jérémie. Ils pourraient nous considérer comme leur menace principale, et se liguer contre nous. Pour l’instant, ils s’entre-tuent, alors laissons les faire. - Comme tu veux, mon Jéjé, c’est toi le spécialiste. - En voilà une bonne nouvelle, commenta Ulrich. La guerre civile de Lyoko va durer combien de temps ? - Comme aucun camps ne semble prendre l’avantage, ça peut durer longtemps, répondit Jérémie. - C’est génial ! s’exclama Ulrich. Ça nous fait des vacances en perspective. J’ai hâte d’annoncer ça à Yumi. - À ce propos, intervint Odd, il serait peut-être temps d’y aller. L’ascenseur montait comme l’allégresse dans le cœur des quatre collégiens. Comme XANA lui-même avant eux, les dévas se retournaient contre leur créateur. La nouvelle était inespérée : tant que durerait la crise, ils auraient la paix. Et si d’aventure l’un des deux camps prenait l’avantage, ils pourraient intervenir et rétablir l’équilibre des forces. Avec un peu de chance, les dévas libérés n’avaient pas d’intentions hostiles comme XANA, et leur victoire serait la victoire de la bande. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis… Pas forcément. La logique de ces assertions n’était que mathématique. Pour s’en convaincre, il suffisait de remplacer « amis » par « nombres positifs » et « ennemis » par « nombres négatifs ». Et ensuite, de la même manière que : Le produit d’un nombre positif et d’un nombre positif est positif ; Le produit d’un nombre positif et d’un nombre négatif est négatif ; Le produit d’un nombre négatif et d’un nombre positif est négatif ; Le produit d’un nombre négatif et d’un nombre négatif est positif. De même : Les amis de mes amis sont mes amis ; Les amis de mes ennemis sont mes ennemis ; Les ennemis de mes amis sont mes ennemis ; Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Ce type de réflexion restait l’apanage de Jérémie, et éventuellement d’Aelita. Eux seuls s’amusaient à employer les mathématiques dans la vie de tous les jours. Et surtout, eux seuls avaient une connaissance mathématique de la théorie des jeux. Jérémie et Aelita s’en étaient servis pour élaborer des stratégies, et surtout pour prévoir celles de XANA, fondées sur la logique probabiliste de ces modèles théoriques. Enfin, pas toujours, se disait souvent Jérémie. Certes, la stratégie de XANA avait gagné en cohérence ; certes, son comportement apparemment erratique des débuts s’expliquait maintenant : il cherchait, à défaut d’éliminer ses ennemis, les forcer à utiliser le retour vers le passé. Ensuite, sa stratégie avec la méduse était compréhensible. Il n’en restait pas moins que les actes de XANA demeuraient intrinsèquement chaotiques et parfois d’apparence illogique. Cela était la conséquence d’une sorte de bug dans sa programmation, d’une interprétation erronée des informations, d’une anomalie fondamentale : voilà qui expliquait les incohérences de XANA. Tous arboraient un sourire radieux et confiant. Deux victoires sur XANA en moins de 24 heures, il y avait de quoi être content. Les portes du monte charge s’ouvrirent sur une journée rayonnante. Les quatre amis poussèrent un cri de stupeur. Ils se trouvaient nez à nez avec Sissi. Chacun observait l’autre d’un air interdit. - Qu’est ce que tu fiches là ? s’exclamèrent Odd et Ulrich. - Je vous retourne la question, répliqua Sissi. Qu’est-ce que vous faites dans ce monte-charge, dans cette usine désaffectée, un dimanche matin ? - Ben quoi, le dimanche on n’a pas cours, alors on se promène, tout comme vous, il me semble ? ironisa Odd. - Je vous ai suivi, expliqua Sissi. Je me suis toujours demandé ce que vous mijotez, quand vous vous éclipsez. Alors comme ça, on se balade au sous-sol des anciennes usines ? Qu’est ce que vous manigancez, là-dessous ? Elle se dressa fièrement comme a son habitude, croisa les bras et renchérit : - On peut savoir ce qu’il y a au sous-sol ? - Il n’y a rien de spécial, répondit Jérémie, qui s’était ressaisi. Des sous-sols encore plus désaffectés que le reste. La salle des groupes électrogènes et une ancienne piste d’essai reconvertie en entrepôt vide. Vous voulez visiter ? - Avec plaisir, répliqua Sissi, qui croyait avoir pris Jérémie à son propre bluff. - Madame et messieurs, veuillez prendre place dans l’ascenseur, je vous pris. Sissi, étonnée par l’assurance de Jérémie, se dit qu’elle se faisait peut-être des idées, qu’il n’y avait rien de spécial là-dessous. Ne voulant pas se dégonfler, elle prit place dans l’ascenseur, suivit naturellement par ses deux acolytes. Jérémie appuya sur le bouton rouge ; les portes se refermèrent et le monte-charge descendit sa charge. Évidemment, Jérémie n’avait pas entré le code autorisant l’accès aux niveaux spéciaux. Par conséquent, les portes s’ouvrirent sur le niveau normal. - Bienvenus dans les sous-sols de l’usine, commença Jérémie. Le sous-sol n’est plus électrifié, du moins en théorie, donc vous ne pouvez pas voir grand chose, chers visiteurs. La lumière du monte charge éclairait vaguement une salle dont les murs étaient impalpables. - Ne me dites pas qu’il n’y a pas de lumière, vous ne seriez pas descendu ici, sinon. - On aime bien se promener dans l’obscurité, dit Ulrich. - On fait des parties de cache-cache à la lampe torche, enchaîna Odd. - Nous sommes nyctalopes, ajouta Aelita. - Sans rire, admit Jérémie, on peut activer l’éclairage depuis l’ascenseur. attendez. Jérémie abaissa un disjoncteur et le plafond s’illumina. La lumière semblait grise ; la lueur blafarde des néons sur les murs de béton donnait une teinte étrange , semblable à celle qui régnait dans la salle de contrôle, mais en moins verte. - Comment se fait-il qu’il y a de l’électricité ici ? s’étonna Sissi. - Un branchement pirate au secteur, avoua Jérémie, qui ne disait pas tout à fait la vérité. Tant qu’on allume la lumière très occasionnellement, EDF ne s’en rend pas compte. Jérémie fit quelques pas et proposa d’un air espiègle : - On continue la visite ? - Ça va, on a compris, admit Sissi. Mais vous ne perdez rien pour attendre. Je finirai bien par découvrir ce que vous mijotez ! De retour à la surface, la bande sortit par la porte principale, suivit à une vingtaine de mètre par Sissi. Une crise d’espionnite aiguë poussait cette dernière à suivre les allées et venues des amis de « son » Ulrich chéri, à qui elle n’avait pas adressé la parole, d’ailleurs, sans doute encore trop vexée qu’il sortît avec Yumi. L’ennui, pour elle, était que, désormais hors de l’usine, Jérémie, Aelita, Odd et Ulrich n’avaient plus rien à cacher. Ils marchaient en direction de la maison de leur amie japonaise. Les rues, le dimanche, même en fin de matinée, étaient désertes dans cette ville de banlieue. À vrai dire, le dimanche matin, on ne croisait guère que des sportifs faisant leur jogging, des gens promenant leur chien et quelques retraités matinaux profitant du calme matinal pour faire leur promenade de santé. Sissi n’avait donc pas la moindre chance de les suivre discrètement, surtout en traînant dans son sillage ses deux lourdauds. Mais elle s’obstinait, comme si elle voulait les harceler, comme si elle refusait de rester sur l’échec qu’elle avait essuyé à l’usine, échec d’autant plus cuisant qu’elle avait crû les prendre sur le fait. Ils firent un crochet par le collège où Odd alla chercher son chien, qui ne demandait qu’à se dégourdir les pattes. En semaine, il en avait peu l’occasion, bien que Jim le tolérât, malgré le règlement intérieur, à condition qu’il reste discret. C’était exceptionnel de la part de Jim de faire des entorses au règlement, et certains en avaient déduit que, dernière ses airs bourrus, Jim aimait les animaux, notamment les chiens, et qu’il n’osait pas séparer Kiwi de son maître, et inversement. Une fois dehors, Kiwi se mit à gambader frénétiquement dans un périmètre autours de ses amis et maîtres humains. Arrivés devant chez Yumi, c’est Ulrich qui s’avança jusqu’au perron. Yumi sortit 30 secondes plus tard après qu’Ulrich eut sonné ; elle était prête. Les deux amoureux s’enlacèrent langoureusement sur le pas de la porte. D’aucuns regrettaient que Sissi soit trop loin, à l’angle de la rue, pour voir cette scène de ses propres yeux, histoire de la voir enrager. Mais Jérémie, et il était sûr qu’Aelita pensait la même chose, ne voulait pas voir souffrir Sissi : c’est sa douleur intérieure –la perte de sa mère, ses difficultés scolaires, son chagrin d’amour– qui en faisait une petite peste. Aelita, qui avait perdu sa mère au même âge que Sissi, faisait preuve d’une grande empathie à son égard, ce qui ne signifiait pas pour autant qu’elle lui pardonnât aveuglément toutes les misères qu’elle lui avait prodiguées, et qu’elle lui prodiguait toujours. Bras dessus dessous, les deux tourtereaux rejoignirent le groupe. Au grand complet, ils prirent la direction de la gare ; ils étaient invités aux alentours de 13h chez la grand-mère d’Odd. Madame Della Robbia avait proposé à son petit-fils de venir avec ses amis pour le déjeuner, avant un après midi en ville. Elle vivait en proche banlieue. - Que fait Sissi à nos basques ? s’étonna Yumi. - Elle nous a suivis jusqu’à l’usine, expliqua Ulrich. - Hein ? Qu’a-t-elle découvert ? - Rien, elle nous a juste vu remonter à la surface. Mais elle ignore l’existence des étages secrets, la rassura Ulrich. - Ouf, j’ai eu peur, mais on l’a quand même échapper belle. Il va falloir être plus prudent, dorénavant, et ne plus passer par la rue. Uniquement les égouts, comme au bon vieux temps. - Oui. Dommage, déplora Ulrich. À la gare, Jérémie et Aelita se précipitèrent naturellement au guichet automatique, tandis que Yumi, Ulrich et Odd préférèrent le contact de la guichetière humaine. Munis de leurs titres de transport (compostés, n’oublions pas ce détail), ils s’installèrent tous les sept, en comptant Kiwi, sur deux banquettes en vis à vis. Ulrich et Yumi s’assirent côte à côte, et, mains dans les mains, se dévoraient du regard et s’embrassaient à intervalles rapprochés. Du coup, ni Jérémie, ni Aelita, ni Odd n’osèrent lancer une conversation collective. Odd chaussa son casque et se mit à écouter ses MP3, en caressant négligemment Kiwi pour le dissuader de courir dans tout le wagon. Aelita entama un livre, Le Parfum de Patrick Süskind. Jérémie entama la lecture du dernier Sciences & Vie, emprunté pour le week-end au CDI. Odd repris la lecture d’un roman d’Agatha Christie. Yumi détourna un instant le regard d’Ulrich pour lire le titre du livre d’Odd. - « Le crime de l’Orient Express » devança ce dernier. Une enquête entière dans un train. J’ai décidé de ne lire ce bouquin que dans les trains, histoire d’être plongé dans l’ambiance. - Tu sais, Odd, il y a autant de ressemblances entre l’Orient Express et le RER qu’entre le collège Kadic et Poudlard, l’école de sorcellerie. - Qu’est ce que tu es rabat-joie, toi ! Un train ça reste un train, non, même si la déco change. - Oui, tout comme une école reste une école… C’est à ce moment là qu’Ulrich intervint en faveur d’Odd en embrassant fougueusement sa bien-aimée, qui fut obligée de se taire, ce qu’elle fit d’ailleurs sans se faire prier. Bien qu’elle fût gênée par les démonstrations affectives en public, sa passion la poussait hors de sa réserve habituelle ; elle osait ce qu’elle n’aurait jamais osé auparavant. Ils eurent un changement avant d’arriver à la station la plus proche de chez madame Della Robbia. La porte extérieure étant verrouillée par mot de passe, un code comme on avait coutume de dire dans ce genre de cas. Odd sortit de sa poche son téléphone portable et y chercha le code. - Tu ne connais toujours pas le code, depuis le temps que tu viens ici ? s’étonna Ulrich, qui lorgnait du côté de Yumi pour voir si elle souriait à sa vanne. C’était le cas : Yumi riait toujours aux vannes d’Ulrich, y compris aux plus mièvres, même si elle se justifiait, dans ce cas, par des pseudo-protestations faussement indignées. - Déjà, je n’ai pas la mémoire des chiffres, et puis surtout, le code change régulièrement… tous les ans, je crois. Sur ce, Odd tapa 63A19 sur le clavier, et il ouvrit la porte. Nos cinq amis se retrouvèrent dans un petit hall ; une pièce aux murs beiges, agrémentée d’un miroir et d’une plante verte à gauche, les boites aux lettres à droite, et la deuxième porte d’entrée au fond. - Ce code est facile à retenir, fit remarquer Jérémie. - Ah bon, tu trouves ? s’étonna Odd. - Oui. Il y a un axe de symétrie. Odd arbora sa mimique qui demandait en substance : « en français, ça veut dire quoi ? ». - Un axe de symétrie entre 63A et 19. A est la première lettre de l’alphabet, et 6 et 3 fait la paire avec 9 car 6+3=9. On a donc une symétrie ; deux paires embrassées. - Tu n’arrêtes jamais, Einstein ? Tu as déjà débranché ton cerveau cinq minutes, pour voir ? - Euh, ça m’est venu comme ça, c’est tout, expliqua Jérémie, qui crut devoir se justifier. J’ai vu la symétrie en lisant le code, comme une image. Cette dernière remarque ne fit que renforcer Odd dans son idée que Jérémie était un petit génie, si d’aventure cette idée avait besoin d’être renforcée. - Tu aggraves ton cas, mon Jéjé, rit Odd. Tu m’étonneras toujours ! Odd s’avança vers un l’interphone et appuya sur le bouton marqué « Della Robbia ». Tandis que Jérémie se demandait pourquoi l’interphone n’était pas placé à l’extérieur, à la place du digicode, un son de mauvaise qualité sortit de l’appareil. - Qui c’est ? - C’est nous. - J’ouvre. La seconde porte fut déverrouillée et ils atteignirent enfin un petit sas dans lequel un escalier s’enroulait autour d’une cage d’ascenseur, et qui donnait sur la porte des sous-sols, celle du placard à vélo, et celle de la loge de la concierge. - Ce n’est qu’au 3ème, on va prendre l’escalier, affirma Odd. Il s’engouffra dans les escaliers qu’il escalada quatre à quatre, suivi de Kiwi, pas fâché de faire de l’exercice, Yumi et Ulrich, que l’effort ne dérangeait pas, Aelita, et Jérémie, qui eut la courtoisie de ne pas protester. Jérémie arriva au troisième étage au moment où Ida Della Robbia disait : - Entrez, entrez. C’était une femme énergique qui ne faisait pas ses soixante-dix ans. Cheveux gris mi-longs, coiffés de façon étrange, habit crème légers, même air malicieux que son petit-fils Odd. L’entrée de l’appartement était une petite pièce carrée, dont chaque mur était frappé d’une porte, ouverte, la porte d’entrée par pour longtemps. Le mur gauche était garni d’une armoire à portes coulissantes puis de la porte de la cuisine. Le mur droit était agrémenté d’une étagère suivie de la porte du petit couloir menant aux toilettes, aux deux chambres, et à la salle de bain. Le mur du fond était béant, la double porte du salon étant grande ouverte. L’étagère de l’entrée portait quelques livres, quelques dictionnaires, quelques bibelots, des paquets de revues en tout genre, l’inévitable boite à tout, dans laquelle on jette les capuchons sans stylo, les clés sans serrure, les cadenas sans clé ou sans code, les tickets de métro à la validité douteuse, les pièces de métal, de plastique et de bois de toutes sortes, les gadgets en plastique, les billes, les clous ; bref, tout ce qui encombre les poches et tout ce qui reste après un rangement, sans place ni fonction définie. - Vous êtes en retard, dit soudainement Ida. Jérémie s’étonna et jeta un coup d’œil à sa montre. Aelita avait compris avant lui : - Un Hopper n’est jamais en retard, Ida Della Robbia. Ni en avance d’ailleurs. Il arrive toujours précisément à l’heure prévue. Un large sourire se dessina sur le visage d’Ida ; elle avait adopté Aelita. Jérémie se rendait compte qu’Odd avait été à la bonne école. Ida répliqua : - Aelita, à ce propos, tu connais la blague des prisonniers du goulag ? - Non, je ne crois pas. Ida raconta alors : « Trois prisonniers du goulag discutent : - Pourquoi t'es là toi ? - Je suis arrivé en retard à l'usine et j'ai été condamné pour sabotage industriel au profit des puissances ennemies. - Et toi ? - Oh moi ! Je suis arrivé en avance au travail et j'ai été condamné pour espionnage au profit des puissances ennemies. - Et toi, camarade ? - Ben moi, je suis arrivé à l'heure à l'usine... - Ah ! Et alors ? - J'ai été condamné pour conformisme petit bourgeois... » Tous rirent de bon cœur. Jérémie découvrait depuis la fenêtre du salon ce qu’il n’avait pas vu depuis la rue : l’incroyable architecture des bâtiments du centre ville. - Quand cet immeuble a-t-il été construit ? - Au milieu des années soixante, sous l’impulsion de la municipalité, qui souhaitait rénover le centre ville. À l’époque, construire ce type de logement en centre ville était révolutionnaire. Jérémie considérait le pâté d’immeubles depuis la terrasse. Le paysage était monopolisé par ces immeubles aux angles insolites et nombreux, dont les pans de béton étaient coiffés de jardins encore très verts; du gazon, du lierre et des plantes grimpantes qui tombaient des rambardes, mais aussi des arbustes et de petits arbres. L’architecte a dû s’inspirer des jardins suspendus de Babylone, se dit Jérémie. - On va passer à table, je sens qu’il y a un morfale qui trépigne d’impatience. Ils allèrent dans la cuisine, une petite pièce attenante au salon et dont la table, tirée vers le milieu de la pièce, pour accueillir six personnes, occupait une bonne partie de l’espace. La grand-mère d’Odd posa quelques hors-d’œuvre sur la table puis alla chercher le plat de résistance. C’était du poulet, accompagné de légumes mélangés : pommes de terre, carottes, courgettes, oignons, cuits avec un peu de curry jusqu’à sembler confit. - Alors, quoi de neuf, Odd ? commença la grand-mère. - Depuis quand ? demanda ce dernier. Oh, rien de très spécial –sauf ce qui est classé secret défense, bien sûr ! Il avala une bouchée puis enchaîna : - J’ai gagné un tournoi de skate, où j’ai battu Théo ; je me suis amusé à tourner un film avec Kiwi dans le rôle principal –je te le montrerai– ; euh, je recherche quelqu’un pour le groupe. J’avais pensé à Jérémie, mais il me dit qu’il ne peut pas, qu’il n’a pas le temps. Voilà. - Il oublie de dire qu’il est persona non grata auprès des filles du collège, persifla Jérémie. - Pas le temps à cause du travail ? Quel garçon sérieux ; tu devrais prendre modèle sur lui, railla madame Della Robbia. - Même pas. Il a la moyenne sans travailler, et Aelita pareil. D’ailleurs, le proviseur veut les envoyer tous les deux en seconde, avec Yumi, dès demain. - Un saut de classe en fin de collège ? Ce n’est pas courant. Et puis il y a le brevet à la fin de l’année, non ? s’interrogea Ida. - Certes. Mais à priori nous n’auront pas besoin de le passer, notre moyenne étant suffisamment importante, annonça Jérémie. - Et bien, voilà qui est impressionnant ! - Vous nous accompagnerez quand même, dites ? On va s’ennuyer sinon, si on doit y aller que nous deux, supplia faussement Odd. - En même temps, tempéra Ulrich, s’ils viennent passer le brevet avec nous, on devra les écouter à la sortie des épreuves raconter à quel point c’était facile et à quel point ils ont tout réussi. - Ha oui, exact, finalement je crois que vous aurez mieux à faire, ricana Odd. La conversation continua sur un ton joyeux ; madame Della Robbia relatait des anecdotes piquantes sur ses tournées avec son orchestre (elle était musicienne), racontait des blagues et pouvait même vanner son petit-fils à l’occasion. Plusieurs sujets furent abordés. À un moment, la grand-mère demanda : - Au fait, Aelita, tu ne serais pas d’origine finlandaise par hasard ? Aelita, surprise par tant de clairvoyance, bredouilla : - Oui, exact, ma mère était finlandaise. Mais comment avez-vous deviné ? - La couleur de tes cheveux. J’ai fait des tournées et des voyages en Europe, mais je n’ai rencontré cette couleur particulière qu’en Finlande. On raconte là-bas que cette couleur de cheveux est le signe d’une ascendance elfique. Tukka je sais pas quoi… - Ruusuien tukka, les cheveux rosés, compléta Aelita. Contente d’apprendre que je suis une elfe ! Les cinq amis prirent congé. C’était un après-midi ensoleillé, mais le fond de l’air était frais. Et il faisait lourd, signe d’un orage prochain. Ils allèrent au cinéma. Contrairement à ce que certaines mauvaises langues auraient pu croire, Odd ne voulut par voir la niaiserie de ce mois d’octobre, American Pie 3, mais Elephant, film intéressant mais difficile. D’ailleurs, ils sortirent de la salle dans un état de malaise visible. Après avoir un peu léché les vitrines, ils rentrèrent à Kadic, Yumi chez elle. Comme trois jours auparavant, Jérémie se trouvait face à la porte du bureau du principal. Mais cette fois, il était accompagné d’Aelita et il savait de quoi il retournait. Du reste, les problèmes administratifs d’Aelita avaient été résolus : Jérémie avait utilisé son programme de synthèse vocale pour téléphoner à monsieur Delmas avec la voix de Franz Hopper, père d’Aelita Stones. Il avait fourni par fax (afin d’éviter le tampon de la poste) les documents manquant au dossier d’Aelita –documents pour certains truqués ; il avait également ajouter au nom d’Aelita son patronyme, expliquant que Stones était le nom de sa mère, et Hopper le sien. Bien sûr, il avait fourni les fiches d’état civil, des vraies cette fois. Aelita était donc désormais Aelita Hopper-Stones. À n’en point douter, redonner à son amie sa véritable identité facilitera sa vie plus tard. - Bonsoir, mes enfants, content de vous revoir. Avez-vous pris votre décision ? - Nous acceptons le saut de classe. - Vous avez pris la bonne décision, j’en suis sûr, commenta monsieur Delmas. Nous sommes fiers d’avoir des élèves comme vous à Kadic. Vous avez choisi vos options ? - Je vais prendre italien, latin, et physique, annonça Aelita. - Je vais prendre italien, physique et SES, continua Jérémie. - Bien, choix judicieux. Aelita, j’aurais besoin des papiers que je t’ai demandé. - Voilà, dit Aelita en tendant sa chemise à monsieur Delmas. - Excellent. Tout sera bientôt en règle, malgré le changement de nom de famille d’Aelita. Vous pouvez intégrer votre nouvelle classe dès demain. Un dernier mot, au sujet du brevet : comptez-vous le passer ? - Euh, nous n’y avons pas beaucoup réfléchi. À priori, on doit le passer, non ? - L’ennui c’est que vous n’aurez pas suivi une année de 3ème complète, ça risque de poser problème pour le calcul du contrôle continu. L’éducation nationale n’aime pas être bousculée dans ses petites habitudes. Mais je pourrais toujours m’arranger. Du reste, comme vos moyennes sont supérieures à 15 vous pouvez l’avoir sans le passer, si j’arrive à m’arranger. Sinon, vous devrez le passer sans contrôle continu de 3ème. Enfin, je verrai, ne vous inquiétez pas. Et rassurez-vous, tout ça n’a guère d’importance. Il prit soudain un air conspirateur : - Entre nous, je vais vous dire une bonne chose : le brevet des collèges, ça ne sert à rien. On peut passer en seconde sans l’avoir, et on peut redoubler en l’ayant ; son obtention n’a pas d’influence sur l’orientation. C’est utile uniquement pour certains concours administratifs de catégorie C, quand on n’a rien d’autre. Et puis, quand on a le baccalauréat, ce qui sera évidemment votre cas, ça ne sert strictement à rien, vous pouvez vous en dispenser sans crainte. Devant l’air interdit de ses deux élèves, il continua : - Bon, en tous cas, tout est prévu, vos professeurs sont prévenus, vous pourrez vous rendre en cours demain sans problème. Voici les divers documents dont vous aurez besoin, emploi du temps etc., et voici vos paquets de livres. Je vous souhaite une bonne intégration, et bien sûr bon travail. - Merci de vous être donné du mal pour nous, monsieur. Sur ce, ils prirent congé. |
Shadowcat 15/06/06 à 11:11 | parfait, imparfait!!!!J'AI DETECTE UNE ERREUR!!! Emphatie s'écrit amphatie, si mes souvenirs son exacts mdr!!!!!!!! Nan je rigole c'est génial, combien de chapitre sont prevus au juste??? +++ |
L'anonyme 15/06/06 à 11:23 | Shadowcat> Hé bien non, ça s'écrit bien avec un "e"^^ |
Catchalque 15/06/06 à 11:46 | Et tu te prendra un rire de shadowcat pour t'apprendre à lire les messages en entier |
Pete 15/06/06 à 12:14 | "Shadowcat" a écrit : C'est avec un e, et le h après le t Normalement 13 épisodes sont prévus, comme pour la vraie saison 3. ça me fait d'ailleurs penser que si je veux finir Vaellus avant le début de la saison 3, je dois écrire un épisode par semaine^^' Sinon, merci pour tes encouragements. |
Lady-Sophie 15/06/06 à 22:11 | Un a un truc que je comprend pas, siCitation : (logique) pourquoi Citation : j'ai peut être pas bien compris ... tu expliques ? ----- oki ... ^^... c'est corrigé ! |
Pete 15/06/06 à 22:52 | faute d'inattention, que j'ai corrigée Merci de l'avoir relevée. |
Shadowcat 16/06/06 à 09:45 | atta Pete, je vais t'expliquer tout de uite la sitution.... en fait, mon père et moi on joue à un jeu: si on ne connaît pas l'ortho d'un mot tous les deux, on doit trouver comment il s'epelle sans avoir recours au dictionnaire, c'est un truc pour s'amuser et découvrir des trucs sur la langue francaise, desfois on trouve des trucs pas mal, donc je ne savais pas comment on épellait emphatie et comme on a pas tout à fait le droit de demander directement, je l'ai fait là C'est un peu tordu, mais c'est notre 'tit jeu!! d'ailleurs, en demandant à un de ses collèges il a entendus ce proverbe: "oigniez vilain il vous poindra, poignez vilain il vous oindra" +++ edit: et non je ne me moquerai pas de l'anonyme, catachalque^^ |
Pete 16/06/06 à 11:02 | "Shadowcat" a écrit : Caustique. Ce proverbe est aux individus ce que "si vis pacem, para bellum" est aux Etats. Dans cette fic, et dans la précédente (je reviens au sujet, quand même^^') il s'applique à XANA. Citation : Décidément, tout le monde poste des messages décalés, ici^^ |
Typy 20/06/06 à 23:44 | Citation :^^ tu utilise beaucoup trop le mot essuyer quant tu parle des échec ! ce 5 eme episode est passer vite,j'ai pas grand chose à dire dessus.mais il faut bien un peu que la tension redescende (: la visite cher la grand mêre est sympatique (: peut être que tu parle un peu trop de yumi/ ulrich aussi ^^ |
Pete 21/06/06 à 00:57 | "typy" a écrit : euh... Je n'emploie cette expression qu'une fois ! Citation : Arf, peut-être, effectivement. En fait, après l'épisode #3, étant donné que j'avais "reglé" le problème relationnel entre les deux, j'avais peur de les laisser un peu de côté, considérant que "bon, ils sont ensembles, ça y est, je vais pouvoir me concentrer sur ce qui me plait le plus : Jérémie, Aelita, l'action et les réflexions à n'en plus finir". Du coup j'en parle régulièrement, et tout particulèrement dans cet épisode sans action, axé sur la psychologie et la réflexion. J'en ferai moins dans les suivants |
Fan Fiction 15/08/07 à 15:20 | je continue avec le 5 (et j'ai vu aussi le 6),j'ai adorr cette episodes qui et vraiment surper bien ecrit,mais faudrait changer un peu ton style,car ces toujours des expliquation du meme genre (ex: tu parle trop d'un objet et tu dit un peu toujours les meme mot) |