Histoire : Du cœur à l’ouvrage


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Écrite par Ann O'Neemm le 10 mai 2013 (4129 mots)

Foutue journée. Je suis bien content qu’elle soit terminée. Heureusement, il fait beau aujourd’hui. Ça remonte un peu le moral. Foutue semaine aussi. Il faut dire qu’elle avait sacrément commencé. Lundi, Émilie et moi, on s’est engueulés pour trois fois rien. Et pas qu’à moitié, en plus. Mardi, elle m’annonce qu’elle me quitte et qu’elle a revendu tous les bijoux que je lui avait offert. Y compris la bague de fiançailles que je lui avais offert il y a un peu plus de deux mois. Et alors mercredi, c’était le pompon ! J’ai découvert qu’elle me trompait depuis le début. Ça m’a foutu un coup au moral. Bon, j’admets que ça ne m’a pas traumatisé non plus... Sûrement parce que ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, hélas.

Mais ce n’est pas tout. Hier et aujourd’hui, mon père n’a pas arrêté de me prendre la tête au boulot. Je n’en reviens pas de comment il peut être chiant quand il s’y met. Vraiment pénible. Et en plus, il n’a pas pu s’empêcher de remuer le couteau dans la plaie à propos d’Émilie. Heureusement qu’elle n’était pas là parce qu’il en a balancé pas mal sur elle. Tellement que ses oreilles ont dû siffler très fort et pendant un bon bout de temps, la pauvre. Enfin, la pauvre... Bien fait pour elle, oui ! Après tout, elle l’a bien cherché.

Et au passage, moi aussi j’ai eu le droit à ma volée de bois vert. Comme si j’en avais besoin ? Déjà que ça ne va pas fort, en ce moment... Et vas-y que je te rabaisse et que je te traite d’incompétent. Mais là où ça m’a sérieusement énervé, c’est quand il a commencé à juger ma vie personnelle. C’est bien simple, j’ai cru que j’allais lui coller un pain en travers de la figure tellement il m’irritait. Qu’est-ce qu’il en sait, de ma vie, hein ? C’est vrai, ça. Ça fait depuis le collège que j’ai quitté la maison. Et depuis ce temps-là, la seule chose qui l’intéressait chez moi, c’était mes bulletins de notes. Satanés torchons bourrés de chiffres et de remarques hypocrites ! Ils m’auront bien pourri la vie, ceux-là. Franchement, gosse de riches, c’est pas tous les jours facile quand on est fils unique. Ils auraient pu au moins faire l’effort de faire un ou deux autres mioches, les parents.

Quelque part, mon père n’a pas complètement tort non plus à propos d’Émilie. C’est vrai que je la trouvait un brin vénale et superficielle comme fille. Mais bon, toutes mes ex l’étaient, alors une de plus ou une de moins... À croire que j’attire ce genre de filles comme des mouches grâce ou à cause de ma situation. Soit disant que mon avenir est tout tracé dans la boite et vu que mon père en est le patron. Au fond, il n’y a eu qu’une seule fille qui ne s’est jamais préoccupée de tout ça. Mais a-t-on vraiment été ensemble ? Et puis c’est de l’histoire ancienne, tout ça. Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis cette époque. Ça fait maintenant neuf ans que je ne l’ai pas revue. Tout ça à cause d’une histoire à la con à propos de laquelle on s’était engueulés. Encore une engueulade, tiens. Ça doit être une constante chez moi. Et puis il faut dire qu’à l’époque on avait des caractères bien trempés.

Tiens ! Je me surprends encore à repenser au bon vieux temps. En même temps, avec toutes les choses invraisemblables qu’on a vécues tous ensemble. Si on le dévoilait au monde, qui nous croirait ? Mais le plus important dans tout ça, c’est que ça avait créé entre nous des liens sir forts qu’ils en étaient indestructibles. Enfin, c’est ce que je me plaisais à croire à l’époque. Aujourd’hui, je ne vois plus que Odd. Et encore, seulement quand j’ai le temps. Et il me transmet des nouvelles des Einsteins. Ils se sont bien trouvés, ces deux-là ! Ça fait un bail que je ne les ai pas vus tous les deux. Il faut vraiment que je pense à les revoir. Il me manque, ce beau petit couple. Et puis Yumi... J’en reviens toujours à elle. C’est dingue, ça. Neuf ans et pas une seule nouvelle d’elle. Quel imbécile je suis! J’aurais dû la rappeler, ce soir-là. Mais je ne l’ai pas fait... Foutu orgueil mal placé ! Faut être sacrément con pour être borné à ce point-là, quand même ! Ha, si seulement j’avais pu lui dire clairement ce que je ressentait pour elle à ce moment-là, peut-être que...

Ça y est ! Je m’y reprends encore à ressasser le passé. Mais ça ne fait pas avancer les chose. Et ce qui est fait, est fait. Et puis si ça continue, je vais finir pas être en retard chez Odd. Ça fait plus d’un mois que je ne l’ai pas vu alors ça l’afficherait mal si je n’arrivais pas à l’heure. En plus, c’est son anniversaire, aujourd’hui. Faut vraiment que je lui trouve un cadeau original. Et à force de me perdre dans mes pensées, je crois bien que j’ai farfouillé trois fois de rang dans la même étagère à CD sans m’en rendre compte. Et avec mes lunettes de soleil sur le nez, en plus ! Le vendeur va finir par me prendre pour un débile, si ça continue. Au fait, quelle heure il est ? Dix-huit heures vingt-sept. Ouf, j’ai encore un peu de temps devant moi ! Bon, pour les bandes originales de films, c’est mort. Il n’y a rien d’intéressant. Et pour les films eux-mêmes, c’est même pas la peine d’essayer, il les a déjà tous. Hmmm... Le dernier album des Subdigitals, alors ? Nan, il me semble qu’il l’a déjà.

Dans ce cas, allons voir les produits dérivés, dans le fond de la boutique. C’est marrant, j’aime bien le parfum d’ambiance qu’ils diffusent dans cette boutique. Aérien, subtil et simple à la fois. Ça me dit quelque chose. Mais quoi ? Tiens ! La figurine d’un des personnages de son dernier film ! Il s’appelait comment, déjà ? « Ryoko, le monde parallèle », c’est ça ? Il est gonflé, quand même ! Oser faire un film franchement pompé sur Lyoko et tout ce qu’on a vécu... Et puis si je lui offre ça, il va encore choper la grosse tête comme la dernière fois ! Tiens ? Le parfum est plus fort, tout d’un coup ! Je sais, c’est le parfum de cette fille qui est passé à côté de moi tout à l’heure. C’est bizarre, il me dit vraiment quelque chose, ce parfum. Mais je ne me rappelle plus ce que c’est.

Quand on parle du loup, elle passe justement derrière moi. Je la regarde discrètement, histoire de voir à quoi elle ressemble. Ça me changera un peu les idées. Heureusement, que j’ai toujours mes grosses lunettes noires devant les yeux. Hmmm, vu de dos, elle a l’air plutôt pas mal ! Par contre, pour les fringues, c’est vraiment pas mon style. Un peu trop flashy pour moi. En revanche, les reflets bleus dans se cheveux noirs, ça lui va plutôt pas mal. Oh, attention, elle se retourne ! Fais-toi discret, mon gars. Décidément, j’ai de la chance, elle regarde dans la même étagère que moi. Je vais me retourner et regarder dans l’étagère de derrière. Comme ça, au passage, j’en profiterais pour voir à quoi elle ressemble de face. Oh mon dieu, comment c’est moche ! La peinture doit être en soldes, c’est pas possible autrement ! Comment peut-on se farder autant ? Et puis c’est quoi cette grosse mèche rouge pétant devant ? On n’a pas idée de faire ça, franchement ! Pas avec des reflets bleus !! Et pourquoi pas un arc-en-ciel sur toute sa frange, pendant qu’on y est ?

Bon, revenons à nos moutons. C’est pas ici que je trouverais mon bonheur. Ou plutôt celui de Odd. Il n’y a rien d’intéressant dans la dernière étagère. Comment je vais faire, alors ? Ha, je sais ! Le caviste en bas de la rue ! Je vais lui prendre une bonne bouteille de vin. Pas très original mais il ne dira pas non. En même temps, je ne suis pas réputé pour mon originalité. Au moins, là dessus, je ne change pas. Est-ce que j’ai le temps d’y aller ? Dix-huit heures quarante-deux ?! J’ai passé un quart d’heure à essayer de reconnaître un parfum et mater une fille ?? Faut croire que je deviens pervers, moi. Bon, en route sinon je fais finir par être à la bourre, moi ! Je prends le direction de la sortie en jetant un dernier coup d’œil rapide sur les étagères que j’ai déjà scrutées, histoire de bien vérifier que je n’ai rien loupé. Je n’avais pas remarqué en entrant mais qu’est-ce qu’elle est lourde, cette porte ! Il veut empêcher les clients de rentrer dans sa boutique ou quoi ?

Allez, zou ! Direction le caviste. Ça me rappelle le coup qu’on avait fait à Odd pour ses dix-neuf ans. Il nous avait tanné pour avoir absolument du champagne à la fête. Alors j’ai acheté une bouteille de mousseux vraiment bas de gamme et Jérémie a imprimé une fausse étiquette d’un grand cru classé. On l’a collée sur la bouteille et quand on la lui a offerte, Odd n’y a vu que du feu. Jusqu’à ce qu’il la goûte ! Il en a pris une pleine gorgée. Quand il a remarqué le goût infecte du mousseux, il a tout recraché en une belle giclée. Il en a mis partout et nous, on a bien rigolé ! Il a même dit que le champagne, c’était vraiment surfait et qu’il n’en boirait plus jamais. En même temps, le vin était tiède, ça n’aide pas... N’empêche, il a quand même conservé la bouteille. Et il a découvert la supercherie au bout de deux jours seulement, quand la fausse étiquette a commencé à se décoller. Il a commencé à faire la gueule alors on s’est cotisés avec les Einsteins pour lui en acheter du vrai. Et là, il a changé de discours !

Hou là, déjà arrivé ! Un peu plus et je passais devant sans m’arrêter, moi. Je rentre dans la boutique et je me dirige vers une étagère bien précise. Je vais lui prendre une bouteille du même vin que je lui avais offert la dernière fois. Si je me souviens bien, il l’avait bien aimé. Hop, par ici le litron de pinard. Maintenant, direction la caisse. Tiens, il y a la fille de tout à l’heure qui passe devant la vitrine. Et j’avais pas vu qu’elle avait une mèche vert fluo de l’autre côté. Pour l’arc-en-ciel, on n’est pas loin! Vraiment, ça ne lui va pas du tout. Évidemment, lorsque j’arrive à la caisse, il y a la petite vieille alcoolo du quartier qui vient acheter ses trois bouteilles de piquette quotidienne.

Quoi ?! Moins d’une euro les trois bouteilles ?! Ça doit être pire que du Père Benoît et du Dom Rémi mélangés, ce truc ! Et voilà qu’elle se met à trembler pour sortir ses sous de son sac à main. Manquait plus que ça ! Ça va lui prendre trois plombes pour payer ! Allez, Ulrich. Prends ton mal en patience, c’est bientôt ton tour. Ça y est, c’est enfin à moi. C’est pas trop tôt ! Dix-huit euros quatre-vingt-dix. Un euro de plus que la dernière fois. Je sors mon portefeuille et je paye. Au passage, je remarque la jolie caissière. Je ne l’avais jamais vue avant. Elle doit être nouvelle. Et en plus, elle est super mignonne avec ça. Elle me rend la monnaie. Je lui fais un sourire qu’elle me retourne timidement. Je prends ma bouteille sous le bras et je sors, direction la station de métro la plus proche. C’est marrant, le parfum de l’autre fille flotte encore légèrement dans l’air alors que ça fait bien une minute qu’elle est passée.

Yumi !! C’est ça ! Le parfum, c’est celui de Yumi ! C’est même celui que je lui avais offert pour son anniversaire quelques mois avant qu’on se prenne la tête tous les deux. C’est pour ça que ça me disait quelque chose ! À y repenser, c’est vrai que cette fille a une silhouette qui ressemble à celle de Yumi. Même taille, même gabarit... Et même parfum ! Raaaah ! Faut que j’arrête mon délire avec Yumi. C’est pas parce qu’une fille a le même parfum et qu’elle lui ressemble de dos que c’est forcément elle ! Et puis Yumi n’aurait jamais osé mettre ce genre de fringues. C’est pas son style. Et puis, surtout, les cheveux ! Beaucoup trop voyant pour elle. Et en plus j’ai même pas fait attention si ses yeux étaient bridés ou pas tellement son maquillage m’a piqué les yeux ! Et puis elle avait l’air d’avoir pleuré avant parce que son maquillage a coulé sous ses yeux. Et puis de toute façon, si c’était Yumi, elle m’aurait forcément reconnu même avec mes lunettes de soleil, vu que j’avais quasiment les mêmes à cette époque. Et là, elle serait partie vite fait bien fait en tirant une tronche de trois kilomètres de long.

Au fait, il est ou, le métro ?? C’est pas vrai ! J’ai loupé la station pendant que j’étais perdu dans mes pensées. Maintenant, il faut que je revienne sur mes pas. Hop, demi-tour ! Hé mais ?! Comment j’ai fait pour traverser à ce carrefour, moi ? Ça devient dangereux, cette histoire... À force de rêvasser comme ça, il va finir par m’arriver un truc grave ! Bon, il est dix-huit heures cinquante-trois. J’aurais juste le temps d’arriver à l’heure chez Odd et Sam. Enfin, chez Odd, c’est sûr. Mais est-ce toujours chez Sam ? Ces deux-là, ils sont prompts tant à la séparation qu’à la réconciliation. À croire que l’état de leur relation dépend du sens du vent, du coefficient de la marée ainsi que de la saison. C’est bien simple, je préfère ne plus demander où ça en est entre eux avant de venir parce que ça change tout le temps !

Ça y est. J’y suis enfin, à cette station de métro. Le temps de sortir un ticket de la poche intérieure de ma veste pour l’introduire dans l’oblitérateur, le tourniquet s’ouvre et je m’enfonce dans les profondeurs de la station. Bon, c’est quelle direction, déjà ? Il ne manquerait plus que je me trompe ! Ha, c’est vrai, c’est par là. Je descends l’escalier quatre à quatre et j’arrive sur le quai. Une rame y est stationnée. J’ai à peine le temps de m’engouffrer dedans que les portes se referment déjà. Au moins, je n’aurais pas à poireauter sur le quai en attendant le prochain métro. Et dans une trentaine de minutes et je serais arrivé à la station à côté de chez Odd.




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Dix-neuf heures trente. Juste à l’heure ! Bon, je suis encore au pied de l’immeuble mais je ne suis pas en retard, au moins. Je m’approche de l’interphone puis je sonne.

« Oui ? » me lance une voix féminine à travers l’interphone. Bizarre, je ne l’ai pas reconnue et, assurément, ce n’est pas celle de Sam. J’ai sûrement dû me tromper de bouton.

« Excusez-moi, c’est une erreur ! » lâché-je.
« Ulrich ? C’est toi? » me répond-elle.

Tiens ? Elle par contre, elle a l’air de me connaître, d’autant qu’elle a réussi à reconnaître ma voix même déformée par l’interphone.

« Heu... Oui, c’est moi ! Mais...
- Dans ce cas, tu ne t’es pas trompé. » m’interrompt-elle. « Je t’ouvre tout de suite. Dépêche-toi, on t’attends ! »

Mais qui ça peut bien être ? Une nouvelle copine de Odd ? Nan, elle n’aurait pas pu reconnaître ma voix. En plus, il y avait plusieurs voix en bruit de fond. La porte d’entrée se déverrouille et j’entre dans le hall de l’immeuble. Je me rends au pied de l’ascenseur. En panne... C’est bien ma veine, ça !Bon, ben c’est parti pour trois étages à pied. Je les monte assez rapidement mais pas trop vite non plus. Je ne voudrais pas arriver en étant tout essoufflé et dégoulinant de sueur. Après quelques instants, j’arrive enfin devant la porte de l’appartement du petit maigrichon. Je jette un rapide œil sur ma tenue afin de vérifier qu’elle est impeccable. Rien à redire. Une idée me traverse subitement l’esprit. Et si je lui faisait une petite blague ? Je m’avance alors vers le judas et positionne mon œil devant. Je sonne. Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre.

« C’est qui ? » demande Odd, de loin.
« Attends, je vais voir. » lui répond la voix féminine de tout à l’heure.

Elle me dit quelque chose. C’est fou ce que ça déforme les voix, un interphone. J’entends des bruits de pas derrière la porte. Attention... Surprise !

« HA ! Un œil !! » S’écrie-t-elle, ce qui me fait éclater de rire.
« Et à qui il appartient, cet œil ? » lance Odd de toujours aussi loin alors que je me recule de l’œilleton.
« Oh ! C’est Ulrich. » lui répond-elle avant d’ouvrir la porte et de me dire « Tu m’as fichu une de ces frousses, toi !! »

C’est Aélita. Elle m’affiche un large sourire. J’ai à peine le temps de m’avancer d’un pas qu’elle me saute au cou. Visiblement, il n’y a pas qu’à moi que ces retrouvailles font plaisir.

« Si je m’y attendais ! » lâché-je, surpris mais non moins ravi.

Et ce petit saligaud de Odd qui ne m’avait pas prévenu. En même temps, combien de fois il m’a entendu me plaindre de mon emploi du temps surchargé et qu’il fallait absolument que je trouve un créneau pour leur rendre visite. Il a dû en avoir assez de voir que je ne l’avais toujours pas fait après tout ce temps.

« Ça fait combien de temps, déjà ? » demandé-je à Aélita. « Deux ans ?
- Trois ! » me répond-elle en grimaçant légèrement. « Ça fait déjà trois ans, Ulrich.
- Déjà ?! Le temps passe vraiment trop vite ! Je suis désolé, j’ai vraiment pas eu le temps...
- C’est pas grave, beau brun ! Odd nous a expliqué maintes et maintes fois que tu voulais venir nous voir mais que c’était très compliqué avec ton travail. »

Il ne m’avais jamais dit qu’il les avait mis au courant pour ça ! Petit cachottier... En même temps, comment lui en vouloir pour ça ? On n’est pas en froid, Jérémie, Aélita et moi.

« Allez ! Ne reste pas planté là, rentre ! » dit Aélita en rentrant dans l’appartement.

Je m’exécute sans me faire prier. Au même instant, Jérémie sort de la cuisine et se dirige vers moi. Je viens à sa rencontre.

« Salut, Einstein ! » lui dis-je en lui serrant la main. « Depuis le temps, t’as pas changé !
- Salut ! Toi non plus, t’as pas changé... » me répond-il tout sourire avant de se raviser. « Quoique, si !
- Comment ça ??
- T’as une ride, là ! » me fait-il en posant son index au milieu de mon front.
« Hé ?!
- Non, je déconne ! » concède-t-il avant d’éclater de rire.

Hé, mais... Depuis quand il fait des vannes de ce genre, lui ?! Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Il ne se sent plus ou quoi ? À moins que ce ne soit Odd qui lui ait soufflé l’idée de cette blague. Oui, ça doit être ça. Et franchement, ça ne m’étonnerait pas de lui. Au fait, je ne l’ai toujours pas vu, lui ! Où est-il passé ? Je me dirige vers le salon mais je remarque bien vite qu’il n’y est pas. Dans la cuisine, alors ? Je m’y rends dans la foulée. Il doit sûrement être encore en train de goûter tous les plats avant de passer à table, comme d’habitude.

« Hey ! Ulrich, enfin ! » me dit-il en me voyant.

Oh la vache ! Il porte un tablier ! Non, pitié ! Pas ça ! Ne me dites pas que c’est lui qui a préparé le repas ! Autant "Odd" et "manger", c’est synonyme, autant "Odd" et "faire à manger", c’est pas compatible du tout ! La preuve : la dernière fois qu’il a fait ça, j’ai bien cru que j’allais finir à l’hôpital ! Et lui aussi, d’ailleurs.

« Quoi ?! » me lance-t-il. « Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu me regarde comme ça ? »

Oups ! J’ai dû faire une sacrée tête pour qu’il prenne la mouche comme ça.

« Heu... Le tablier...
- Hein ? Quel tablier ? » fait-il en se regardant. « Ha oui, le tablier... Oui mais non ! Non, non, non ! Je te rassure tout de suite, c’est pas moi qui ai fait la cuisine ! C’est les filles qui ont tout préparé cet après-midi ! »

Rassuré, c’est bien le mot ! Au moins, c’est pas aujourd’hui que je ferais une nouvelle intoxication alimentaire. Pas à cause de lui, en tout cas.

« Tiens ! Avant que j’oublie, voilà pour toi! » lui dis-je en lui tendant la bouteille. « Bon anniversaire ! »
- Chouette, on va pouvoir picoler jusqu’à plus soif !! » répond-il en riant.

Heu... Ça le fait moyen, la blague, là... Et puis une seule bouteille pour cinq, à mon avis, on aura vite fini de picoler... Mais bon, Odd et son humour légendaire ! Au fait, j’avais pas tilté sur le coup mais c’est qui l’autre fille dont il a parlé ? Je n’ai vu que Aélita, ici. Il parlait de Sam ou bien d’une nouvelle copine ? J’ose pas trop lui demander, des fois que je fasse une boulette. Je sors de la cuisine pour retrouver Jérémie et Aélita dans le salon. Odd me suit de près.

« Au fait, beau gosse ! Pourquoi Émilie n’est pas avec toi ? » me demande-t-il.

Aïe ! LE sujet qui fâche ! Ou plutôt celui que j’aurais préféré qu’on n’aborde pas de toute la soirée. Et j’ai même pas eu le temps de le prévenir tellement j’ai eu une pure semaine pourrie... Bon, puisqu’on en est là, autant y aller franco. J’entends un bruit provenant de l’entrée de l’appartement. Tout le monde tourne la tête machinalement vers là-bas. La porte s’ouvre puis se referme en claquant lourdement.

« Coucou ! Je suis de retour ! Quelqu’un peut venir m’aider ? » dit une voix féminine.

C’est bizarre, j’ai vraiment du mal avec les voix, aujourd’hui. Elle non plus, je ne l’ai pas reconnue. Et comme elle réclame de l’aide, c’est l’occasion pour moi d’aller voir de qui il s’agit. Je me dévoue donc.

« Tiens ? Salut, Ulrich ! » me dit-elle en s’avançant vers moi nonchalamment.