Prologue
Une silhouette se glissa dans la pénombre de l’usine. Soucieuse de ne pas perturber le silence, elle se rendit au laboratoire sans passer par le monte-charge. Elle s’installa derrière le clavier et ouvrit une fenêtre de dialogue :
??? : Bonsoir.
La réponse mit longtemps à arriver mais l’inconnue attendit patiemment.
Xana : Qui êtes-vous ? Jérémie Belpois n’a jamais tenté de communiquer.
??? : Qui je suis n’a aucune importance. Sachez juste que Belpois développe un programme qui, à terme, devrait vous détruire.
Xana : Ce n’est pas la première fois qu’il essaie. Je n’ai aucune raison de m’inquiéter.
??? : Ne dit-on pas prudence est mère de sureté ?
??? : Ah non, vous ne devez pas connaître.
??? : Toujours est-il que j’ai un moyen de vous débarrassez définitivement de toute menace.
Un autre long moment s’écoula avant qu’une réponse ne s’affiche.
Xana : Qu’est-ce ?
La silhouette sourit. Son plan allait marcher.
??? : Ça vous direz de devenir humain ?
Chapitre 1
Un an. Cela faisait un an que Xana était mort et que les lyokoguerriers avaient repris une vie normale. Quelquefois l’aventure leur manquait, mais la plupart du temps, ils savouraient juste le fait de ne plus avoir à risquer leurs vies en permanence. Cette tranquillité avait permis à la bande d’évoluer. Odd avait cessé d’être un cœur d’artichaut… Non, en fait il n’y avait plus beaucoup de filles avec qui il n’était pas déjà sorti à Kadic, ce qui réduisait le choix. Ulrich et Yumi avait cessé de se voiler la face et s’étaient avoués leurs sentiments. Quand à Jérémie et Aelita, ce n’était pas encore fait, mais Aelita commençait à en avoir marre d’attendre que Jérémie fasse le premier pas et s’était donc décidée à prendre les devants.
Ils étaient tous les deux dans la chambre de Jérémie, en train de faire un peu d’informatique, et Aelita s’apprêtait à parler lorsque l’ordinateur émit un drôle de bruit. Jérémie pâlit. Aelita fronça les sourcils.
« Qu’est-ce que c’est ?
— C’est… impossible. Oui, c’est ça, ce doit être un bug », tenta de se rassurer Jérémie.
Il tapa quelques lignes de codes et une fenêtre apparut. En la voyant, Aelita comprit. Et pâlit aussi. Comme ils le redoutaient, un autre son qu’ils ne connaissaient que trop bien cette fois retentit quelques secondes plus tard. Jérémie saisit son téléphone d’une main tremblante pour appeler Odd.
« Jérémie ? Qu’est-ce qu’il y a ?
— Xa… Xana a activé une tour. »
Il y eut un blanc. Puis Odd éclata de rire.
« Elle est bonne celle-là ! J’ai failli...
— Je suis très sérieux Odd ! s’énerva Jérémie.
— Tu… Non, tu plaisantes, hein ?
— J’aurais préféré. »
Odd raccrocha, blême. Ulrich haussa un sourcil.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
— Xana… a activé… une tour », fit-il, ayant lui-même du mal à croire ce qu’il disait.
Le visage d’Ulrich se ferma en même temps qu’il se levait.
« Il faut aller à l’usine alors. »
Odd se reprit et ils foncèrent. Arrivés ils retrouvèrent Jérémie et Aelita. Yumi ne tarda pas à les rejoindre.
« Une idée de l’attaque ? demanda-t-elle.
— Non. Et ça m’inquiète. Xana n’a certainement pas activé une tour juste pour dire bonjour. Surtout que je n’ai aucune idée de comment le supercalculateur s’est réactivé. »
Ils descendirent au laboratoire, où Jérémie se réinstalla dans son fauteuil. C’était étrange. Les autres descendirent à la salle des scanners. Presque avec nostalgie, Jérémie lança la procédure de virtualisation. Ils atterrirent sur le territoire de la forêt. Ça faisait si longtemps… Bon d’accord, un an, ce n’était pas si long que ça. Les véhicules arrivèrent et ils ne tardèrent pas à gagner la tour. C’était trop simple. Il n’y avait pas le moindre monstre en vue. Peu avant la tour, ils descendirent de leurs véhicules, méfiants. Bien leur en prit. En effet, une demi-seconde plus tard, leurs véhicules explosaient. Ils se retournèrent, prêt à faire face aux monstres… et eurent la surprise de n’en voir qu’un. Enfin, un monstre… la femme qui leur faisait face portait une longue robe noire parée du symbole de Xana, ses cheveux châtains étaient rattachés en chignon, son visage était caché par un voile noir et elle avait un fouet ‒ noir pour changer ‒ dans la main. Son arme, probablement. Etait-ce à ça que la tour servait ? Xana en avait-il eu besoin pour programmer un nouveau monstre qui semblait bien plus puissant, ou alors avait-il capturé quelqu’un pour en faire un nouveau William ? Dans tous les cas, il ne leur restait plus qu’à la vaincre.
Grâce à la diversion de ses amis, Aelita put entrer dans la tour, évitant le fouet de justesse. En effet, les lyokoguerriers s’étaient fait sévèrement corriger, résistant juste assez longtemps pour qu’Aelita gagne la tour. Mais en ressortant, la femme était toujours là et avant qu’Aelita puisse réagir, elle fut dévirtualisée à son tour. A l’usine, Jérémie en était arrivé à une conclusion peu rassurante : personne n’avait utilisé les scanners avant eux, donc Xana avait bel et bien créé un nouveau monstre… humanoïde. Et vu sa puissance apparente, ça ne disait rien qui vaille à Jérémie. Surtout que quelqu’un avait trafiqué l’enregistrement des caméras, puisque d’après elles personne n’était rentrer dans l’usine. Ou alors le supercalculateur s’était rallumé tout seul.
Les autres lyokoguerriers accusaient le coup. Ils n’avaient arrachés que de justesse leur victoire à Xana, ils allaient donc devoir se ressaisir s’ils voulaient l’emporter contre ce nouveau monstre. Mais personne n’oubliait la principale mauvaise nouvelle de la soirée : Xana était de retour. Et plus fort qu’avant.
Cette nuit-là fut blanche pour tous. Aelita et Jérémie car ils la passèrent à tenter de trouver une explication, les autres à ruminer leur quasi-défaite contre le nouveau monstre. Il fallait croire qu’en un an, ils s’étaient rouillés. Ça ne se passerait pas comme ça la prochaine fois, ils en faisaient le serment.
Le lendemain, tous avaient de lourds cernes sous les yeux. A la récréation, Aelita et Jérémie poursuivaient leurs recherches, infructueuses, Odd récupérait de sa nuit ‒ les deux heures de cours n’ayant pas suffit ‒ et Ulrich attendait l’arrivée de Yumi, qui ne tarda pas. Mais elle n’était pas seule. Odd, à moitié réveillé, passa aussitôt à l’attaque.
« Bonjour, tu es nouvelle ? Je ne t’avais jamais vue. Tu es plutôt mignonne tu sais ? »
L’intéressé rougit. Yumi soupira.
« Les amis, vous avez sans doute oublié avec hier soir, mais je vous présente Lucas Etain, le fils des amis de mes parents dont je vous avais parlé. »
Odd rougit et pâlit en même temps.
« Dé… Désolé, bégaya-t-il.
— Ne t’en fais pas, j’ai l’habitude, lui sourit Lucas. Et puis tu n’as pas l’air très réveillé. »
Lucas était un garçon frêle, châtain aux yeux verts, pouvant aisément passer pour une fille. Il était le fils de vieux amis des Ishiyama, vivants au Japon, et il avait eu envie de poursuivre ses études en France, pays natal de sa mère. Les parents de Yumi s’étaient proposés de l’héberger. Il était arrivé depuis un mois, mais des soucis de santé l’avaient empêché d’entrer à Kadic plus tôt. Une fois les présentations passées, il s’intéressa aux deux Einstein, toujours visés au portable de Jérémie.
« Qu’est-ce que vous faites ?
— Oh… rien. Juste une recherche pour les cours », inventa rapidement Jérémie.
Lucas parut déçu. Ah oui. Yumi leur avait dit qu’il était lui aussi un génie de l’informatique. Ceci dût en parti au fait que sa faible constitution l’avait toujours empêché de faire du sport.
La cloche sonna et ils durent retourner en cours. Aelita et Jérémie n’avaient toujours rien trouvé. Yumi se dit qu’à trois ils y arriveraient peut-être, d’autant plus que le don de Lucas avec les ordinateurs leurs seraient bien utile. Mais c’était infaisable. Même elle n’était pas sûre de pouvoir faire entièrement confiance à Lucas. Et puis les Einstein finiraient bien par trouver quelque chose. Elle savait qu’ils n’abandonneraient pas.
***
A la pause de midi, Lucas répondit avec enthousiasme aux questions des autres. C’était l’occasion d’oublier temporairement leurs soucis. Seul Jérémie était ailleurs. Il y avait une chose qu’il n’avait pas révélé aux autres, pas même à Aelita. Lors de l’attaque, une fenêtre s’était ouverte sur l’écran du supercalculateur. Elle ne contenait qu’un mot. « Bonjour ». Donc d’une façon ou d’une autre, Xana l’avait entendu. Et il les narguait, surtout lui, qui avait cru que son programme le détruirait.
« Bon sang ! » s’énerva-t-il en tapant du poing sur la table.
Les autres le regardèrent avec des yeux ronds. S’énerver n’était pas dans la nature de Jérémie. Le retour de Xana l’avait vraiment perturbé. Enfin, c’était leur cas à tous. Lucas avait bien sentit que l’ambiance s’était tendue, mais en ignorant la cause, il s’abstint de tout commentaire. Il demanderait à Yumi plus tard. Si elle voulait bien.
Le soir venu les Einstein avaient prévus de refaire une nuit blanche mais leurs corps se révoltèrent et ils s’endormirent. Avant d’être réveillés par la sonnerie du portable de Jérémie. Ouvrant péniblement les yeux, celui-ci décrocha tout en jetant un œil à son réveil. Quatre heures du matin.
« Allo ? »
Le silence lui répondit. Croyant à une mauvaise farce, Jérémie s’apprêta à raccrocher.
« Bonjour. »
La communication fut coupée. Jérémie devint plus pâle que la mort. Heureusement, dans la pénombre, Aelita ne s’en aperçu pas.
« C’était qui ? fit-elle d’une voix ensommeillée.
— Une farce téléphonique. Tu ferrais mieux d’aller te coucher. »
Aelita opina et retourna dans sa chambre. Jérémie se recroquevilla dans son lit. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Etait-il possible que… Non ! Il devait se calmer, ce n’était qu’une blague stupide. Mais qui ferait ça à une heure pareille ? Il y en a qui avait vraiment du temps à perdre ! Enfin, ce n’était pas la peine de s’inquiéter pour ça. Rasséréné, il finit par s’endormir.
Le lendemain, quatre heures du matin. Son téléphone sonna alors que lui et Aelita essayaient encore une fois de trouver des informations.
« Bonjour. »
Il proposa à Aelita qu’ils arrêtent les recherches de nuit ‒ puisqu’ils ne trouvaient rien ‒ pour s’y consacrer lorsqu’ils avaient du temps libre entre les cours. Ils avaient besoin de dormir comme tout être humain normal. Aelita, bien que perplexe, accepta l’excuse.
Le surlendemain, même heure. Son portable sonna.
« Bonjour. »
On raccrocha. Etait-ce vraiment une simple blague ?
Quatrième jour.
« Bonjour.»
La communication fut coupée. Cette fois c’était certain. Ce n’était pas une blague. C’était pire que cela. Les appels se répétèrent chaque soir durant une semaine. Et Jérémie eut beau faire, il ne parvint pas à remonter l’appel. Il s’était même rendu à l’usine une fois mais avait encore échoué. Il devenait de plus en plus tendu, s’énervant pour un rien, le fait qu’avec Aelita ils ne trouvent rien empirant les choses, et ne rien trouver le stressait davantage, ce qui l’empêchait de se concentrer sur leur tâche, etc. Il finit donc par craquer et raconta tout aux autres. Enfin, il attendit tout de même que Lucas, qui s’était intégré au paysage, l’air de rien, ne soit pas là. Les réactions furent unanimes : il y avait du Xana là-dessous. Il faut dire que depuis son retour ils n’avaient plus de nouvelles. Restait à savoir comment il s’y prenait.
Ils en étaient là quand Lucas arriva, l’air affreusement gêné, coupable même. Il se planta devant Jérémie, déglutit, ferma un bref instant les yeux, prit une grande inspiration puis se lança.
« Je suis vraiment désolé ! » fit-il en s’agenouillant.
Les lyokoguerriers le regardèrent, stupéfait.
« De… de quoi es-tu désolé ?
— Je… Les appels… C’était moi. »
Les autres restèrent interloqués.
« Quoi ?
— Mais pourquoi ?
— Je suis… Vraiment désolé. Je ne me suis rendu compte que c’était toi qu’hier, quand vous m’avez donné vos numéros.
— Pourquoi tu n’en as pas parlé à ce moment-là alors ?
— Pour respecter ma promesse… Je devais faire ça jusqu’à hier.
— Ta promesse ?
— Il y a… un peu plus d’une semaine, la veille de mon arrivée à Kadic en fait, je suis allé me promener et j’ai croisé un homme un peu bizarre. Il m’a dit que si j’appelais un certain numéro et que je raccrochais après avoir dit « bonjour », il me donnerait dix mille euros. Honnêtement, vous auriez fait quoi à ma place ? »
Les lyokoguerriers réfléchirent quelques instants. Non, cette proposition semblait trop louche pour accepter. Voyant à leurs têtes qu’ils ne comprenaient pas son choix, Lucas compléta.
« Pour être tout à fait honnête, j’avais vraiment besoin de m’acheter un nouvel ordinateur portable… et puis… cet homme m’a donné assez de détails sur ma vie pour que je n’ai pas réellement le choix. »
Il avait baissé les yeux en disant ça. Cette fois c’était sûr, Xana était derrière tout ça. Mais que devaient-ils dire à Lucas ? Yumi fut la première à réagir.
« Personnellement, je t’en veux seulement de ne pas m’en avoir parlé. Mais après, ce n’est pas moi la victime. »
Les regards se tournèrent vers Jérémie.
« Il t’a menacé cet homme non ? Il est fort probable que j’aurais fait la même chose dans ta situation. Mais il va falloir que tu m’expliques comment tu as fait pour que je ne réussisse pas à remonter ton numéro. »
Jérémie était trop soulagé de savoir ce cauchemar fini pour être en colère. Lucas sourit faiblement.
« Personne ne peut me battre en informatique, nargua-t-il.
— Oh vraiment ?
— Oui. »
Ils s’affrontèrent du regard. Ces deux là seraient sans doute rivaux. Yumi soupira. Il était évident que Xana avait changé de stratégie. Et il les connaissait bien. Elle craignait fortement que les attaques indirectes comme celle qu’avait subie Jérémie se multiplient. S’en sortiraient-ils encore tous les cinq ? Peut-être qu’avec William… Non, tête-brulée et immature comme il était, nul doute qu’il retournerait sous la coupe de Xana en moins de deux. Elle repensa à raconter la vérité à Lucas. Après tout si d’après ses dires Xana s’était renseigné sur lui, lui ne connaissait pas Xana. Et un regard neuf pourrait vraiment aider. Mais il semblait peu probable que ses amis acceptent. Devait-elle lui en parler sans le dire aux autres ? Non. Ce serait les trahir. Mais à quoi pensait-elle enfin ? Elle attendrait la prochaine confrontation avec le monstre. Et s’ils perdaient encore, elle aviserait.