Histoire : Le spectre de Carthage

Écrite par Fleurdequinoxe le 23 août 2008 (7453 mots)

Dernière édition le 18 mai 2013

Au fin fond du néant informatique, une petite étincelle jaillit. Elle devint bleue, puis verte, puis bleue à nouveau. Au milieu des abysses de l’ocean internet, la décharge d’energie fila à la vitesse de l’éclair, puis s’arrêta devant une sphère grise opaque. Une bulle de brume virtuelle sans vie, le cimetière de l’esprit d’un génie qui autrefois s’était nommé Franz Hopper.
L’incandescente petite lueur se grandit soudain et, déployant de larges tentacules lumineux, engloba la petite sphère triste avec l’avidité d’une pieuvre; bientôt tout ceux qui s’étaient moqués d’elle regrettront d’avoir vécu suffisamment longtemps pour entendre le nom de Xana.

Au collège Kadic, deux mois après la chute de Xana.

Elisabeth Delmas tordait nerveusement une de ses mèches noires entre ses doigts; il était près de dix heures et quart et bien que ses amis lui aient donnés rendez-vous pour dix heures tapantes il n’y avait personne dans le parc. Ses amis, étaient-ce vraiment ses amis? C’est ce qu’Ulrich prétendait, mais Elisabeth savait trop bien mentir pour ne pas reconnaître une vérité pas toute à fait sincère. Mais elle ne désespérait pas pour autant, elle était patiente, elle attendrait que les choses aillent mieux...Une voix pointue la tira de ses reflexions, c’était celle de Odd, bien sûr. Il trainait derrière lui un petit chien grassouillet aux oreilles pendantes, qui avançait avec la plus mauvaise volonté du monde. Sissi tendit l’oreille (allez, Kiwi, avance, là c’est bien, bon toutou, avance, on va voir Sissi? Non? KIWI...). Le Toutou venait de s’assoir gentiment sur son derrière et refusait de bouger. Sissi soupira et s’avança à pas lent vers un Odd passablement découragé; celui-ci sursauta et se retourna l’air géné:
"-Ah tiens, tu...tu es déjà là, je m’attendais pas à te voir si tôt...Euh...tu vas bien?
-"Moi ça va,répondit Sissi très calmement, toi à voir ta tête je ne suis pas sûre...Où sont passés les autres?
-" Et bien...euh, comment dire, commença Odd de plus en plus mal à l’aise,Ulrich et William sont allés au club de Karting, Yumi garde sont petit frère et Jérémie est déjà partit en vacance, avec Aelita.
-" Avec Aelita? Répéta Sissi en levant un sourcil interrogateur.
-" Ben oui, tu sais il en avait parlé hier,( Oh, non , certainement pas songea Sissi, en fait il ne m’a pas adressé la parole depuis près d’une semaine) ses parents étaient d’accord pour accueuillir Aelita pour les vacances de Paques... Ah, oui au fait, je dois partir aussi ce matin pour l’Italie reprit-il d’un ton badin, je vais chez ma tante à Florence, et comme elle est allergique aux animaux...je me demandais si tu pouvais t’occuper de Kiwi quelques jours.
Sissi detourna le regard, ils n’avaient même pas pris la peine de lui dire au revoir, la seule personne qui avait pris la peine de se déplacer l’avait fait pour lui refiler la garde de son sale clebs. Pendant un instant elle cru que les larmes allaient lui monter aux yeux, et elle pria pour que ce ne soit pas le cas. Ravalant le sanglot qui lui montait dans la gorge elle offrit à son interlocuteur la seule réponse qui s’imposait:
-" Bien sûr" répondit-elle avec son plus beau sourire.

On aurait pu croire qu’il d’agissait d’un amat de ruines, certains auraient pu y voir les vestiges d’une cité dévastée par une explosion massive de gaz, ou encore un jeu de cubes dans lequel on aurait donné un coup de pied. Mais Xana savait très bien ce qu’il en était réellement. Autrefois cela avait été Carthage, le plus grand centre d’espionnage des réseaux d’informations secrets, un espion indétectable dans un nid d’espions. Tel était autrefois le rêve de Franz Hopper: concevoir une intelligence artificielle susceptible d’acceder à chaque réseau d’espionnage de la planète, d’en pirater les informations et de les assimiler. Celui qui contrôlerait cette intelligence artificielle contrôlerait le monde, car l’information c’est le pouvoir. Bien sûr pour résister aux programme des réseaux d’espionnages, Franz Hopper avait permis à son I.A d’évoluer d’elle même, d’apprendre, de se développer. Mais à force d’assimiler les données, Xana apprit à réfléchir, à imaginer et même à rêver...Et les rêves de X.A.N.A avaient de quoi terrifier les êtres humains.

Au Collège Kadic

Assise au pied d’un arbre, Elisabeth lançait inlassablement la même balle poisseuse au chien d’Odd. Rapporter, c’était bien la seule chose que Kiwi semblait disposé à faire pour elle, mais à la longue ce petit jeu commençait à devenir fatigant. Lorsque le chien lui rapporta pour la énième fois son jouet, Sissi empoigna la petite balle visqueuse ,et, se dressant sur son séant, la lança le plus possible. Le petit chien partit ventre à terre la récuperer tandis que la jeune fille se laissa couler contre l’arbre avec la certitude que le chien reviendrait toujours trop tôt à son goût.
Les premières minutes s’écoulèrent sans qu’elle s’en rende vraiment compte, toutefois au bout d’une demi-heure elle commença à s’inquiéter.
Aussitôt elle se leva et partit à la recherche de Kiwi.

La balle dans la gueule, Kiwi flaira une fois de plus la bouche d’égoût avec sa petite truffe humide. A première vue c’était une bouche d’égoût tout a fait ordinaire à ceci près que celle ci avait la capacité de bouger toute seule. L’ouverture s’agrandit un peu plus devant le petit chien qui risqua prudemment son museau dans l’obscurité afin de renifler l’orifice. C’est alors que, brusquement une lanière d’énergie agrippa le petit animal et l’engloutit dans les ténèbres.

Après une heure et demie de batttue,après s’être jurée pour la cinquante-deux mille trois cents vingtième fois que c’était la dernière fois qu’elle gardait le chien d’Odd, Sissi s’assit sur un petit talus et retira ses chaussures (elle avait affreusement mal aux pieds). Soudain, elle aperçu une bouche d’égoût. Certes, ce n’était pas la première fois qu’elle la voyait dans cette forêt, mais en revanche c’était la première fois qu’elle la voyait ouverte.
De toute évidence c’était une invitation, néanmoins deux précautions en valant mieux qu’une la jeune fille jugea plus prudent de demander à son père où menait ce souterrain avant de s’y engager. C’est alors qu’un aboiement sourd monta du souterrain. Sans se poser davantage de question, Sissi s’engouffra dans l’ouverture.










Après trois mois d’errance dans le reseau informatique, l’intelligence artificielle la plus développé au monde était de retour: X.A.N.A
Cinglante ironie, l’I.A était "morte" par l’être qui l’avait conçue. Pire encore, en la détruisant Franz Hopper s’était détruit lui-même.
A présent le créateur partageait l’exil de sa créature. Bannis au fin fond du néant virtuel ils rêvaient au jour certain où le destin leur offriraient une nouvelle chance.

Le museau au sol, la queue en l’air Kiwi flairait avidement le supercalculateur désactivé. La pièce était effroyablement silencieuse et il faisait si noir que le pauvre Kiwi n’aurait pas su y reconnaître son os. Dans cet épais silence il lança un aboiement sonore qui retentit comme un appel. En vain. Jugeant le moment venu de prendre des mesures énergiques, il tenta de reprendre son chemin en sens inverse. Mais au moment où il s’appretait à franchir la porte donnant sur le couloir, un arc d’énergie le frappa violemment et l’envoya rouler à trois mètres de là.
Le pauvre petit chien en hurla de douleur, puis lorsqu’il se fut calmé, il se blottit contre le génerateur en gémissant.


Non loin de là, perdue dans un dédale de souterrains nauséabonds, Elizabeth Delmas éclairée par la faible lueur de son téléphone portable cherchait le chien de Odd et à calmer son angoisse. Cependant celui qu’elle qualifiait de "sale bestiole beige" ne s’était toujours pas manifesté.
Soudain, elle entendit la plainte de l’animal blessé; se tournant vers le tunnel noyé dans les ténèbres , elle se mit à courir...


Deux motos flambant neuves volaient sur la piste sablonneuse. La première, jaune et noire, franchit la ligne d’arrivée talonnée par une autre, d’un gris bleuté. Le gagnant retira son casque: c’était un beau garçon aux cheveux bruns de taille moyenne. En général, Ulrich Stern ne se départait jamais de son air blasé, mais lorsqu’il se tourna vers William, il arborait un sourire triomphant. "Refait! s’exclama t’il ose dire à présent que je ne t’ai jamais battu." William sourit à son tour en enlevant son casque " Maintenant, oui, tu comptes une victoire à ton actif, admit-il d’un air faussement contrit, reste à voir si tu sauras rattrapper tes quarante-deux défaîtes ajouta-t’il en souriant d’un air goguenard.
Ulrich ne répondit pas. Le dernier membre du trio venait de finir la course à son tour. Patrick Belpois n’avait encore jamais gagné contre les deux ex-lyokoguerriers, mais il le prenaît plutôt bien.
Au cours du dernier mois, les trois jeunes gens avaient tissés des liens solides sur la piste poussièreuse. Seul Ulrich avait des scrupules parfois à abandonner Odd, son ami de longue date, malheureusement il ne savait pas résister au ronronnement de sa bécane.
Un signe de tête, une poignée de main et les trois compagnons disparaissaient dans le lointain, escamotés par leur nuage de poussière.

La nouvelle Carthage numérique était plongée dans les ténèbres. Seule lueur dans cette obscurité, la silhouette lumineuse et floue de Franz Hopper dominait cette cité de cauchemard. Si ce qui restait de ce scientifique de génie était impuissant à détruire Carthage, en contrepartie Xana ne pouvait l’en chasser. Oh, Franz le savait bien, Xana avait déjà un plan, et peut-être même était il déjà en train de le mettre à execution.
Contre Xana, lui-même ne pouvait rien. Pour le contrer il lui faudrait de l’aide. Mais pas une aide ponctuelle, comme celle des lyokoguerriers. Il lui faudrait un autre programme, intelligent et actif, invulnérable. Ce serait le seul moyen de contrer ce programme rusé et manipulateur, ce spectre noir qui ne connaissait pas le repos.

Sissi s’agenouilla auprès du petit chien terrifié. Le prenant dans ses bras, elle lui murmura des paroles rassurantes et lui caressa les oreilles; elle resta un bon moment assise sur le sol à consoler Kiwi, sans prendre garde à son téléphone dont la batterie se vidait peu à peu. Elle ferma les yeux un instant, et quand elle les rouvrit, elle n’avait plus aucune lumière.
Elle chercha à tatons la sortie quand sa main rencontra une poignée de métal. Elle l’abaissa....

Le laboratoire de Franz Hopper s’illumina en un instant, le supercalculateur se remit en route, et avec lui le virus que Xana y avait glissé avant d’être vaincu par les lyokoguerriers. Eblouit par la lumière Kiwi sauta des bras de Sissi et s’enfuit par la coursive. La jeune fille partit sur ses traces. Elle ne le rattrappa que devant le monte-charge, clos depuis trois mois et qui exitait sa curiosité. Elle découvrit bouche bée le laboratoire de Franz Hopper, l’ordinateur géant et les souvenirs que Odd y avait laissé: des dessins des lyokoguerriers en grande tenue. Sissi connaissait suffisement le style graphique du jeune garçon pour ne pas douter qu’il en était l’auteur, et les accoutrements qu’il avait dessiné ne faisaient qu’attiser sa curiosité.
Dans un premier temps, Elizabeth tenta d’acceder à l’ordinateur, mais Jeremie y avait mis de nombreuses sécurités. Voyant que ses efforts pour les contourner étaient vains, elle repartit en exploration, accompagnée par Kiwi.
Elle arriva dans la salle des scanners, qui étaient tous hermetiquement clos. Perplexe, Sissi inspecta la salle quelque minutes avant de conclure qu’il n’y avait rien d’interessant à y voir. Toutefois, au moment de franchir le seuil un bruit la fit se retourner. Le scanner de gauche s’était ouvert sans la moindre explication. La jeune fille retourna sur ses pas et jeta un oeil à l’interieur du scanner. Il était vide.
Sensible à cette invitation implicite, elle y rentra. Les portes se fermèrent avec un bruit sec, la faisant sursauter. De l’autre côté de la vitre, Kiwi attendait d’un air inquiet la suite des évènements. Il ne se serait jamais attendu à ce que une surcharge d’energie envahisse l’habitacle dans lequel se trouvait Sissi, il n’aurait jamais pensé non plus que la jeune fille puisse hurler aussi fort, mais surtout il n’aurait jamais cru, que lorsque le corps inanimé d’Elisabeth glissa le long des parois du scanners, il aurait autant de peine.












Chapitre I: vent de Tempête

"La Tempête allait commencer ses attaques et déjà le ciel s’obscurcissait"

Lautréamont


Aelita fixait le tableau noir de la classe d’un regard vide, vide la classe l’était aussi d’ailleurs. Le cours de madame Hertz n’était pas suivi avec beaucoup d’enthousiasme mais jamais Aelita ne l’avait vu déserté à ce point. La porte s’ouvrit à la volée livrant le passage au proviseur. Mr Delmas fit face à la classe vide sans se formaliser de l’abscence de ses occupants : -« Ma chère Aelita, lui dit-il, vous êtes sans aucun doute une élève emérite et par conséquent je suis très fier de vous présenter votre nouveau professeur, monsieur Hopper. » La jeune fille redressa la tête, le cœur battant, son père venait d’entrer dans la pièce et elle ne savait ce qui la retenait de se précipiter dans ses bras. La voix du proviseur lui parvenait dans un bourdonnement confus, et la classe entière tournait autour d’elle. Franz Hopper s’approcha de sa fille et se pencha vers elle : Souvient-toi Aelita, lui murmura-t’il, souvient toi, mon enfant. Le visage de la jeune fille ruisselait de larmes :- Tu es mort, lui répondit-elle en essayant sans succès de retenir les sanglots qui montaient dans sa gorge.
-C’est vrai, mais je vis encore en toi. En ce monde, Aelita Hopper, tu es la seule qui puisse perpetuer mon souvenir.
-Pourquoi, papa ? Pourquoi toi ?
-Fallait-il que ce soit quelqu’un d’autre ? Qui devait payer pour mes erreurs Aelita ?
-Je n’en sais....La jeune fille ne termina pas sa phrase, ses mots se noyèrent dans un torrent de larmes; vaincue elle enfouit son visage dans ses mains. Quand elle releva la tête, son père avait disparut. Madame Hertz était à nouveau à son poste et les élèves plus ou moins attentifs regardaient le tableau noir se couvrir peu à peu de signes mathématiques. Aelita, complètement décontenancée se retourna vers Jeremie qui, avec un petit sourire empreint de mystère, désigna la porte de la classe encore légèrement entrebaillée à son amie. Cette dernière se leva et tenta de se diriger vers la sortie, mais ses jambes étaient de plomb. Au prix d’un grand effort elle parvint à quitter la pièce et se traîna dans le couloir. Ce n’était pas un couloir du batiment des sciences, d’aillleurs, la jeune fille avait plutôt l’impression d’être dans celui de la piscine, avec cette odeur de chlore et cette humidité qui rendait ses mains moites. Elle poussa un des battants de la porte qui menait au grand bassin ; il était plus désert encore que sa salle de classe. Le sol était mouillé comme si une troupe de phoques de cirque y avait répété un numéro aquatique; et, en dépit du soleil rayonnant d’avril, il régnait dans la grand salle une pénombre telle que la jeune fille avait l’impression d’être dans une grotte. Bizarrement, elle se sentait chez elle dans ce lieu étrange qui n’était pas là où il devait être, et où elle n’aurait pas dû se trouver. Oui, elle s’y sentait...chez elle.

-« Tu es là aussi ? Aelita fit volte face. Assise au bord du bassin, les pieds dans l’eau, Sissi Delmas comptemplait son reflet comme dans un miroir.
-Sissi ?- Aelita n’en revenait pas : Elisabeth Delmas était bien la dernière personne qu’elle s’attendait à croiser dans un moment pareil - Sissi, est-ce que tu as vu mon père ?
Au moment même ou elle posa la question, Aelita su qu’elle avait commis une erreur. D’une part Sissi ne savait absolument pas qui était son père, d’autre part elle était bien trop fouineuse pour se passer de mener son enquête sur la présence éventuelle d’un fantôme à Kadic. Un fantôme ? L’adolescente frémit à la pensée d’avoir songé à son père en ces termes. Serait-elle hantée à jamais par ce souvenir ? Un souvenir, non certes, Franz Hopper n’était pas un fantôme mais un souvenir, et jusqu’à preuve du contraire, Sissi ne pouvait pas voir ses souvenirs. Donc en toute logique, elle ne pouvait pas avoir vu son père.
-Ton père ? Bien sûr, il m’a chargé d’un message pour toi. Tout le beau raisonnement d’Aelita venait de s’écrouler comme un château de cartes. Non seulement Sissi pouvait voir son père, mais en plus elle pouvait lui parler. Cela signifiait-il que l’autre adolescente faisait elle aussi partie de ses souvenirs ? Aelita la détailla du regard : Elizabeth ne portait pas ses vêtements de tous les jours, elle était habillée de la même manière que le jour de l’élection de Miss Kadic (bien qu’Aelita n’ait pas assisté à cet évènement mémorable, une photo très réussie de Sissi en train de dévaler l’escalier après avoir été élue Miss Kadic de l’année lui avait donné une idée de la manière dont la Miss en question était vêtue ce soir-là) ; comme sur la photo des Echos de Kadics, Sissi portait un T-shirt asymetrique rose fort ainsi qu’un pantalon vert bouteille. Mais Aelita se secoua et revînt à la réalité.
- Un message ? Lequel ? Sissi la regardait fixement, comme si les yeux pleins de larmes, Répond moi ! Aelita attrapa Elisabeth par les épaules et la secoua un coup. Des gouttes d’eau chlorées éclaboussèrent son visage et des cheveux roses. La fille de Franz Hopper cligna des yeux plusieurs fois pour tenter de dissiper les gouttes d’eau tièdes dans ses yeux. Dans l’eau de la piscine, une queue de poisson écailleuse jouait avec les flots, mais Aelita ne voyait que les yeux sombre d’Elizabeth, des yeux tristes et embuées de larmes. Lorsqu’elle cligna des paupières, une larme coula de ses yeux et s’en allat se briser sur le carrelage inondé du sol. Au moment où la larme transparent explosa, Aelita entendit à nouveau la voix de son père lui murmurer « n’oublie jamais ».
Tremblante comme une feuille, elle se disposait à s’en aller quand une main mouillée et froide comme la mort agrippa la sienne. A son tour Sissi avait saisi le poignet de la jeune fille d’une main de fer. D’un coup de reins elle se jeta à l’eau et tira lentement Aelita vers elle. C’est alors que cette dernière réalisé quelque chose de très important : le décor avait changé, elle n’était plus ni au collège ni à la piscine. Elle était sur Lyoko, et Sissi essayait de l’entraîner dans la mer numérique ! Inexorablement tirée par la poigne de fer de la sirène, Aelita entendait la voix suppliante de la créature l’implorer : « Viens Aelita, viens je t’en prie ne me laisse pas seule..Aelita ! Aelita ! Je t’en supplie je ne mérite pas un tel sort, quoi que j’ai pu faire par le passé..Oh Aelita !... » ; la plainte déchirante de la sirène lui déchirait le cœur, et seule son instinct de survie l’empêchait de suivre Sissi dans le néant de la mer numérique. A contrecoeur Aelita lui envoya une forte décharge ce qui eut pour effet immédiat de lui faire lâcher prise, mais alors que la lyokoguerrière commençait à s’éloigner de la berge, Sissi dans un suprême effort attrappa les deux chevilles d’Aelita et les tira vers elle, vers la mer numérique, vers la mort...

Aelita se reveilla en sursaut, le visage baigné de sueur. Une des branches du vieil orme agitée par le vent cognait contre le carreau de la fenêtre. Agacée par le bruit Aelita se leva et ouvrit la fenêtre. Un vent de tempête se levait, et le ciel étoilé se couvrait de nuages. Aelita respira à fond, la campagne s’étendait à perte de vue devant ses yeux. Elle lui rappelait la montagne, et les vacances qu’elle avait passé avec ses parents étant enfant. Des souvenirs, toujours et encore des souvenirs. En dépit de tout ses efforts pour oublier son passé....enfin le moment n’était peut-être pas venu, pas encore.
« -Aelita ? Tu vas bien ? La jeune fille se détourna de la fenêtre. Jeremie, les yeux gros de sommeil, se tenait dans l’encadrement de la porte. Aelita ne put s’empêcher de sourire en le voyant ainsi.
-Tu ne peut pas t’empêcher de veiller sur moi, hein ? Même quand il n’y a aucun danger, lui fit-elle remarquer sans cesser de sourire.
-Si il n’y a aucun danger, alors qu’est-ce qui t’empêche de dormir ? Lui retorqua Jeremie. Le sourire d’Aelita mourut sur ses lêvres.
-Les fantômes du passé...murmura t-elle tristement.
-Aelita...commença Jeremie, ce n’était pas ta faute, tu le sais. Non ? Lui demanda t-il en l’attirant tout près de lui. Mais Aelita ne pouvait détacher ses yeux de la fenêtre. Le vent soufflait de plus en plus fort. Il fallait qu’elle sache.

La sonnerie du mobile retentit au cœur de la nuit, une main erra parmis les draps froissés et se referma sur un téléphone portable. Les yeux clos, Yumi colla le combiné contre son oreille.
« - Oui, quoi, quesskiya ? coassa t-elle de sa voix la plus rogue.
-Allo, Yumi ? C’est Odd, je t’appelle pour...enfin tu sais que j’avais confié Kiwi à Sissi j’ai essayé de l’appeler quatre fois et elle n’a pas décroché-en fait je ne suis même pas sûr que son téléphone soit allumé-je ne sais pas pourquoi mais j’ai un mauvais pressentiment et...
- Hey, hey, hey, du calme, calme-toi. Qu’est-ce qui se passe ?











A l’autre bout du fil, Odd semblait avoir retrouvé son calme, Yumi attendit la suite des explications.
-Voilà, ce matin avant de partir j’ai confié Kiwi à Sissi, je ne sais pas si c’était la meilleur des choses à faire mais vu la manière dont ça c’était passé avec toi la dernière fois, j’ai pensé que même avec Sissi ça ne pouvait pas être pire. Mais passons, ce qui m’inquiète c’est que je n’arrive pas à la joindre, je n’ai pas arrêté de l’appeler depuis que je suis descendu de l’avion et elle ne m’a pas répondu. Et ça ce n’est pas normal, on peut dire ce qu’on veux de Sissi, mais je ne l’ai jamais vu ne pas prendre un appel, même en cours elle répond au téléphone...Yumi ne savait pas si Elizabeth décrochait souvent son téléphone mais une chose était sûre, Elle, elle commençait à décrocher. Elle coupa court au bavardage de l’insomniaque:
-Je me répète Odd qu’est ce que tu attend de moi?
-Eh, bien euh, je me demandais si, tu, enfin peut-être pas ce soir... mais demain matin...il prit une profonde inspiration et dit très vite; aller-voir-Kiwi-pour-savoir-si-il-va-bien. S’il te plaît Yumi, je me fais un sang d’encre et...
-Bon très bien j’irais voir demain si tout va bien pour Kiwi, en attendant bonsoir, Odd.
-Euh, oui, merci Yumi, je....Yumi raccrocha son téléphone et rabatit sa couverture au dessus de sa tête. Elle entendait la pluie et le vent tambouriner contre sa fenêtre et se demanda un instant si elle arriverait à se rendormir avec les éléments déchaînés au dessus de sa tête. Mais petit à petit son corps s’engourdit à nouveau et elle glissa doucement vers le pays des rêves.

Dans la chambre de Jérémie, Aelita avait allumé son ordinateur portable puis connecté au système de sécurité du supercalculatuer. Cela pouvait peut-être ressembler à de la paranoïa, mais il fallait qu’elle s’assure que tout allait bien. Elle accéda aisément au système de sécurité de l’ordinateur, tout semblait normal sauf que "la sentinelle" le programme que les deux adolescent avaient mis en place afin de détecter et bloquer les intrusions ne fonctionnait plus. Jérémie s’installa à son tour devant l’ordinateur et tenta de remèdier au problème: -Ce n’est peut-être qu’un bug, je vais essayer de faire repartir le programme et je lancerai un scan complet après, dit-il. Mais Aelita était de plus en plus anxieuse, il lui semblait que quelque chose ne tournait pas rond.
-Tu vas peut-être penser que je deviens cinglé mais je suis sûre qu’il s’est passé quelque chose, je...Aelita n’acheva pas sa phrase, elle avait envie de dire à son ami qu’à chaque fois qu’il s’était produit un évènement majeur dans sa vie, elle en avait rêvé auparavant. Mais elle ne dit rien; les prémonitions faisaient partie des choses qui échappaient complètement à la logique froidement scientifique de Jérémie.
-Ne te fais pas de soucis, Aelita, je suis sûr que je vais pouvoir régler ça dans la demi-heure, assura Jérémie en pianotant fébrilement sur son clavier. Cependant il n’était pas aussi confiant qu’il voulait le faire croire, son écran lui montrait des lignes de code qu’il n’avait jamais vu et encore moins tapé. C’était comme si quelqu’un avait complètement reconfiguré son programme. Mais qui? Xana, souffla une petite voix à l’intérieur de sa tête. "Impossible pensa-t’il, on l’a détruit, Xana est mort. Sa propre voix résonna dans sa tête comme un écho de ses certitudes. Et pourtant...
Brusquement tout changea: les lignes de code disparurent et son écran devint noir. Aelita et Jérémie restèrent figés sur place avec la même pensée qui tournait dans leur tête. Leur cauchemar éveillé devint réel lorsque ces quelques mots s’affichèrent sur l’écran: Lyokoguerriers, je suis revenu.

La sonnerie du portable de Yumi retentit dans la nuit, réveillant instantanément la jeune fille. Elle chercha à tatons son portable qui avait glissé dans ses draps en étouffant un juron. Cependant, le numéro de téléphone qui s’affichait sur l’écran de son téléphone n’était pas celui auquel elle s’attendait. Décontenancée elle colla l’appareil à son oreille en se demandant pourquoi est ce que Jérémie pouvait bien l’appeller à une heure pareille.
-Allo? Jérémie? demanda la jeune fille d’une voix lourde encore de sommeil.
-Non c’est Aelita, répondit une voix angoissée à l’autre bout du fil (Mais qu’est ce qu’ils ont tous à stresser comme ça se demanda la japonaise.)
Yumi écoute moi attentivement, c’est extrèmement important. On a eu une alerte et...ça peut paraître dinque mais il semblerai que Xana n’ait pas été détruit comme on le pensait. Et il est peut-être revenu.
-Quoi? Cette fois, Yumi était tout à fait réveillée. Mais c’est pas possible Aelita, Jérémie, dîtes moi que ce n’est pas vrai!
-Non, Yumi, c’est la vérité reprit Jérémie d’une voix sombre, Xana est revenu.


Il pleuvait à verse, et une véritable tempête était en train de s’abattre sur le collège Kadic. Pourtant Yumi ne prenait pas garde aux hurlements du vent. La seule chose qu’elle entendait était la voix brisée par l’angoisse d’Aelita Hopper: "Il est peut-être revenu". Yumi espérait follement en ce "peut-être". Peut-être était ce un dysfonctionnement dû à la foudre ou à la tempête. Peut-être était elle en train de faire un cauchemar. Peut-être n’était elle pas dans le parc du Collège à trois heures quarante-cinq du matin, peut-être allait-elle se reveiller dans son lit d’un instant à l’autre. Quand elle arriva près de la bouche d’égoût qui menait au souterrains elle remarqua que la dalle n’avait pas été correctement remise en place. Quelqu’un était venu ici. Yumi descendit dans les souterrains et parcourut au pas de course la distance qui la séparait du supercalculateur. En arrivant elle eu un choc, le supercalculateur avait été rallumé. Dans la pièce saturée par le doux vrombissement de l’appareil, Yumi trouva un téléphone portable qu’elle connaissait bien: celui de Sissi Delmas. "Mais qu’est ce qu’elle est venu fiche ici? se demanda la jeune japonaise. A part cela elle comprenait mieux pourquoi est-ce que Odd n’arrivait pas à la joindre. Si ça se trouve elle est encore ici, pensa Yumi. "
Elle appella alors: Sissi? Sissi? Mais personne ne répondit à ses appels, du moins pendant un temps, car peu à peu elle entendit une sorte de gémissement inhumain dans le lointain; il lui fallut quelques minutes pour savoir d’où il provenait. Dans la salle des Scanners, Kiwi hurlait pour elle.
Sans plus se préoccuper du reste, Yumi se dirigea droit vers la salle des scanners et resta figée de stupeur. Les trois scanners étaient ouverts, et de l’un d’eux, Elizabeth semblait être tombée. Elle était allongée face contre terre comme si elle avait trébuché en voulant en sortir, sauf qu’elle ne faisait pas le moindre mouvement. Kiwi lui mordillait les cheveux comme si il avait voulût la faire réagir. Yumi se précipita vers le corps inanimé de Sissi. Une large brulûre courait sur son dos, "elle a dû être éléctrocutée pensa Yumi, mais qu’elle décharge avait donc couru dans son corps pour lui laisser une marque pareille? La jeune fille chercha le pouls d’Elizabeth, il était très ait maintenant où se trouvait son chien. faible, mais il était bien là et elle respirait. Sissi était vivante, mais elle avait besoin de soin, et comment expliquer son état, et le fait que elle, Yumi soit en train de rôder dans une usine désafectée à des heures indûes. Il lui fallait trouver une solution mais avant elle allait appeler Jérémie, et Aelita.

Lorsque le jour se leva, Yumi essaya de faire le bilan de sa nuit tout en faisant en sorte de rentrer avant que ses parents ne s’aperçoivent de son absence. Dans son sac dormait Kiwi roulé en boule, au moins maintenant pensa-t’elle Odd savait où se trouvait son chien. Il n’y avait plus de doute possible à présent, Xana était bel et bien de retour. Il avait laissé son message sur tout les écrans de l’Usine. Le supercalculateur était allumé et Sissi se trouvait dans le coma. La jeune japonaise avait traîné Sissi près d’un fil électrique tombé à terre, en espérant que ceux qui la trouverait éviteraient de se poser trop de question, puis elle avait passé un coup de fil aux urgences depuis une cabine téléphonique et avait attendu l’arrivée de l’ambulance à l’abri des regards. Dès que Sissi eût été emmenée, Yumi avait repris le chemin du bercail en se posant mille questions, et sans avoir trouvé une seule réponse valable, elle rentra chez elle sans faire le moindre bruit.



------------------------



Très loin de Paris et de Kadic, Jérémie Belpois, se leva avec la sensation d’avoir fait un affreux cauchemard, car somme toute ça y ressemblait bien, enfin voyons toute cette histoire ne tenait pas debout! A supposer que Sissi trouve le laboratoire par elle-même (ce qui semblait absurde vraiment, cette fille a un petit pois en guise de cervelle), comment le scanner aurait-il pu lui faire quoi que ce soit, il est désactivé, éteint, débranché!! Ce matin là, le jeune surdoué était plus que jamais persuadé que son imagination lui avait joué un sale tour. Un bonne douche chaude acheva de le réconforter. C’était les vacances, il était avec a famille, avec Aelita, tout allait bien. Ce ne fut que lorsqu’il sortit de la salle de bain pour rejoindre cette dernière que la réalité se rappella à lui avec un arrière-goût d’affreux cauchemard, car la première chose que lui dit Aelita en brandissant son téléphone portable rose fut:

"-Je viens d’avoir Yumi au téléphone, elle m’a dit que Sissi avait été emmenée à l’hopital. D’après les ragots que Jim colporte, elle serait dans le coma." Jérémie, bouche bée, digérait péniblement la nouvelle. Aelita, consciente du choc que son ami était en train de subir fit une pause pour le ménager un peu.

"-Le coma? "Répéta Jérémie sans trop y croire. Depuis quand un passage dans le scanner vous grillait-il les neurones? A supposer que Elisabeth Delmas en ait jamais eu?

"-Oui, et même...les médecins l’ont mise sous respirateur, Yumi ne sait pas encore si cela signifie qu’elle ne peut plus respirer seule, ou si ils ont fait ça pour économiser ses forces, d’après ce qu’une infirmière lui aurait dit, le simple fait de respirer use trente pour cent de l’énergie corporelle d’un être humain..."Aelita n’eût pas le temps d’achever sa phrase car Jérémie lui coupa la parole en faisant de grands gestes désordonnés.

"-Non. Non ce n’est pas possible! Aelita...le super calculateur est éteint...Xana est mort! Kaput! Fini! Terminé!! Rien...rien de tout ceci n’est possible...ça n’a pas pu arriver!" Patiente, Aelita attrapa les mains de son compagons et les serra contre sa poitrine.

"-Je ne sais pas comment tout ceci à pu se produire, et je ne sais ps comment tout ceci se terminera...mais regarde le bon côté des choses. Si...si il reste toujours de l’activité dans le monde virtuel, cela signifie peut-être que...que..."La jeune fille troublée laissa sa phrase en suspens. Après un long moment de silence, Jérémie la prit dans les bras et la serra très fort contre lui.

"-...Que ton père est toujours en vie. " Acheva-t’il sans deserrer son étreinte.

La jeune fille éclata en sanglots.



En quittant la chambre d’Elisabeth, Jean-Pierre Delmas, le proviseur du Collège Kadic se sentait vraiment mal. Il ne pouvait chasser de son esprit cette atroce vision qu’il avait de sa fille, blême, les paupières violacées, reliée à une batteries de tubes, de fils et d’électrodes, et pour couronner le tout, environnée de l’atroce sifflement du respirateur lui rappellant Dark Vador.

D’après les élécto-encéphalogrammes pratiqués sur sa petite princesse, sa fille se trouvait dans un « Coma stade 3 », soit le coma profond. Sur les graphiques tracés par l’appareil, on pouvait constater que sa fille ne répondait plus aux stimuli douloureux, et son état continuait de se dégrader. Les médecins l’avaient avertis que des troubles végétatifs pouvaient apparaître à ce stade, en d’autres termes que son bébé était en train de se transformer en légume et que personne n’y pouvait rien.

Comme un robot, le proviseur désemparé avançait le long des couloirs immaculés, vers la sortie, en espérant que personne ne viendrait lui parler de don d’organes avant qu’il ne franchisse cette porte.

Dans le bureau du chef de service, tout les médecins disponibles se penchaient sur l’étrange cas clinique de la petite Delmas. Il y avait de quoi se poser des questions sur ce dossier, en effet. Une adolescente en parfaite santé physique se trouvait dans un coma carus et pourtant rien ne justifiait son état: pas d’antécédents cliniques, pas de traumatisme, pas de lésions du cortex ou du tronc cérébral visible à l’IRM, pas d’hémoragie cérébrale, rien. Le coeur fonctionnait comme une horloge, la glycémie était normale, les surrénales parfaites et pas un gramme d’alcool ou de drogue dans le sang, clean. On ne tombait pas dans le coma comme ça sans raison quand même!

En bref les médecins étaient perplexes. Le chef de service de neurologie, le professeur Bricard, un ancien légionnaire aux cheveux grisonnant qui ne s’avouait jamais vaincu, rassembla ses notes afin de se donner une contenance et donna quelques ordres à ses internes et externes déconcertés:

-"David et Lena, dit-il aux deux D4 qui se tenaient près de la porte les bras ballants, vérifiez les causes infectieuses, c’est à dire herpès et paludisme, c’est peut-être un abcès cérébral. " Les deux externes battirent en retraite tandis que les collègues du docteur Bricard acquiscaient en silence.

-"Très bien, approuva le docteur Bouraï, une jolie oncologue d’origine Algérienne, de mon côté je vais lui faire une biopsie, la patiente a peut-être développé une tumeurs bénignes ou malignes aux dépens de son parenchyme cérébral."

Un par un, chaque praticien présent dans la pièce se retira avec un examen à éxecuter. Bientôt il ne resta plus que l’ancien militaire qui restait debout, pensif, face aux photographie prise aux cours des IRM, accrochées aux murs, il était extrêmement troublé.



-----------------------



Chapitre II

La Tempête approche

"-Nous savons que la Tempête est assurément proche.

-Elle est sur vous j’ai volé sur ses ailes."

J.RR Tolkien

La puissante mercedès noire déposa Ulrich Stern, Patrick Belpois et William Dunbar devant la grille du collège Kadic. Le jeune Stern ne savait plus de quel prétexte il avait usé pour convaincre ses parents de lui permettre d’abréger ses vacances pour retourner au collège. La seule chose dont il était absolument sûr, c’est de ne pas avoir mentionné le nom de Sissi devant eux. La seule chose qui aurait pu venir aggraver le désastre actuel serait que ses parents pensent qu’il pourrait s’intéresser de près ou de loin à cette petite peste prétentieuse. A Patrick il avait expliqué que ses parents se voyaient forcés d’abréger leur séjour pour des raisons qu’il ignorait. Le jeune homme avait opiné du chef sans broncher avant d’aller boucler sa valise. Une des plus grandes qualité du cousin de Jérémie était de ne jamais poser trop de questions.

A William, Ulrich avait dit la vérité, bien sûr, et l’humeur de ce dernier avait évoluée en fonctions des circonstances: Ulrich ne l’avait pas vu aussi sombre depuis des mois. Le spectre de Xana semblait flotter en permanence au fond de ses yeux et plus personne n’osait lui adresser la parole, pas même Patrick qui gardait en permanence un silence prudent.

Ce fut donc avec un sérieux et une solennité angoissante que les trois jeunes gens remontèrent la longue allée soupoudrée de sable menant au pensionnat. Jim, d’ailleurs, ne manqua pas de les interpeller là-dessus:

"-Dites! C’est quoi ces têtes d’enterrement, la petite Delmas n’a pas encore passé l’arme à gauche que je sache! Alors tâchez d’avoir l’air un peu plus joyeux, c’est bien suffisant d’avoir un proviseur en pleine dépression nerveuse sans en plus ajouter trois zombies au tableau!" Surpris dans ses réflexions par la voix tornitruante du surveillant, Stern sursauta, Belpois choqué par la nouvelle, en lâcha sa valise, tandis que William s’assombrit un peu plus avant de répliquer:

"-On ne dit plus "dépression nerveuse", on dit "épisode dépressif majeur." Moralès ouvrit la bouche, puis la referma avant de beugler dans la figure d’un William que rien ne semblait pouvoir atteindre:

"-Ah ouais? Dis-moi petit malin depuis quand tu sais autant de choses..." Mais le surveillant stoppa net sa diatribe car la figure de William venait de virer au cramoisis. Le jeune homme contourna l’obstacle que présentait la bedaine imposante du pion de Kadic avant de pousser le battant de la porte du bâtiment principal d’un geste rageur. Jim plus que confus, mendia d’un regard un peu d’indulgence auprès de Patrick qui le gratifia d’un accolade pleine de compréhension. Ulrich, que ses nerfs menaçaient à son tour de lâcher se passa une main devant les yeux. Il n’avait pas oublié cette nuit tragique où il avait retrouvé William inconscient dans les douches étendu au milieu d’une mare de sang. Aucun d’entre eux n’avait pu imaginer à l’époque que William pourrait tenter de mettre fin à ses jours. Que la vie serait peut- être encore plus dure après la mort de Xana que pendant. Et pourtant il devait bien reconnaitre que c’était vrai. Lorsqu’ils se battaient, ils étaient tellement shootés à l’adrénaline qu’ils ne réalisaient pas vraiment ce qui était en train de se passer. Les cauchemards n’vaient fait leur apparition que beaucoup plus tard, et avec eux la terreur liée à cette terrible question: Et si? Et si l’un d’entre eux avait perdu la vie, et les services secrets s’en étaient mélés? Et si Xana avait réussi à gagner? Et si...et si...et si...C’était des interrogation sans fin qui leurs pourrissaient la vie de jour comme de nuit.