Les chroniques de Valombre
Chapitre I. Un nouveau monde
Attention, certains passages peuvent heurter à la sensibilité des plus jeunes
Samedi matin, fin du mois de Novembre.
Ce jour-là, le ciel avait décidé de prendre une allure maussade, digne de l'hiver qui approchait : de gros nuages gris-bleutés menaçaient à tout moment de déverser sur terre des trombes d'eau et un vent glacial, pénétrant, s'était levé, arrachant les rares feuilles désséchées et rabougries encore accrochées aux branches des arbres. Ce spectacle était si déprimant que personne n'osait sortir dehors pour se promener dans les rues.
Enfin... presque personne.
En effet, une jeune fille, qui devait avoir une quizaine d'années, marchait d'un pas énergique en direction d'une vielle usine désafectée. Elle portait un long et épais manteau gris foncé qui tombait jusqu'aux genoux, des gants et un chapeau de velour noirs, ainsi qu'une écharpe grise enroulée autour de son cou qui lui servait de cache-nez. Seuls ses yeux étaient visibles ; des yeux en amande, laissant deviner une ascendance asiatique.
Quelques instant plus tard, elle arriva dans une gigantesque salle, à l'intérieur de l'usine. Elle descendit de la plate-forme où elle se tenait à l'aide d'une corde et entra dans un monte-charge qui l'emmena au premier sous-sol. Là, trois adolescents semblaient l'attendre, assis en cercle sur le sol.
- Salut, tout le monde ! lança-t-elle en enlevant son écharpe et son chapeau.
- Salut, Yumi ! dirent en même temps une fille aux cheveux roses et un jeune garçon blond portant des lunettes.
Yumi leur sourit puis se tourna vers le seul ado du groupe qui n'avait pas encore parlé. C'était un jeune homme brun à l'allure réservée, d'un an plus jeune qu'elle.
- Salut, Ulrich.
- Bonjour Yumi, dit-il.
Tous deux se regardèrent dans les yeux pendant un petit moment, et finirent par se sourire. Elle regarda autour d'elle, un air surpris sur le visage.
- Il est pas là, Odd ? demanda-t-elle.
- Non, il a un rencart avec sa conquête de la semaine, répondit Ulrich. Mais il ne devrait pas tarder, car à chaque fois qu'il a rendez-vous avec une fille en fin de semaine, c'est pour recevoir une baffe et se faire plaquer dans la seconde qui suit !
Yumi étouffa un éclat de rire ; décidément, Odd ne changera jamais, à toujours sortir avec plusieurs filles en même temps...
- Alors Jérémie, tu nous dis pourquoi tu nous a fait venir ? demanda-t-elle, essayant de reprendre son sérieux.
L'interpellé rajusta ses lunettes sur son nez, et commenca :
- Et bien voilà, Aélita (il désigna la fille aux cheveux roses) et moi, nous avons trouvé quelque chose en travaillant sur le supercalculateur...
- Et c'est ? demanda le jeune brun.
- Justement, je n'ai pas réussi à le découvrir ! L'ordinateur déclare forfait à chaque analyse ! Tout ce que je sais, c'est que ça ressemble à un autre territoire et qu'il renferme quelque chose de très important concernant XANA au plus haut point.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? interrogea Yumi qui s'était assise près d'Ulrich.
- Y'a qu'à compter toutes les protections qui entourent cet endroit ! C'est à croire que XANA refuse que qui que se soit y accède ! Mais (il insista sur ce mot), je suis parvenu à les contourner et il est maintenant possible d'y enter.
- L'accès est le même que celui du cinquième territoire, continua Aélita, c'est-à-dire par un transporteur. Je pense qu'on devrait y jeter un coup d'œil. Il ne renferme pas de données informatiques mais une chose endormie que XANA craint énormément ! La réveiller constituerait un formidable atout ! Qu'en pensez-vous ?
Yumi et Ulrich se consultèrent du regard. Visiblement, cette idée leur plaisait beaucoup. Ils répondirent alors d'une seule voix : "on est partant !"
- Super ! s'exclama la jeune fille. Allez-y, je reste ici au cas où XANA passerait à l'attaque !
- Bien patronne !! répondirent-ils en effectuant un salut militaire.
Ils se levèrent et allèrent vers le monte-charge, direction : la salle des scanners. Une fois arrivés, chacun entra dans un caisson. Dans la salle de contrôle, Jérémie pianotait avec frénésie sur son clavier.
- Bon, c'est parti ! Transfert Yumi, transfert Ulrich. Scanner... Virtualisation !
Le samouraï et la geisha se virtualisèrent sur le territoire restant de Lyoko, celui de la montagne.
- Je vous envoie vos bécanes.
L'overbike et l'overwing se matérialisèrent ; ils sautèrent sur leur véhicule respectif et filèrent à toute vitesse vers l'extrémité du territoire. Après quelques minutes de route, ils arrivèrent à destination.
- Pas le moindre monstre, remarqua Ulrich. XANA ne s'attendait pas à nous voir !
- Tenez-vous prêt, j'appelle le transporteur ! annonca Jérémie.
Dans le laboratoire, Jérémie tapa un nouveau code, "Horus". Sur Lyoko, un gigantesque oiseau fait d'une intense lumière dorée se dirigea vers Ulrich et Yumi, les prit dans ses serres et plongea immédiatement dans la Mer Numérique. Au bout de quelques secondes de vol, le grand oiseau entra dans une fenêtre plongée dans l'obscurité qui se referma derrière lui. Il déposa avec délicatesse son précieux chargement, puis, comme une flamme de bougie soufflée par un courrant d'air, il disparut. Les deux Lyokoguerriers se retrouvèrent dans le noir total.
- On est où Jérémie ? interrogea Yumi.
- Laisse-moi une minute.
Jérémie pianotait sur l'ordinateur de contrôle, espérant dénicher la carte de ce nouveau monde. Soudain, une fenêtre inconnue s'ouvrit sur son écran. Il lut son contenu et... sourit. Il appuya de suite sur la touche "Enter" et une carte se dessina sur l'holomap.
- La carte du territoire ! J'ai réussi à la trouver !! s'écria-t-il joyeusement.
Aélita se mit devant l'holomap et la scruta d'un air pensif. Puis, elle se placa à droite de Jérémie et s'empara d'un micro :
- Ulrich, Yumi, vous m'entendez ? (la voix de Yumi lui répondit par l'affirmative) Bon, vous vous trouvez dans une caverne qui débouche sur un long tunel descendant, droit devant. Allez-y, c'est la seule sortie.
Ulrich prit alors la main de la geisha et l'entraîna à sa suite. Après quelques instants, il toucha les paroies de la grotte. Puis, sans crier gare, le sol se déroba sous leurs pieds et ils se retrouvèrent en train de glisser, de plus en plus vite, le long d'une pente qui devenait à chaque instant plus raide. Ils allaient à une vitesse folle et Yumi se prit à penser qu'Ulrich et elle se retrouveraient forcément en morceaux à l'arrivée.
Et pourtant, ce ne fut pas le cas, mais l'atterissage fut très brutal. Ils se redressèrent avec beaucoup de difficultés.
- Tu vas bien, Ulrich ?
- J'ai connu des jours meilleurs... gémit le jeune homme.
Il se hissa tant bien que mal sur ses pieds puis aida son amie à se relever.
- Vous allez bien les amis, rien de cassé ? demanda Jérémie, inquiet.
- Y'a mieux ! répondit Yumi d'une voix enrouée, tout en époussetant ses vêtements. Pourquoi tu demandes ça ?
- Ben, en fait..., balbutia Jérémie, le.....le grand oiseau vous a....matérialisé. Comme lors d'un retour sur Terre.
- Eh ben... ça nous fait une belle jambe ! lâcha Yumi.
- Au moins, on a toujours nos armes pour nous défendre, soupira Ulrich.
Tous deux observèrent les alentours. Ils se trouvaient sur une sorte de quai qui donnait sur un gigantesque lac souterrain, dans une grotte si vaste qu'elle avait à peine l'air d'en être une. Elle baignait dans un doux rayonnement venant d'énormes cristaux disposés régulièrement le long d'un interminable pont. La lueur (gris verdâtre) n'était pas assez forte pour atteindre la voûte de la grotte qui devait culminer très haut au-dessus de leurs têtes. Même les côtés étaient plongés dans l'obscurité la plus totale. Tout au bout du pont, la façade d'un château fort, qui semble être creusé dans la roche, était bien visible.
- C'est vraiment tristounet, ici, se plaignit Ulrich.
- Allons-y ! coupa Yumi.
Ils obliquèrent vers le pont et commencèrent la traversée. Seulement, elle fut assez pénible : un silence pesant et oppressant régnait dans la caverne, mettant leurs nerfs à rude épreuve.
Après une marche qui leur avait paru interminable, ils arrivèrent devant la forteresse. Deux statues de centaures, dréssés sur leurs pattes arrières, une flèche encochée sur leur arc, trônaient fièrement de part et d'autre de l'entrée du quai de l'édifice. Yumi et Ulrich s'avancèrent vers le château. Dans le laboratoire, Jérémie s'activait à scanner ce monde, en quête d'informations sur sa nature. Soudain, sur les écrans, un icône de danger clignota, désignant le centaure de gauche, puis disparut. Jérémie ne s'en aperçut pas.
Les deux Lyokoguerriers, de leur côté, se tenaient devant de monumentales portes de bronze qui s'ouvrirent dans un grincement sinistre. Ils entrèrent, prudents, tous les sens en alerte, les armes prêtes à jaillir. Dès qu'ils furent à l'intérieur, elles se refermèrent derrière eux, les plongeant dans l'obscurité. Progressivement, sur les côtés et au-dessus de leurs têtes, des cristaux s'allumèrent, dévoilant une gigantesque salle circulaire aux murs dorés, ornés de hiéroglyphes et de représentations de dieux Égyptiens.
Au sol, disposées en cercle et à intervalle régulier, quatre sculptures de chacals, noirs comme du jais et couchés sur leur socle tels des sphinx, fixaient une autre statue aussi noire qu'eux, au centre du cercle, représentant un cavalier monté sur un griffon. Ulrich et Yumi s'avancèrent vers elle puis s'arrêtèrent à quelques pas, subjugués par sa pureté. C'était un véritable chef-d'œuvre, ciselé dans le détail, qui dépassait de loin ceux des grands maîtres sculpteurs du 16e siècle.
Le griffon avait les ailes déployées, la tête fièrement levée, une expression farouche dans les yeux. Le cavalier était aussi impressionnant que sa monture : c'était une très jeune femme, au visage dur et déterminé, portant une cotte de maille, ainsi qu'un arc en bandouillière, un carquois plein de flèches dans son dos. A sa ceinture pendait une longue épée, et elle tenait fermement dans la main droite une lance d'argent qui devait faire à vue de nez trois mètres de long.
- Elle est magnifique ! s'émerveilla Yumi.
- La salle n'est pas mal non plus, renchérit Ulrich. On se croirait dans un temple de l'ancienne Égypte !
- Navré de vous interrompre dans votre contemplation mais je viens de découvrir quelque chose de plus intérrêssant ! railla Jérémie. D'après les relevés, ce territoire est en réalité la prison d'une ancienne Lyokoguerrière et de son destrier. Tous deux sont enfermés dans cette statue d'onyx ! Je vous rassure tout de suite, ils ne sont pas morts, seulement endormis, comme mis en hibernation. Pour les réveiller, il faut retrouver quatre sources élémentaires et les insérer dans les statues de chacal. Vous les retrouverez après avoir réussit, et dans cet ordre, les épreuves de l'Eau, de la Terre, de l'Air, et du Feu. Par contre... (sa voix se fit hésitante), en cas d'échec, vous servirez de... casse-croûte... à la Grande Dévorante.
- La QUOI !?! hurla la japonaise.
- Vous feriez mieux de revenir ! Face à elle, vous n'aurez aucune chance ! suggéra Aélita.
- D'accord !! Allez Yumi, on file !!!
Ulrich attrapa la main de la jeune fille et se mit à courir vers l'entrée. Soudain, les portes de bronze se mirent à onduler puis disparurent, cédant la place à un mur. Les deux ados s'arrêtèrent net, stupéfait.
Dans le laboratoire, Jérémie piannotait frénétiquement sur l'ordinateur de contrôle afin de les sortir du château, mais impossible de faire revenir les portes.
- Oh non, c'est pas vrai !! gémit-il. Ulrich, Yumi, XANA vous a piégé et je ne peux pas faire revenir les portes !
Les deux lyokonautes se regardèrent d'un air grave, les nerfs tendus à craquer. Yumi poussa un soupir et demanda à son compagnon de route :
- Bon, qu'est-ce qu'on fait ?
- On réveille la cavalière. Si ça se trouve, elle pourra nous sortir de ce pétrin. C'est par où l'épreuve de l'eau, Einstein ?
Ce fut Aélita qui lui répondit, d'une voix blanche :
- Au fond de la salle, la porte surmontée d'une pierre bleue pâle.
En effet, tout au fond de la salle, ils virent quatre portes aux proportions immenses, l'une à côté de l'autre, chacune surmontée d'une énorme pierre précieuse.
Ils obliquèrent vers celle indiquée par Aélita, à l'extrème droite de l'alignement. Yumi n'était pas très rassurée. Ulrich, remarquant son malaise, lui prit tendrement la main. La jeune fille fut un peu surprise mais ce contact la rassura ; on a souvent besoin du contact d'une main amicale dans un moment pareil.
Ils arrivèrent devant l'immense porte qui, comme celles de bronze, s'ouvrit dans un horrible grincement, dévoilant un long corridor faiblement éclairé. Ils le suivirent et arrivèrent dans une grande pièce rectangulaire avec, face à eux, un petit bassin plein d'eau. Sur le mur au-dessus de la fontaine, deux représentations d'Horus se faisaient face et entre elles étaient gravés quatre signes étranges, semblables à des vagues.
Deux outres, une grande et une petite, étaient posées près du bassin.
Un bruit sourd et inquiétant, à gauche, leur fit tourner la tête dans cette direction. Derrière une grille s'agitait une bête monstrueuse, qui grognait et bavait et dardait sur eux des yeux assassins. Elle était plus grande qu'un lion et tout aussi massive, avec un arrière train fuyant, un long museau garni de crocs semblables à des poignards, des griffes cruelles, une fourrure couleur rouille et une crête de poils noirs le long de son échine.
- La Grande Dévorante... gémit Yumi.
- On a rien à craindre, elle est enfermée ! la rassura Ulrich. Jérémie, qu'est-ce qu'on doit faire ?
- Voyons, heu... vous devez équilibrer la balance derrière vous en versant une quantité d'eau précise dans le vase posé sur le plateau de gauche.
- Et pour ça, regardez les murs latéraux : les signes de l'eau, entre les deux représentations d'Horus, vous indiquent le nombre de litres à verser ! ajouta Aélita. Utilisez les gourdes, elles sont sans doute là pour cet usage ! La grande fait cinq litres et la petite, trois !
- Il y a quatre signes ! compta Yumi. Soit, quatre litres, c'est bien ça ?
- Ouais !
- Oh non, pas des maths... gémit Ulrich.
- Je crois avoir la solution. Viens !
Le samouraï et la geisha se détournèrent de la Grande Dévorante et s'avancèrent vers l'immense balance, dréssée dans une alcôve à l'autre bout de la pièce. Une grande plume à la pointe tombante se tenait en équilibre sur le plateau de droite qui reposait sur le sol.
"La copie conforme de la balance du tribunal d'Osiris." pensa la jeune fille.
Elle se dirigea vers le bassin et s'empara de la petite gourde. Elle la remplit et transvasa deux fois son contenu dans la grande, qu'elle vida dans le bassin. Ensuite, elle y versa celui de la petite, qu'elle remplit à nouveau, pour la vider une dernière fois dans la grande.
- Et voilà ! annonça-t-elle, triomphante. Les quatre litres y sont !!
Ulrich applaudit.
- Chapeau bas, mademoiselle !
Yumi lui adressa un sourire coquin et versa le contenu de la grande outre dans le vase du plateau de gauche. La balance commenca à basculer et s'équilibra. Aussitôt, une trappe s'ouvrit dans le sol, au milieu de la pièce. Ils descendirent, se servant des irrégularités du mur comme points d'appuis, puis pénétrèrent dans une pièce similaire à la première. La Grande Dévorante était toujours là.
Cette fois, le relief indiquait un seul signe.
Yumi remplit et vida deux fois la petite gourde dans la grande, obtenant le litre demandé, et s'empressa de le verser dans la balance. Ils descendirent par la trappe au sol. Cette fois, il arrivèrent dans une salle carrée, illuminée par des rayons bleus sortant de quatre ouvertures situées en hauteur et convergeant vers une petite sphère en lévitation. Prudent, Ulrich s'en approcha et la prit délicatement.
Aussitôt, les faisceaux lumineux s'évanouirent et pour la deuxième fois, le sol se déroba sous leurs pieds. Après une brève glissade, ils atterrirent dans la gigantesque salle dorée.
- Yumi regarde, la porte a disparu !! s'exclama Ulrich.
En effet, l'entrée de l'épreuve de l'eau c'était complètement volatilisée.
"Étrange endroit" pensa-t-il. "Plus étrange que Lyoko"
La voix de Jérémie le tira de ses pensées :
- La source de l'eau doit être placée dans la statue au socle gravé à la base de lignes ondulées, à l'horizontale.
- C'est celle-là ! fit Yumi en désignant le chacal sur leur gauche.
Ulrich inséra la pierre dans le collier doré de l'animal ; elle se mit à luire d'une lueur bleu ciel.
- En voilà déjà une de faite, soupira-t-il. Maintenant, l'épreuve de l'air. C'est quelle porte ?
Dans le laboratoire, Jérémie était visiblement un peu dépassé ; faire trois choses en même temps (surveiller XANA, sortir les infos pour réveiller la guerrière et guider les deux Lyokoguerriers) n'est pas facile. Aélita vint à son secours :
- Je me charge de les guider, tu m'as l'air débordé.
Le petit génie de l'informatique acquieça, soulagé d'avoir une tâche en moins.
- Celle surmontée d'une pierre jaune ! répondit-elle.
Ils franchirent l'entrée de l'air et se retrouvèrent dans une salle circulaire aux murs blanc dépourvus d'ornements, balayée par des vents violents soufflés par quatre shères de différentes couleurs (bleu, rouge, blanc et vert) posées sur de fins piédestaux. La voix d'Aélita parvint difficilement à leurs oreilles :
- Là, il faut replacer les quatre vents aux pointes de la rose des vent.
- Où vois-tu une rose des vents, toi ? demanda Yumi.
- Ben... à vos pieds !
En effet, sur le sol, une énorme mosaïque représentant une rose des vents occupait presque les trois-quart du sol.
- La sphère bleue se place au Nord, c'est-à-dire la branche devant la porte de l'épreuve. Le vent du Sud est représenté par la shère rouge, celui d'Ouest, par la verte, et celui d'Est, par la blanche.
- Yumi, tu prends les vents du Nord et de l'Est. Moi, je m'occupe de l'Ouest et du Sud, lança Ulrich.
- D'accord !
Tous deux réussirent, tant bien que mal, à replacer les boules souffleuses de vent à leurs places respectives. Les bourasques céssèrent aussitôt, faisant place à une brise légère et agréable. Au centre de la rose des vents, un bâton surmonté d'une topaze perça le sol. Yumi s'avança et prit la pierre précieuse.
Soudain, la porte se referma et une trappe s'ouvrit dans le plafond. Un monstre en surgit et atterrit devant eux, faisant jouer sous sa fourrure rouge une impressionnante musculature. Il était immense et avait un corps de lion, un faciès mi-humain, mi-bestial, une queue de scorpion et des ailes de dragon.
- C'est quoi cette horreur ? fit Yumi, épouvantée.
- J'en sais rien, mais ça n'a pas l'air très gentil !! s'exclama Ulrich.
- XANA vous a envoyé une Manticore ! annonça Jérémie. Surtout, faites gaffe à se queue !!! Une piqûre et c'est la mort assurée !!!
- Merci pour le tuyau, Jérem' !! railla Yumi.
La Manticore décolla, s'éleva jusqu'au plafond et plongea sur eux, toutes griffes dehors. Ils esquivèrent en sautant sur le côté, évitant de peu un coup mortel. Yumi prit ses évantails et les lança sur le monstre pendant qu'il reprenait de l'altitude et lui tournait le dos. Mais il esquiva sa riposte en effectuant un looping et fondit sur elle. La jeune fille récupéra ses armes et s'apprêta à les relancer quand elle le vit beugler de douleur et filer vers le plafond, bléssé à une patte arrière. Yumi tourna la tête et vit Ulrich, les yeux rivés sur l'animal et tenant fermement son sabre, coloré de sang. Exaspérée, la Manticore attaqua ; au dernier moment, elle se cabra et tenta de frapper le samouraï de son dard empoisonné. Ulrich esquiva sans peine, mais reçut de plein fouet un puissant coup de patte qui le projeta violemment contre le mur. Il s'éffondra sur le sol, sans connaissance. La bête fit un pas vers lui, puis sentit quelque chose lui lacérer les flancs. Elle fit volte-face et se retrouva nez à nez avec une geisha folle de rage qui engageait un tir nourrit d'évantails. Assaillie de toute part, la Manticore s'enfuit. Yumi récupéra ses armes et se précipita au côté d'Ulrich, toujours inanimé et étendu sur le dos.
La jeune fille passa une main sur son front, et ce contact eut tôt fait de le ranimer.
- Tu vas bien ? s'enquit-elle, inquiète.
- Bof... fit-il en se tenant douloureusement les côtes. Il est où, le monstre ?
- Parti, comme un lâche !
Yumi l'aida à se relever et dû le soutenir pour sortir de la pièce, la porte s'étant rouverte suite à la fuite de la Manticore. Elle se referma derrière eux, puis disprarut.
- On met la source dans quelle statue, Aélita ? demanda Yumi.
- Dans celle au socle gravé de lignes horizontales, au plus près des pattes du chacal.
- C'est-à-dire, celle à l'autre bout de la pièce ! constata la jeune fille.
- Vas-y Yumi, je t'attend là... lui dit Ulrich d'une voix faible.
Elle le lâcha doucement, fila vers le réceptacle de l'air et se hâta d'y insérer la source qui se mit à briller d'une lueur jaune. Pendant ce temps, Ulrich s'appuya sur une des sculptures de chacal, haletant ; il avait l'impression que sa poitrine était en feu. Dès que Yumi revint vers lui, il se redressa, péniblement.
- Maintenant... passons.... à l'épreuve de la Terre, réussit-il à dire.
- C'est la porte surmontée d'une pierre verte, annonça Aélita.
- Tu ferais mieux de rester là et de m'attendre, suggéra Yumi.
- Pas question ! cracha-t-il. Je ne te laisserais pas... y aller toute seule !
- Mais tu as vu dans quel état tu es ? Tu n'arrives même pas à tenir sur tes jambes !
- S'il t'arrivais malheur.... et que je ne sois pas là pour t'aider.... je m'en voudrais toute ma vie. Je viens avec toi, que tu le veuilles ou non !
Surprise par le ton sans appel du samouraï, la jeune fille capitula, à contre-cœur. Cependant, elle fut très émue de sa réaction ; elle savait qu'il tenait beaucoup à elle, mais elle ne pensait pas à ce point ! Elle le soutint jusqu'à la porte désignée par Aélita qui s'ouvrit devant eux, dévoilant un couloir dépourvu de la moindre lumière. Ils avancèrent et au bout d'une dizaine de pas, ils se cognèrent à un mur.
- Heu... Yumi... commença Aélita.
- Laisse-moi deviner ! Le sol va s'effondrer ?
- Ouais !
- Et après une belle glissade, atterissage dans la salle de l'épreuve de la Terre ?
- Tout juste !
- Et de charmantes bestioles nous souhaiterons la bienvenue ?
- Y'a des chances !
- Bon, ben.... quand faut y aller, faut y aller ! T'es prêt Ulrich ?
- Au point où j'en suis..., une bosse de plus où de moins...
Comme prévu, le sol se déroba sous leurs pieds. Après une bonne glissade, ils atterrirent dans une vaste salle rectangulaire faiblement éclairée. Yumi se releva rapidement et épousseta ses vêtements. Ulrich fit de même, les dents sérrées pour ne pas hurler de douleur, tant sa poitrine le faisait souffrir. Au fond, ils apperçurent trois grand boutons-poussoirs gardés par deux énormes taureaux noirs à tête d'or, couchés sur le sol, la tête dréssée.
- Apis... Décidément, les dieux de l'ancienne Égypte se sont donnés rendez-vous ! maugréa Yumi. Qu'est-ce qu'on doit faire, Aélita ?
- Tout d'abord, vous débarrasser des taureaux.
- Pardon ?!
- Ben oui ! Ils vous suffit de les attirer afin des les enfermer dans la cellule située sur votre gauche. Pour fermer la grille de la cage, il faut actionner le levier qui se trouve sur la colonne, près de vous. C'est aussi simple que ça !
- ... c'est aussi simple que ça qu'elle dit... comme ça... bêtement... fit la geisha, d'une voix anéantie.
- Yumi, tu t'occupes du levier, je me charge d'eux.
- T'es dingue, tu vas te faire encorner !!
- T'inquiètes pas pour moi !
Ulrich marcha d'un pas résolu vers les taureaux. Yumi se plaça à côté du levier qui commande la grille, rongée d'inquiétude pour son ami. Ce dernier n'était plus qu'à quelques mètres des bovins. Soudain, ils se levèrent et chargèrent ; ni une ni deux, Ulrich fit volte-face et courut aussi vite qu'il le put vers la cage, les taureaux sur les talons. Il y entra puis se plaqua contre le mur, près de la grille. Les taureaux passèrent à côté de lui, sans le voir.
- Vas-y Yumi !! hurla-t-il.
La jeune fille abaissa le levier. La grille s'abatit à grande vitesse ; pour éviter de se retrouver enfermé avec les bovins, le samouraï n'eut d'autre choix que de plonger à travers la porte. Mais il se réceptionna mal et heurta durement le sol. Sonné, il resta à terre. Yumi se précipita vers lui, furieuse et angoissée à la fois.
- Tu te rends compte des risques que tu as pris !!! lança-t-elle d'une voix dure. Tu aurais pu te faire tuer ou... être coincé dans la cage !!!
- Yumi..., dit-il, faiblement, je savais... très bien ce... ce que je faisais. Je... je ne voulais pas... que ce soit toi... qui prenne des risques. Je ne... veux pas... te... perdre.
Sur ce, il ferma les yeux, cherchant à reprendre des forces.
Surprise par cet aveu, la jeune fille eut un léger mouvement de recul. Tout se bousculait dans sa tête et elle ne savait pas quoi dire. Finalement, un sourire tendre se dessina sur son visage ; elle se rapprocha et lui prit les épaules avec douceur. Elle le sentit se raidir sous ses mains ; elle se pencha et lui murmura à l'oreille :
- Je ne veux pas te perdre, Ulrich. (son ton devint suppliant) Alors je t'en prie, ne vas pas jusqu'à l'épuisement total.
- Yumi... commença-t-il.
Il chercha à se redresser mais une douleur aigüe à la poitrine le fit hurler. Il se recroquevilla sur lui-même, tremblant comme une feuille, le souffle rauque et saccadé.
- Yumi, dépêche-toi... de... résoudre... ce... cette... épreuve ! Je t'attends ici, parvint-il à dire.
La voix d'Aélita retentit dans toute la salle :
- Yumi, tu dois retrouver les pierres sacrées de Râ et de Khépri. Pour ça, il faut effectuer une combinaison précise sur ces boutons-poussoirs. Tape le code "Oiseau - Lame - Plumes" et va à droite, puis encore à droite. Pour franchir les gouffres, saute sur les plates-formes.
Sans se le faire dire deux fois, la geisha poussa les boutons et suivit les indications d'Aélita. Elle arriva sur un terre-plein avec trois petites entrées.
- Prend celle de droite.
Yumi se glissa dans l'ouverture et se mit à ramper sur ses coudes. C'était un passage très étroit. Elle dû progresser à plat ventre pendant un temps qui lui parut considérable, bien que sa reptation n'ait peut-être duré que quelques minutes en réalité.
Elle arriva enfin au bout du tunel et vit sur le sol une pierre dorée en forme de soleil.
- La pierre de Râ...
Elle la prit et fit le chemin en sens inverse. Elle sortit du tunnel, à bout de souffle, et fila vers la salle centrale. Elle soupira de soulagement quand elle vit qu'Ulrich avait réussit à se redresser, et à s'adosser au mur. Mais la douleur était toujours présente car il se tenait les côtes. Yumi s'approcha et s'agenouilla à côté de lui.
- Ulrich... murmura-t-elle, je te confie la pierre de Râ pendant que je vais chercher l'autre.
- D'accord... souffla-t-il. Sois prudente...
Yumi lui sourit, se leva et se dirigea vers les boutons.
- Code "Lame - Plumes - Oiseau", ensuite, va à gauche.
Ce qu'elle fit. Elle suivit un long couloir puis arriva dans une vaste salle innondée. Au fond du bassin, elle aperçut cinq boutons-poussoirs, aussi grand que ceux de la salle précédente, mais aux motifs différents.
- Qu'est-ce que je dois faire, Aélita ?
- Ben... plonger et actionner les boutons dans cet ordre : Aigle, Vipère à corne, Main, Double roseau et Cobra. Tu as retenu la combinaison ?
- Heu... tu pourrais répéter une dernière fois, s'il te plaît ?
Aélita la lui redit. Aussitôt, Yumi plongea et l'éxécuta sans aucune hésitation. Quatre pierres brillantes sortirent des murs, au fond du bassin. Yumi refit surface :
- Et maintenant ?
- Tire les pierres de leur réceptacle les unes derrière les autres. Si tu tardes trop, elles reviendront à leur position initiale.
- Quelle joie ! ironisa la japonaise.
Elle replongea et tira chacune des quatre pierres aussi vite qu'elle le put. Dès qu'elle eut terminé, elle se dépêcha de remonter, au bord de l'asphixie. Elle creva la surface de l'eau, aspirant de l'air à pleins poumons, nagea vers le rebord le plus proche et s'y accrocha, haletante :
- Pfiouuu !!! Eh ben... je f'rais pas ça... tous les jours... !!
Elle leva la tête et vit sur le mur de devant un trou, suffisament large pour y passer un bras, surmonté d'un hiéroglyphe représentant un scarabé.
" Ce n'était pas là, avant !" pensa-t-elle. "Et où est la sortie ?" (elle se retourna) "D'accord... je suis de l'autre côté du bassin !"
Yumi sortit de l'eau, passa son bras dans le trou et sentit sous sa main quelque chose de dur et froid. Elle s'en saisit, retira son bras de la petite ouverture et observa ce qu'elle avait attrapé : c'était une pierre noire en forme de scarabé. La pierre de Khépri. La jeune fille tourna les talons, traversa le bassin et courut en direction de la salle principale.
- J'ai la dernière pierre ! lança-t-elle à Ulrich.
Ce dernier tenta de se relever mais dû renoncer : ses jambes refusaient de le porter. Yumi, remarquant cette faiblesse, l'aida à se lever et le soutint jusqu'aux boutons-poussoirs.
- Code "Oiseau - Lame - Plumes".
Yumi tapa la combinaison : le mur se souleva, dévoilant une deuxième salle, plus sombre, avec au fond une grille abaissée, entre deux statues d'oie. Au centre de la pièce, une gemme verte était posée sur le sol, tel un vulgaire caillou. Ulrich, toujours soutenu par Yumi, s'en saisit alors qu'ils marchaient vers les sculptures. En les éxaminant de plus près, ils remarquèrent aux pieds des oies deux encoches qui ressemblaient beaucoup aux silhouettes des pierres sacrées que Yumi avait rapporté : l'une avait la forme d'un soleil, l'autre, une forme ovale. Yumi plaça les pierres, déclenchant le mécanisme d'ouverture de la grille. Ils revinrent dans la salle dorée après plusieurs minutes d'escalade épuisante.
Ils placèrent la source dans la statue désignée par Aélita, soit celle au socle gravé de lignes horizontales à sa base.
- Et de trois !! Maintenant, le Feu ! déclara Yumi.
Entre-temps, dans le laboratoire, les portes du monte-charge s'ouvrirent, dévoilant un jeune garçon blond et assez maigrichon. Sa joue gauche était légèrement rouge.
- Alors Odd, ce rencart ? demanda Jérémie.
- Ben... comme à chaque fin de semaine !
- Qu'est-ce qui se passe ? interrogea la voix de Yumi.
- C'est rien, c'est juste Odd qui dit que son rendez-vous s'est achevé par une discussion piquante ! Comme d'hab' quoi !
- Yumi et Ulrich sont sur Lyoko ? demanda-t-il.
- Pas tout à fait. Ils sont sur un territoire qui n'est pas relié à Lyoko et qui renferme une ancienne Lyokoguerrière.
- T'aurais pu m'prévenir ! s'indigna Odd. Je leur aurais filé un coup de patte !
- Ce territoire n'est pas fait pour toi, Odd, lança la voix de Yumi, avec une pointe d'amusement. Il n'y a pas de monstre à dégommer et on doit résoudre des énigmes.
- Houlà !! Eh ben, à quoi j'ai échappé !
- A une torture de cerveau !
Tout à coup, sur les écrans, un signal d'alarme annonçant une attaque se mit à clignoter.
- Zut ! XANA a lançé une offensive contre le cœur de Lyoko, grogna Aélita. Allez Odd, on y vas !
- Je vais vous virtualiser directement dans le cinquième territoire, ça vous fera gagner du temps, dit Jérémie. Dépêchez-vous de stopper le compte à rebour ! Les défenses du cœur ne tiendront pas longtemps !
- Reçut cinq sur cinq, Bravo-leader ! lança Odd.
Du côté d'Ulrich et Yumi, l'atmosphère était à l'inquiétude. Ils avaient eu vent de l'attaque mais quelque chose d'autre les tracassait : les jambes d'Ulrich se paralysaient progressivement et il avait de plus en plus de mal à respirer.
- Tu m'attends là ?
- Je n'ais pas d'autres choix...
La geisha passa la porte surmontée d'une pierre rouge-orangée et déboucha sur une salle où régnait une chaleur suffocante. Yumi se tenait devant un bassin remplit d'une eau qui rougeoyait comme du métal en fusion.
- De la lave...
De l'autre côté, elle apperçut plus qu'elle ne vit la source du feu, au pied d'une magnifique statue représentant un immense aigle doré à tête blanche.
Seulement, rien ne permettait d'y accéder ; il n'y avait ni pont, ni plate-formes. C'est alors que la jeune fille remarqua une inscription sur le mur de droite et fut surprise de pouvoir la lire, car elle était écrite en hiéroglyphes :
La flamme du Phénix est la plus ardente de toutes
Si un feu aussi brûlant vit en toi, traverse sans crainte le feu souterrain
Si tu es aussi froid que les ténèbres, abstiens-toi et fait demi-tour
Ou tu connaîtra la pire des souffrances.
Yumi était désemparée. Traverser un lac de lave à la nage est une chose insensée !
Cette fois, l'épreuve se soldera par un échec et la Grande Dévorante se chargera du reste. Yumi fut tentée de faire demi-tour mais son subconscient le lui interdit : ne pas abandonner à la moindre difficulté. Et que dirait Ulrich ? En pensant à lui, des larmes glissèrent sur son visage. Savoir qu'elle ne le reverrait sans doute jamais, sans lui avoir révélé ses sentiments lui brisait le cœur. Résolue, elle s'avança vers le bord du bassin. Avant d'entrer dans la lave, elle eut une dernière pensée à celui qui avait toujours compté pour elle : "Adieu Ulrich, mon amour..."
Dès que ces mots traversèrent son esprit, elle sentit une délicieuse chaleur pénétrer son corps, lui procurant un plaisir qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Elle remarqua aussi que l'atmosphère de la salle était nettement plus supportable que précédemment. Mais Yumi y prêta peu d'attention.
- Allez Yumi, se dit-elle, il faut le faire !
Elle plongea dans la matière en fusion.
Elle s'attendait à être brûlée vive mais ce ne fut pas le cas. La lave était douce, relaxante, et l'étreignait avec tendresse. Soulagée, elle nagea vers la statue d'aigle et s'empara de la source du feu. En même temps, elle réfléchissait : Si un feu aussi brûlant vit en toi...
Elle comprit aussitôt : le seul feu aussi ardent que la lave n'était autre que l'amour. Cette flamme en elle, elle pouvait traverser le bassin sans crainte, car le feu ne peut se détruire lui-même.
Yumi venait juste de se hisser hors de la lave quand elle la vit bouillonner, comme portée à ébullition, puis tourbillonner à une vitesse folle. Au centre du vortex, un objet rougeoyant s'éleva doucement dans les airs, et vola vers la jeune fille pour se mettre autour de son cou. C'était un petit pendentif en or pur contenant une pierre d'un rouge intense en forme de goutte, entourée de lignes fines, plus fines que les plus fin traits de plume, qui paraissaient former les lettres d'une gracieuse inscription. Elles brillaient d'un éclat perçant, telles des braises incandescentes, puis s'éffacèrent progressivement.
Méfiante, Yumi voulut enlever ce pendentif ; il lui rappelait trop l'Anneau Unique du "Seigneur des Anneaux". Une voix profonde, semblant venir des tréfonds de la Terre, se mit à lui parler :
- N'ôte pas cette amulette, belle enfant, car elle te sera d'un précieux secours pour les épreuves à venir.
Yumi était encore un peu réticente, mais finit par garder le talisman et le cacha sous ses vêtements.
Elle sortit de la salle et rejoignit Ulrich, adossé à la dernière statue désactivée. Dès qu'il l'entendit, il tourna la tête dans sa direction.
- Yumi... souffla-t-il.
La geisha s'agenouilla à ses côtés et posa un doigt sur ses lèvres.
- Chut ! Économise tes forces, tu en aura besoin pour sortir d'ici, répliqua-t-elle d'une voix douce.
Elle déposa un baiser sur sa joue et se hissa sur le socle de la statue pour y insérer la dernière source élémentaire. Les yeux des chacals se mirent à luire, de plus en plus fort, et formèrent des rayons lumineux qui vinrent frapper la statue de la cavalière, l'auréolant de lumière.
Soudain, tout le bâtiment trembla. D'énormes blocs tombèrent du plafond, les murs se fissurèrent, le sol se lézarda : tout était en train de s'effondrer.
- Sortez de là !! hurla Jérémie.
- On ne demande pas mieux !! Seulement, t'as oublié que les portes ont joué les filles de l'air !!
- Mais ça peut s'arranger, dit une voix.
Yumi se retourna et vit une jeune femme brune, qui devait avoir 19 ans à peu près, montée sur un puissant griffon à la robe ébène, décocher une flèche sur le mur. Le trait explosa au contact de la pierre, ouvrant une brèche suffisamment grande pour qu'ils puissent passer. A ce moment, un hurlement de défi retentit dans leur dos.
La Manticore était revenue, guérie de ses blessures.
- Sauvez-vous, dit la cavalière d'un ton sans réplique. Je m'occupe d'elle.
- Allons-y !!
Yumi aida Ulrich à se lever et l'entraîna vers l'ouverture. Ils étaient arrivés sur le quai du château quand ils virent un centaure monstrueux leur barrer la route.
Il était totalement dépourvu d'épiderme, laissant apparaître muscles, os, tendons.
Il tira aussitôt des flèches enflammées. D'instinct, ils plongèrent. Mais Ulrich, très mal en point, ne réagit pas assez vite et un trait frôla son avant-bras gauche sur toute sa longueur. Il eut l'impression que l'on cherchait à souder à son bras des plaques de métal chauffées à blanc. Il s'écroula sur le sol en hurlant de douleur.
Yumi prit ses évantails et les lança avec force sur le centaure. Mais ce dernier, d'un habile coup de sabot, les plaqua au sol et se remit à tirer. La jeune fille effectua alors une série de figures accrobatiques pour éviter les flèches mais à chaque fois, c'était de justesse.
A force d'esquiver les projectiles, Yumi s'était dangeureusement rapprochée du centaure. Elle ne s'en rendit compte que trop tard ; le monstre fit volte-face et lui décocha une puissante ruade. Quelqu'un la bouscula avant que les sabots n'atteignent leur but.
Projetée face contre terre, Yumi ne vit rien de la scène mais entendit tout : un hurlement déchirant, suivit du bruit d'un corps heurtant violemment un mur, puis celui d'une chute, et plus rien. Elle se retourna et vit avec horreur que le centaure était juste au-dessus d'elle, dréssé sur ses pattes arrières, s'apprêtant à la piétiner.
Le sifflement d'une lance retentit, suivit d'un éclair d'argent. Soulevé de terre par la violence de l'impact, le centaure fut fauché en plein élan et projeté dans le lac, bien qu'il se trouvait à plusieurs mètres du bord du quai.
Choquée, Yumi tremblait de tous son corps et fixait avec des yeux éffarés l'endroit où le centaure avait disparu. Elle aurait aimé qu'Ulrich soit là, à ses côtés, pour la réconforter. Une secousse brutale la ramena à la réalité. Elle se tourna vers le château et vit Ulrich gisant sur le sol, inerte.
- Non... murmura-t-elle.
Elle se précipita vers lui et le prit délicatement dans ses bras. Il était gravement brûlé à son avant-bras gauche et saignait beaucoup du nez et de la bouche. Son pouls était faible et irrégulier, sa respiration à peine perceptible. La marque de deux sabots sur son torse était bien visible.
Yumi sentit une boule se coincer dans sa gorge.
- Ulrich, dit-elle, suppliante, ne me laisse pas ! J'ai besoin de toi !
Un faible battement d'ailes sur sa droite lui fit tourner la tête : la cavalière !
Cette dernière descendit de son griffon, s'agenouilla près du corps inanimé dans les bras de la geisha et l'examina attentivement. Ensuite, elle se dirigea vers sa bête pour fouiller dans les fontes de la selle et en sortir une fiole contenant un liquide aussi transparent que l'eau. Elle ôta le bouchon et versa quelques gouttes dans la bouche et sur le bras du samouraï.
Angoissée, Yumi n'osait pas prononcer un seul mot. Ce fut la cavalière qui brisa le silence :
- Il guérira. Maintenant, il faut partir d'ici avant que l'on soit ensevelit.
Comme pour souligner ses paroles, plusieurs blocs se détachèrent du plafond et tombèrent dans le lac. Là-dessus, elle prit doucement Ulrich dans ses bras, le posa sur la selle de sa monture et s'installa derrière. Elle fit avancer son griffon, faisant signe à Yumi de monter en croupe. Maladroitement, la japonaise se hisa derrière la cavalière et s'accrocha à sa taille. Le griffon décolla.
- Sauf votre respect, je peux vous poser une question ? demanda Yumi.
- Bien sûr.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis Aramis, la Sentinelle de Lyoko.
Yumi faillit s'étrangler de stupeur :
- La... Sentinelle... de Lyoko !?!
- Tu as sans doute des tonnes de questions à me poser, mais ce sera pour plus tard. Il ne faut pas que XANA détruise le cœur de Lyoko !
Elle fit atterrir son griffon sur le quai opposé au château.
- Jérémie, lança Yumi, ramènes-nous sur Lyoko, vite !
Jérémie tapa le code "Horus". Le grand oiseau de lumière dorée les hapa et les emmena hors du chaos, les déposa sur le territoire de la montagne et se volatilisa. Ulrich ouvrit aussitôt les yeux ; toute douleur et paralysie avaient disparu :
- Où suis-je ?
- Sur Lyoko et dans les bras de sa Sentinelle ! répondit Yumi d'une voix sèche en descendant du griffon.
- Heu...
Comme mû par un ressort, il sauta précipitamment à terre et se retrouva face à son amie qui le toisait, les mains sur les hanches.
- Vous vous disputerez plus tard ! objecta Aramis. Dépêchons, je sens que le cœur ne tiendra pas longtemps !
- Ulrich, j'envoie l'overbike ! Prend Yumi avec toi ! annonça Jérémie.
Le samouraï sauta sur son véhicule dès qu'il se matérialisa, Yumi s'installa derrière lui. La Sentinelle à leurs côtés, ils filèrent à l'extrémité du territoire. Soudain, la route se couvrit de monstres, à perte de vue : des kankrelats, des krabes, des tarentules, et plusieurs escadrilles de mantas.
Ulrich freina brutalement, le griffon noir se cabra.
- Nous étions attendus de pied ferme ! constata Ulrich.
- XANA sait que je suis réveillée, siffla Aramis. Occupez-vous des kankrelats, je me charge des krabes ! (elle descendit de son griffon) Skandranon, tu prends les mantas ! (l'animal poussa son cri de guerre et décolla) Je réserve la surprise du chef aux tarentules.
Elle tira d'une bourse pendue à sa ceinture une statuette noire représentant un félin à l'affût, qu'elle posa avec révérence sur le sol :
- Viens à moi, Gwenhwyvar...
Une brume se forma autour de la figurine et s'épaissit, jusqu'à prendre la forme d'une grande et puissante panthère, qui s'anima devant deux lyokoguerriers médusés, et leva vers sa maîtresse de grandes prunelles brillantes d'intelligence.
Une intelligence bien supérieure à celle des félins.
Aramis désigna les tarentules ; la panthère s'élança, les moustaches frémissantes.
Tous trois s'élançèrent à sa suite vers les monstres.
Dans le laboratoire, Jérémie était affolé : dans le cinquième territoire, près du cœur de Lyoko, Aélita et Odd, assaillis par une multitude de rampants, ne s'en sortaient pas. La première barrière de protection avait cédée.
- Dépêchez-vous, bon sang !!!
- On aimerait bien, Einstein, mais nos nouveaux copains sont un peu envahissants ! répliqua Odd.
Un rampant se glissa derrière lui et tira, le dévirtualisant sur le champs. Il réapparut dans un des scanners, outré :
- Quel est le traître qui m'a prit par traîtrise ?
- Yumi, Ulrich, vous fabriquez quoi ? hurla Jérémie.
- Un safari de chasse aux monstres !! rétorqua la voix de Yumi.
Sur le territoire de la montagne, le combat faisait rage. Les monstres tombaient à chaque coup d'épée, de sabre, d'évantail, de griffe et de bec, mais ils ne semblaient jamais être moins nombreux. En fait, ils étaient plus nombreux à chaque seconde.
- On n'y arrivera pas ! gémit Ulrich.
Sur le cinquième territoire, Aélita n'était pas en bonne posture : six rampants lui tiraient dessus en même temps et il ne lui restait presque plus de points de vie. Elle se défendait du mieux qu'elle pouvait mais finit par encaisser un laser, la dévirtualisant. Cependant, elle eut juste le temps de voir céder la dernière barrière de protection du cœur de Lyoko.
- Jérémie, ramène Ulrich et Yumi !!! cria-t-elle avant de disparaître.
Trop tard. Le cœur fut détruit.
La Sentinelle le sentit.
- Gwen, Skan !! hurla-t-elle.
La panthère réintégra aussitôt la statuette, le griffon atterrit précipitamment à ses côtés. Elle attrapa Yumi et Ulrich, se cola contre sa monture et plongea une main dans sa bourse. Ils disparurent instantanément du territoire de la montagne.
Dans le laboratoire, Jérémie était totalement dépassé par les évènements et fixait, héberlué, les écrans de l'ordinateur.
Odd et Aélita étaient dans le même état.
- Qu'est-ce qui s'est passé !?! demanda Odd.
- Je... je... j'en... sais rien du tout ! balbutia Jérémie. Ils se sont... volatilisés...
- Ils sont..., risqua Aélita, tombés... dans la Mer numérique ?
- Pas du tout... Ils sont... ailleurs... dans un autre monde...
- Heu... tu nous expliques ? demanda Odd.
- En bref, ils se sont téléportés hors de Lyoko juste avant sa destruction.
- Et ils sont où ? interrogea Odd, de but en blanc.
- Aucune idée, mais j'ai intérrêt à les retrouver rapidement. XANA n'est plus rattaché à Lyoko, par conséquent, il pourrait attaquer à tout moment. Comme il vient juste de se libérer, j'ai un peu de répit...
Et il se mit au travail.
Pendant ce temps, les deux lyokoguerriers, accompagnés de la Sentinelle et de son griffon, surgirent dans un lieu étrange. Ils se trouvaient au bord d'une petite mare, d'à peine trois mètres de longueur, au milieu d'une vallée cernée par des montagnes aux sommets recouverts de neige. Il n'y avait pas de soleil et pourtant, une lumière douce, chaude, l'illuminait. La mare dont ils venaient d'émerger n'était pas la seule : il y en avait un nombre infini, une tous les cinq ou six mètres, à perte de vue.
- Où sommes-nous ? demanda Ulrich.
- Dans la Vallée-d'entre-les-Mondes, répondit la Sentinelle. (elle démonta) Venez, je vous ramène chez vous.
Elle prit son griffon par la bride et leur fit signe de la suivre. Ils marchèrent pendant un bon moment. Yumi remarqua toutefois qu' Ulrich avançait avec lassitude et lenteur, que chaque pas lui coûtait de plus en plus d'effort. Quand Aramis désigna la mare qui les ramènerait sur Terre, il fut pris d'une soudaine quinte de toux qui lui déchira la poitrine. Elle fut si violente qu'il tomba à genoux, le corps secoué de spasmes, respirant péniblement. Il leva vers Yumi un regard implorant, puis il s'effondra, la face contre terre et demeura absolument immobile.
Térrifiée, Yumi le prit dans ses bras et tenta, sans succès, de le réveiller. Aramis accourut, sa fiole à la main, et versa une goutte de l'étrange liquide dans la bouche du jeune homme. Puis, elle l'éxamina longtemps et avec grande attention, et découvrit une éraflure suintante sur son flanc gauche.
- Je dois emmener ton ami à Valombre immédiatement, sinon il mourra ! lança-t-elle, catégorique.
Yumi sentit son sang se glacer.
- Quoi ?
La Sentinelle avait déjà installé le corps du samouraï sur sa selle.
- La manticore a réussit à le blesser avec son dard et le poison est trop avancé dans son organisme, dit-elle, sautant sur son griffon. A ce stade, les guérrisseurs de ton monde ne réussirons pas à le soigner !!
- Je viens avec vous !
- Non ! Tu...
- Je viens, que vous le vouliez, où non ! coupa Yumi en haussant la voix. (elle désigna Ulrich) Où il ira, j'irais !
Sur ce, elle sauta lestement en croupe. Aramis poussa un long soupir :
- Tu es têtue, comme fille !
Elle fit avancer sa monture vers une autre mare, un peu plus loin. Dès que les pattes de l'animal furent dans l'eau, elle mit une main dans sa bourse et tous se retrouvèrent précipités vers le bas, à travers l'obscurité puis à travers une masse de formes floues et tourbillonnantes difficiles à identifier. L'atmosphère se fit plus légère, jusqu'à ce qu'ils sentent le griffon se poser sur un sol ferme et stable. Tout devint plus net autour d'eux. Yumi ouvrit les yeux et un immense panorama jaillit devant elle, si vaste que ses yeux ne parvenaient pas à l'embrasser tout entier.
Ils se tenaient au bord d'une falaise qui surplombait un paysage grandiose, vaste tapis aux nuances variées et couvert de prairies, de collines, de roches, et parcouru par un fleuve qui serpentait au loin, tel un ruban de mercure.
- Où... ? commença Yumi.
- Bienvenue au royaume de Valombre !
A suivre ......