C’était un jour de beau temps, dans la banlieue parisienne. La classe de 3ème D avait un cours de sport et se rendait au stade. Jim tenait à entraîner ses élèves pour le cross du collège qui devait avoir lieu au mois de novembre. Il avait établi un parcours qui débordait du stade par une grande boucle dans le parc. Jérémie estimait qu’il avait mieux à faire, mais il n’avait pas pu y couper. Il devait donc courir les 3,5 km du parcours, ce qui ne l’enchantait guère. En chemin, Aelita lui expliqua qu’une bonne condition physique était utile à un combattant virtuel de son envergure. Elle ajouta qu’elle aurait plaisir à faire le parcours en sa compagnie. Aussitôt, la mine maussade de Jérémie disparut et fit place à un visage déterminé et enjoué.
- Il t’en faut peu pour être de bonne humeur, Roméo, lui lança Ulrich.
- Qu’est-ce que tu insinues ? Le sport est une matière comme une autre, mon cher ; j’ai simplement à cœur de combler mes lacunes.
- Mais oui, mais oui, c’est ça, ricana Ulrich.
- En tout ça, intervint Odd, ça fait plaisir de voir les progrès d’Aelita en psychologie humaine. Il faut dire qu’elle a été à la bonne école !
Aelita lu lança un clin d’œil. Sourd aux railleries de ses camarades, Jérémie chantonna, sur l’air du « Chant des partisans » :
« Ohé, Lyokonautes, à la flèche ou à l’épée, courez vite ! Toi, opérateur, les attaques de XANA, tu évites ! »
- Eh, mais tu chantes pas mal, Jérémie ! s’exclama Odd. Décidément, tu as beaucoup de talents cachés. Tu voudrais pas te commettre dans notre groupe, par hasard ?
- Et Noémie ? s’étonna Ulrich. Elle nous quitte déjà ?
- Euh, j’ai bien peur que oui, balbutia Odd. Une... divergence de point de vue entre elle et moi... l’a poussé à quitter le groupe... C’est-à-dire...
- Te fatigue pas, on a compris, Don Juan ! ricana Ulrich.
- Je ne sais pas si j’ai le temps, pour la musique... XANA me donne du fil à retordre.
- On verra ça plus tard, conclut Odd.
- Alors comme ça, tu parodies le chant des partisans ? reprit Ulrich. Racontes-moi ça.
- Oui, ça date de l’époque à laquelle je causais avec Aelita par écran interposé. On évoquait notre stratégie face à XANA, stratégie qui s’apparente à la guérilla. On a dérivé sur les partisans, puis sur le Chant des partisans...
- Et ça donne ?
Jérémie rougit légèrement à cause d’un trac soudain et entonna :
« XANA, entends-tu les guerriers virtuels qui viennent ?
XANA, entends-tu ? Les enfants, Aelita, se déchaînent !
Ohé, les affreux, mégatanks et kankrelats, c’est l’impact !
Bientôt, le virus connaîtra l’effacement de ses actes ».
Il n’eut pas le loisir d’entamer le deuxième couplet ; ils étaient arrivés et Jim commença :
- Silence, dans les rangs ! La récréation est terminée ! Aujourd’hui, entraînement au cross sur parcours réel ! Avant de vous lancer, il vous faut vous échauffer ; sinon, gare aux courbatures ! Regardez-moi !
Jim soumit ses élèves une batterie d’étirements, pendant une dizaine de minutes. Jérémie s’appliquait particulièrement, sachant qu’il manquait d’entraînement. Ensuite, Jim fit s’agglutiner les élèves sur la piste et cria :
- Bon, vous allez faire le parcours habituel, un tour de piste, une promenade en forêt puis retour sur la piste. Il est toujours balisé, comme la dernière fois. C’est parti !
Les élèves s’élancèrent, certain avec entrain, d’autres pesamment. La masse s’allongea rapidement pour se diviser en plusieurs paquets de coureurs. Ulrich et Odd étaient plutôt dans le groupe de tête. Jérémie et Aelita ne se pressaient pas, mais trottinaient d’un bon pas. Jérémie aurait aimé parler, mais il gardait son souffle pour suivre Aelita, qui était la locomotive du duo. Ils étaient à présent au niveau de la chaufferie, et partaient en direction du parc. Ulrich et Odd y étaient déjà, en compagnie de Romain et de Bastien Roux. La végétation était verte et vigoureuse, et ne portait plus les stigmates de la canicule, qui avait frappé le pays durant le mois d’août.
En arrivant dans le parc, Jérémie se rendit compte qu’il courait d’un bon pas et s’étonna de lui-même. Une sorte d’euphorie passagère le poussa à forcer l’allure. Aelita le mit en garde :
- Reste à ta vitesse de croisière, Jérémie. Et respire bien, c’est le plus important, sinon tu vas avoir un point de côté. Lors de mes premiers cours de sport, j’ai été piégée par le manque d’oxygène. J’avais perdu l’habitude de respirer à pleins poumons sur Lyoko...
Jérémie ralentit légèrement et se rangea à ses côtés. Il sentait la chaleur lui monter à la tête : la machine était lancée.
Ulrich et Odd aussi étaient lancés, mais à plus grande vitesse. Odd et Romain avaient un peu de mal à suivre Ulrich et Bastien Roux, mais leur fierté leur interdisait de baisser les bras.
Dix minutes plus tard, Jérémie sentit, à la hauteur de son rein gauche, un point de côté naissant. Non ! se dit-il, c’est trop tôt. Il savait qu’il ne s’en débarrasserait pas avant la fin de la course, et qu’il lui fallait l’empêcher de croître. Il respira plus goulûment et maintint son rythme sans tenir compte de la douleur, douleur qui était encore faible. Il lui restait encore une dizaine de minutes à tirer.
Ulrich et Bastien, suivis d’Odd et de Romain, étaient en vue de la ligne d’arrivée. Tandis qu’ils longeaient la largeur nord du bâtiment des sciences, Ulrich vit les lycéens de la classe de seconde de Yumi en sortir. Yumi marchait au côté de William et riait de bon cœur aux paroles de son camarade. William posa la main sur l’épaule de Yumi en continuant à badiner. L’estomac d’Ulrich se noua et il eut la sensation que son cœur était pris dans un étau. Yumi avait l’air tellement absorbée par sa conversation qu’elle ne l’avait même pas vu, lui. Qu’est-ce que Yumi pouvait bien trouver à ce type ? Ce bellâtre prétentieux, ce frimeur sans originalité... Comment un type aussi fade pouvait-il lui plaire ? Il avait envie de le gifler, pour effacer ce petit air satisfait, si exaspérant, de son visage.
C’est alors qu’il se rendit compte qu’Odd et Romain l’avaient doublé. Odd se retourna et lui lança :
- Tu flanches, beau brun ?
L’adrénaline avait donné des forces à Ulrich qui entama un sprint pour rattraper ses trois camarades. Bastien avait pris quelques mètres d’avances grâce à ses grandes et puisantes enjambées. Ulrich franchit la ligne d’arrivée aux côtés d’Odd et de Romain. Il écouta d’une oreille distraite Jim qui lui donnait son temps, et prit la direction des vestiaires.
- Qu’est-ce qui lui arrive ? s’étonna Romain. Ne me dit pas qu’il est susceptible au point de faire la gueule, juste parce que Bastien lui a prit quelques mètres !
- Je crois savoir ce qui se passe dans sa tête, déclara Odd, qui avait vu les secondes. Ça n’a rien à voir avec la course.
Jérémie et Aelita émergeaient du parc Le point de côté de Jérémie progressait, mais c’était le prix à payer s’il voulait tenir le rythme d’Aelita. C’est râlant, se dit-il. Un point de côté, ce n’est qu’une accumulation locale d’acide lactique ; pas de quoi être plié en deux. À part ça, ses muscles avaient encore de l’énergie à revendre, et il était moins essoufflé qu’il ne l’aurait crû. Il massa la zone douloureuse pour ralentir la progression du mal.
- La course à pied n’est pas ce que l’humanité a inventé de mieux, maugréa-t-il syllabe par syllabe, afin de préserver les précieuses bouffées d’oxygène dont il avait besoin.
- Sans course à pied, comment aurais-je échappé aux monstres de XANA ?
- Préhistoire... maintenant... on a... véhicules, haleta-t-il.
Ils étaient en vue de la ligne d’arrivée, à leur tour. Yumi, assise sur l’extrémité droite des gradins (vu du stade), leur fit un salut d’encouragement. Les deux jeunes tourtereaux s’élancèrent pour leur sprint final. Jérémie était dans un état second. Il faisait de grandes et rapides enjambés, sans ressentir la limitation crispée que l’on a lorsqu’on se lance à froid à pleine vitesse. Il sentait surtout les chocs de ses pas sur le sol, mais avec une sensation de relative légèreté, et le sentiment physique désagréable d’aller au-delà de ses capacités. Il sentait venir le manque d’oxygène, et eut une impression de contraction du crâne. À quelques mètres de la ligne d’arrivée, la douleur à son flanc gauche devint vive. Il passa devant Jim qui lut le temps de Jérémie et commenta :
- C’est bien, Belpois, vous vous êtes bien défendu. Vous êtes capable de bien faire quand vous le voulez. Et quand vous êtes motivé. Avec un peu d’entraînement, vous progresseriez.
Jérémie acquiesça. Il était passablement essoufflé. Il n’avait maintenant plus aucune envie de courir, mais avait besoin de marcher pour ne pas bloquer brusquement ses jambes surchauffées. Il avait chaud, était rouge et transpirait.
Odd lui glissa :
- Tu vois, quand tu veux, tu peux, mon Jéjé !
Yumi, qui était assise au premier rang, leur fit signe d’approcher.
- Alors, ça s’est bien passé ? lança-t-elle. Jérémie, tu t’es surpassé, dis-moi ! Au fait, où est Ulrich ?
- Il est au vestiaire, répondit Odd.
- Déjà ? Ah bon. Et bien allez le rejoindre, je vous attends.
Ils prirent leurs sacs laissés sur le bord de la piste et entrèrent dans les vestiaires ; Jérémie suivit Odd dans le vestiaire des garçons.
Ulrich marchait sur le trottoir des égouts, dans une atmosphère malodorante. Il n’avait pas voulu retourner sur le stade, il n’avait pas voulu subir les railleries d’Odd et les questions de Romain, et surtout il ne voulait pas croiser Yumi. Il avait donc emprunté le passage par la chaufferie, qui était proche des vestiaires, et comptait ressortir dans le parc et rejoindre de là les réfectoires, l’air de rien.
L’air de rien, car il essayait de se calmer. Lui, d’ordinaire si calme, n’aimait pas ces bouffés de rage qui lui retournaient les tripes, il n’aimait pas se rendre compte que derrière le vernis d’urbanité était tapi de ténébreuses pulsions. Il ne savait pas pourquoi il s’était emporté cette fois-ci et pas avant. Son côté rationnel, qui tentait de reprendre le dessus, lui disait qu’après tout, Yumi fréquentait William tous les jours depuis l’année dernière et il ne s’était jamais rien passé (qu’en sais-tu ? lui souffla une petite voix) ; qu’il avait déjà vu Yumi en compagnie du bellâtre frimeur à d’autres reprises et qu’il n’avait pas perdu pour autant son sang froid.
Mais ses sentiments lui disaient le contraire. Ce William n’était qu’un pauvre nul et il n’aimait pas le voir avec Yumi. Parce qu’il était rongé par la jalousie. Parce qu’il était amoureux d’elle depuis plus d’un an, mais qu’il n’avait jamais pu le lui dire. Qu’il s’en voulait pour cette raison, mais qu’il était plus commode de rendre William responsable de sa frustration. Il ne s’en était pas vraiment rendu compte durant l’année scolaire, au cours de laquelle il la voyait tous les jours. Mais pendant les grandes vacances, il ne l’avait pas vu pendant un mois ; heureusement que le téléphone et la messagerie instantanée existaient. Mais ce n’était pas tout ; il avait prit conscience d’à quel point il tenait à elle, qu’il avait besoin de sa présence à ses côtés. Il avait besoin de sa présence physique, qui, même si elle n’était pas à porté de vue, lui apportait un bien-être intérieur. En ce moment même, la savoir proche de lui, au stade, et savoir qu’il allait la voir à la cantine, lui faisait du bien. Mais en même temps, la jalousie le rongeait toujours et il se sentait plus grognon que jamais.
Il referma soigneusement la bouche d’égout, s’éloigna et allait s’affaler sous un arbre. Ces flots de sentiments contradictoires créaient des vagues de turbulence dans son esprit. Il se prit la tête dans les mains et s’efforça de se calmer.
Il entendit alors un bruit. Était-ce Odd qui l’avait retrouvé, ou un simple promeneur ? Avant qu’il ait eu le temps de se redresser, une main se posa sur son épaule.
Yumi était assise en haut des gradins pour profiter du calme relatif qui y régnait ; elle avait un livre sur les genoux : « L’automne à Pékin », de Boris Vian. L’histoire, qui ne se passait ni en automne, ni à Pékin, était joyeusement délirante.
Odd, Aelita et Jérémie étaient de retour, douchés et fin prêt pour le repas ; la dépense physique qu’ils avaient consentie leur avait ouvert l’appétit.
- On n’a pas vu Ulrich, annonça Odd. Je ne sais pas où il s’est caché...
- Ne me dit pas qu’il fait la gueule, fit Yumi.
- J’ai bien peur que si. Il est parti aux vestiaires avec sa tête des mauvais jours.
- Il est fatiguant avec ses sauts d’humeurs, s’irrita Yumi. C’est quoi le problème, cette fois-ci ?
- Tu le lui demanderas quand tu le verras, suggéra prudemment Odd.
- Ouais, grommela Yumi, tu n’es pas très loquace, tout à coup. M’enfin, peu importe. Allons déjeuner. Ulrich est peut-être déjà à la cantine.
Tandis qu’ils contournaient le bâtiment des sciences en direction des réfectoires, Aelita s’exclama :
- Regardez, voilà Ulrich !
Ulrich sortait du parc et s’avança vers ses amis.
- Ben alors, commença Odd, où t’étais passé ?
- Salut Ulrich ! continua Yumi, diplomate.
- Ça va bien, toi ? fit Jérémie.
Ulrich coupa court à toutes les questions :
- Bonjour, Yumi. Ça va ? J’ai fait un petit tour dans le parc, en sortant des vestiaires. C’est mon droit, non ?
- Certes, reconnut Aelita.
- J’avais envie de prendre un bol d’oxygène avant d’aller déjeuner. Me voilà. Allons-y.
- Très bien, conclut Odd. Ne tardons pas !
C’est à ce moment là qu’un signal d’alarme monta du cartable de Jérémie.
- Oh non ! Pas maintenant ! gémit Odd. XANA ne respecte donc rien ?
Tout en sortant son ordinateur portable, Jérémie commenta :
- Tu sais, Odd, je ne sais pas si ça va t’aider à supporter la famine, mais on est tous dans le même cas. Moi aussi j’ai faim, cette petite promenade m’a ouvert l’appétit. J’ai l’impression que mon stock d’ATP est proche de zéro...
- Hein ?
- Mes batteries sont à plat, traduit-il.
- Ça c’est sûr ! Avec tout ce que ton cerveau consomme comme glucose, tu es à l’abri du diabète, mon vieux !
- Une tour activée dans le territoire désert ! Il faut y aller. Je poursuis le scan.
- Comment ça ? dit brusquement Ulrich.
- Au cas où cette tour serait un leurre ; tu sais bien que XANA a la fâcheuse tendance à brouiller les pistes.
- Ah oui, c’est vrai. Dépêchons-nous, il ne faut pas perdre de temps.
- Il y a trop de monde au stade, rappela Yumi. Passons par le parc.
- D’accord !
Les cinq amis marchèrent d’un bon pas vers la bouche d’égout du parc.
- Ah, pourquoi faut-il toujours courir... grommela Jérémie.
- Et encore, lors des missions tu restes assis, alors que nous, on doit cavaler sans cesse sur Lyoko, lui fit remarquer Yumi.
- C’est pour ça que je vous ai développé des véhicules, par compassion pour vous, mes chers lyokoguerriers.
- Si tous les généraux étaient aussi généreux que toi, mon général... s’amusa Yumi.
- Eh ! Vous parlez comme de vieux grabataires, vous deux ! s’offusqua théâtralement Odd.
Ils descendirent par l’échelle, Ulrich le premier, Jérémie en dernier ; celui-ci referma discrètement le couvercle, prit sa trottinette et suivit ses amis en planche à roulette.
Ils sautèrent au pied du monte-charge grâce à de vieux câbles industriels souples. Jérémie composa le code de déverrouillage permettant d’accéder au laboratoire secret. L’ascenseur déposa Jérémie à la salle de contrôle puis emmena les quatre autres à la salle des scanners. Jérémie annonça dans le haut-parleur :
- Il y a une deuxième tour activée dans le territoire banquise. L’une des deux est peut-être un leurre.
- Virtualise nous près de celle du désert, dit Ulrich. C’est la première à avoir été activée, donc c’est la bonne.
- C’est la première que le superscan a détecté, nuance. Elle émet la nouvelle signature énergétique, alors que l’autre émet l’ancienne.
- Je suppose que le nouveau modèle de tour est plus dangereux, dit Ulrich.
- Je n’en sais fichtre rien, Ulrich. Mais puisqu’il faut choisir et que tu as l’air s’avoir envie de faire une méharée, va pour le désert ! En place... Transfert Odd, transfert Yumi, transfert Aelita. Scanner. Virtualisation !
Les trois lyokonautes se virtualisèrent dans un endroit apparemment désert du désert.
- je vous envoie vos véhicules. Soyez sur vos gardes ; je sens que XANA nous prépare un sale coup... Ulrich, tu es prêt ? transfert Ulrich... Scanner Ulrich...
Aussitôt après l’initialisation de la phase de scannerisation, un message d’erreur apparut à l’écran, symbolisé par un cercle rouge frappé d’un point d’exclamation, qui clignotait à l’écran.
- Qu’est-ce qui se passe ? Échec de la scannerisation. Le schéma du corps d’Ulrich a disparu de mon écran. Pourtant la barre de progression s’allonge toujours, comme si le scanner scannait dans le vide. Ulrich, tu m’entends ? On dirait que le programme d’analyse moléculaire s’est planté.
Cependant qu’il parlait , la seconde phase du transfert s’initialisa normalement, comme si de rien était.
- Quoi ? s’affola Jérémie.
Par prudence, il appuya sur la touche d’annulation. Mais il était trop tard, apparemment, et il dut commenter, d’une voix mal assurée :
- Virtualisation Ulrich !
Ulrich se virtualisa au-dessus de ses camardes, dans le sillon des chevrons numériques, et se posa au milieu du groupe. Il s’avança vers l’overbike en disant :
- Eh bien, qu’est-ce que vous attendez ? Nous avons une tour à désactiver !
- Il y a eu un problème lors de ton transfert, Ulrich. Comment te sens-tu ?
- Tout va bien. Quel problème ?
- Un bug du programme d’analyse moléculaire. La scannerisation ne s’est pas déroulée correctement.
- Je peux t’assurer que si. Je suis en un seul morceau. Ce n’est certainement qu’un bug de l’ordinateur de contrôle. On peut y aller, maintenant ?
- Ben euh, oui, allez-y ! répondit Jérémie.
Intrigué, Jérémie passa en revue tous les paramètres d’Ulrich pour s’assurer que tout allait vraiment bien. Il vit que tout n’allait pas bien.
- Ulrich, tu as zéro points de... enfin, je veux dire, aucun de tes pouvoirs ne sont disponibles. Quelque chose a merdé lors de ton transfert. J’ignore quoi.
Il tapa sur le clavier de l’ordinateur la commande suivant : ’ com1_Ulrich off ’ puis souffla dans son micro :
- Aelita, Odd, Yumi, faites comme si vous ne m’entendiez pas. J’ai coupé momentanément la communication avec Ulrich. Le bug qu’on vient d’avoir ressemble à celui que j’ai eu lors du transfert du faux Odd. Il se peut que Ulrich ne soit pas le vrai Ulrich, mais un clone polymorphe ! Soyez sur vos gardes !
Les trois intéressés échangèrent furtivement un regard, en signe de connivence. De son côté, Jérémie tapa ’ com1_Ulrich on ’ et reprit sur un ton normal :
- La tour est au nord-ouest. Approchez-vous en prudemment. Je vais voir si je détecte des bandits.
Jérémie pianota fébrilement sur le clavier de l’ordinateur de contrôle. Il n’aimait pas du tout la tournure que prenaient les événements. Il repensa à ce qui s’était passé durant le dernier quart d’heure : Ulrich avait eu un comportement bizarre. Anormalement calme pour quelqu’un qui était censé bouder et anormalement pressé d’aller sur Lyoko. Jérémie essaya de se calmer. Après tout, Ulrich fut le dernier à avoir été virtualisé. S’il était un clone polymorphe contrôlé par XANA, il aurait très bien pu verrouiller l’ouverture des scanners puis remonter ici pour l’attaquer lui. Tout au contraire, il était sur Lyoko et n’avait encore attaqué personne. Mais en même temps, qui pouvait savoir ce que préparait XANA ?
- Nous arrivons en vue de la tour, annonça Aelita. Aucun monstre à l’horizon. Que dit l’holomap ?
- Rien pour le moment. Ce n’est pas normal, c’est trop facile. Je vais augmenter la fréquence du flux... Non, toujours rien. Ralentissez pour l’instant.
- Je suis d’accord. Nous allons prendre de l’altitude. Formation en échelle, Ulrich sur notre flanc bas droit, Odd sur notre flanc gauche haut, ordonna Aelita. Odd, on compte sur toi pour les visuels.
- Ça roule ! J’ouvre l’œil, et le bon : mon œil de lynx !
Jérémie déclara :
- Je détecte des monstres sur plusieurs plates-formes alentours. Des paquets de monstre qui semblent tourner en rond...
- Tally, droit devant ! le coupa Odd. Au pied de la tour ! Jérémie, tu ne détectes rien ?
- Une seconde, je m’occupe de ces formations de monstres sur les plates-formes adjacentes. Je centre l’holomap sur la tour... Oui ! Trois dévas devant la tour.
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Yumi. C’est trop risquer d’attaquer de front. Je n’ai pas l’habitude de ces dévas et Ulrich... n’a pas ses pouvoirs.
- On peut le faire, dit Ulrich. Je les attaque de front, Odd leur tombe dessus sur la gauche et Yumi sur la droite, à basse altitude pour couvrir Aelita, qui avancera à pied en retrait.
- Euh... fit Yumi, mal assurée. T’en pense quoi, Jérémie ?
- On n’a pas le choix. Faisons ce qu’il dit.
Jérémie observait les paquets de monstre qui formaient une sorte d’arc de cercle autour de la plate forme où se trouvait la tour. Les paquets s’animèrent lentement et s’avancèrent sur les sentiers de liaison.
’ Com1_Ulrich off ’.
- Ça sent le traquenard à plein nez ! s’affola Jérémie. Les monstres approchent de votre position. C’est un piège ! Quand vous serez au pied de la tour, ils passeront à l’attaque !
- Combien sont-ils ? demanda Odd.
’ Com1_Ulrich on ’
- Impossible de le déterminer avec précision, le signal est brouillé.
- Comment ça, brouillé ? Je croyais que c’était impossible ! s’étonna Odd.
- C’est un problème de mise au point ; je suis en train de régler ça.
Pour pallier la défaillance de l’holomap, Aelita ouvrit grand les yeux et zooma vers la tour. Elle y vit un déva, debout, hallebarde à la main, scrutant l’horizon dans sa direction. Il était comme elle l’avait vu la dernière fois, sur l’overwing. Il portait une tunique blanche, tenue à la taille par une large ceinture jaune renforcée d’une lanière de cuir ; tunique qui lui tombait jusqu’à la moitié des cuisses, et de laquelle sortait un pantalon vert foncé, assez large mais serré aux chevilles, au bout desquels pointaient deux chaussures jaunes. Sur le torse, il endossait un gilet du même vert foncé, étoffé de poches. Le visage du déva, qu’Aelita ne pouvait distinguait mais dont elle se remémorait les traits, se dessinait entre un turban jaune et un collier de barbe ; Aelita se souvenait d’une face impassible et concentrée. À sa main droite, le déva tenait, pointe vers le ciel, son arme, dont la forme générale rappelait une hallebarde, mais dont la partie épaisse était très allongée et le manche étroit, par compensation, plus court. Ces observations ne durèrent que quelques secondes ; Aelita désactiva le zoom et se prépara au combat.
Les lyokonautes s’étaient dangereusement rapprochés des dévas, mais Yumi hésitait à déposer Aelita. Ce long flottement mit les lyokonautes dans une situation périlleuse.
- Yumi ! Qu’est-ce que tu attends pour déposer Aelita ? On est à porté de tir des dévas ! dit Ulrich.
- Je... j’hésite à laisser Aelita en arrière, balbutia Yumi, qui n’était pas sûr d’à qui elle parlait.
Ulrich se déporta aussitôt sur sa gauche.
- Redescends et cache-toi derrière moi, au moins !
Elle obtempéra ; il fit écran entre les filles et les dévas. Yumi se dit alors que Jérémie se trompait.
Ils étaient maintenant près de la tour. Odd mit en joue l’une des sentinelles. C’est à ce moment que les dévas ouvrirent le feu. Odd, par un incroyable réflexe, esquiva le tir. Ulrich para plusieurs coups mais l’un d’entre eux toucha l’overbike, qui explosa. Le samouraï roula comme un pantin sur le sol. Yumi, à découvert, entama un impressionnant Immelmann gauche. C’était sans compter la précision du tir des dévas. L’un d’entre eux fit un coup au but sur l’overwing, qui se mit en vrille et se désagrégea. Les deux filles, furent projetées au pied de la tour. Yumi se releva en urgence pour se protéger des attaques du déva.
- Aelita, fonce ! Je ne tiendrai pas longtemps !
La jeune fille aux cheveux roses s’élança, tandis que Yumi était fauchée par les faisceaux lumineux. Elle courait la tête tournée en arrière. Elle voyait Yumi se faire dévirtualiser et se prépara à esquiver une attaque. Par bonheur, Odd, dont le véhicule avait été dévirtualisé, arrosa l’assaillant de flèches laser.
Aelita s’étala d’un coup sur le sol, à trois mètres à peine de l’entrée de la tour. Un déva, venu de l’autre côté, venait de la frapper aux genoux, avec sa hallebarde. Il braqua le bout de son arme sur sa tête...
- Supersprint !
Une épée fendit l’air et le déva la stoppa in extremis. C’était Ulrich. S’ensuivit un duel au corps à corps. Aelita en profita pour franchir le mur.
Odd était de retour dans le scanner. Ulrich reçu un coup fatal. Tandis qu’Aelita s’identifiait sur l’ordinateur de l’étage, elle dit :
- Tu avais tort, Jérémie : ce n’était pas un polymorphe. Je dois à Ulrich une fière chandelle.
- J’ai vu ça, oui. Étrange, tout de même, ce bug. À ce propos, j’espère qu’il va bien.
- Tour désactivée.
- Je lance le programme de matérialisation.
- Code Terre.
Jérémie retira son micro, sauta de son siège, marcha jusqu’à la trappe et se laissa glisser le long de la tige d’acier.
Un scanner s’ouvrit et Aelita en sortit.
- Où est Ulrich ? demanda Jérémie.
- Il a été dévirtualisé ? s’étonna Yumi.
- Oui, à peu près en même temps qu’Odd.
- Ce n’est pas normal. Je vais voir ça.
- Je n’y comprends rien.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Dis nous ce qu’il s’est passé ! s’impatienta Yumi. Il y a bien des logs, non ?
- Bien sûr, je suis en train de les lire. Tout semble normal, à ceci près que j’ai le même black-out sur le programme d’analyse moléculaire que lors de la virtualisation.
- Au pire, il est toujours sur Lyoko, n’est-ce pas ? Tu m’as dit que le processus de transfert était doté d’un protocole de sécurité...
- Qui n’est pas parfait. Rappelle-toi le jour où tu m’as transféré. Ou lorsque tu t’es retrouvée dans le corps d’Odd.
- Il doit bien y avoir une explication. On s’attelle à la tâche immédiatement, annonça Jérémie.
Le temps passait. Les aiguilles tournaient à vitesse grand V pour Jérémie et Aelita, qui ne ménageaient pas leurs efforts pour retrouver Ulrich, l’un enchaînant les simulations sur le supercalculateur, l’autre épluchant les logs sur son ordinateur portable.
En revanche, les minutes devenaient une éternité pour Odd et Yumi qui, ayant fait la navette entre les deux étages, attendaient impuissant, les yeux dans le vague, fixant tour à tour les images qui défilaient sur les écrans de Jérémie, le front plissé d’Aelita et les scanners désespérément vides.
- Ce qu’on peut lire dans ces logs est normal, mais il y a plusieurs black-out, notamment en ce qui concerne le programme d’analyse moléculaire. Ulrich s’est dévirtualisé comme le stipule la procédure standard. Simplement, ses particules virtuelles, au lieu de redevenir, ont... disparu !
- Je croyais qu’en physique « rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme », récita Yumi .
- C’est le cas, et c’est pour ça que je n’y comprends rien. Il s’est peut-être converti en énergie, même si c’est une hypothèse folle ? Comme si les particules qui le composent ne pouvaient pas revenir à l’état réel...
- C’est une mésaventure qui t’est déjà arrivé, Aelita, de perdre ta forme réelle pour de bon. Je ne crois pas non plus qu’il ait été converti en énergie. Que ce soit sur Lyoko ou sur Terre, ça aurait fait un sacré boum, de l’ordre de 1200 mégatonnes. Visiblement, le problème vient du programme d’analyse moléculaire qui a merdé, lors du transfert. Reste à savoir pourquoi. Et surtout pourquoi la virtualisation s’est faite alors que le programme d’analyse n’a pas fourni au programme de virtualisation l’image du corps d’Ulrich, ni son code génétique virtuel. Je ne vois qu’une explication : la scannerisation étaient superflue et la virtualisation s’est enclenchée toute seule parce que les particules composant le corps d’Ulrich étaient déjà virtuelles.
- Les particules virtuelles ne peuvent se maintenir dans le monde réel, objecta Aelita.
- Sauf en cas de superposition des états. Les particules d’Ulrich étaient à la fois virtuelles et réelles. Et la scannerisation a immédiatement forcé le système à opter pour un état et un seul, en l’occurrence l’état virtuel.
- Pourquoi cet état là, et pour toutes les particules ?
- Parce que c’est leur état natif.
- Tu sous-entends qu’Ulrich était en fait une créature de XANA ? Mais, Jérémie, il m’a sauvé la vie sur Lyoko !
- Je sais, je sais, c’est à rien y comprendre. Ulrich a tout simplement disparu ; plus de trace de sa masse nulle part. Il a peut-être franchi l’horizon des événements.
- Ce qui signifie ? demanda Yumi, la gorge nouée.
- S’il a franchi l’horizon des événements, ses particules ont perdu leur potentiel de réalité. Dans ce cas, seul le programme de matérialisation d’Aelita peut le tirer d’affaire. C’est ce que j’avais pour toi lorsque tu étais tombée dans la mer numérique. Mais encore faut-il le localiser ; or, le traceur n’indique rien, pas plus que la matrice.
- Tu veux dire qu’Ulrich... est définitivement perdu dans le vide numérique ? s’étrangla Yumi.
Un frisson glacial parcourut les quatre amis.
- Il y a peut-être une autre explication. Je vais revoir tout ça. Écoutez, ça ne sert à rien que vous restiez là à attendre, dit-il à Odd et Yumi. D’autant qu’on a bientôt cours. Retournez au collège et trouvez une explication plausible à l’absence d’Ulrich. Moi, je reste là. Aelita ?
- Je les accompagne. Je ne peux pas me permettre de sécher trop souvent les cours, sinon monsieur Delmas sera tenté d’en toucher deux mots à mes parents.
- On pourra toujours utiliser le synthétiseur vocal de Jérémie, ou mes talents de faussaire, fit remarquer Odd.
- Et s’il prend contact avec mon cher oncle et ma chère tante Della Robbia ?
- Aïe, là, ça va plus... remarque, je suis un menteur de génie !
- Vu le nombre de gifles que tu t’es prise l’an dernier, j’ai une confiance limité en ta mythomanie professionnelle...
Yumi sourit à la vanne, mais restait crispée par la peur. Odd monta dans l’ascenseur en compagnie de ses deux amies. Tous trois prirent le chemin du collège l’esprit maussade. Yumi était probablement celle qui cogitait le plus. Ulrich était peut-être mort. Ulrich. Le seul garçon qu’elle avait jamais aimé. Mais elle ne le lui avait jamais dit. Elle pensa que les choses auraient pu être différentes, à ce qu’elle aurait dû lui dire... mais il avait peut-être disparu à jamais. Elle avait une boule dans la gorge. Elle essayait de se rassurer en se disant que les scanners étaient sécurisés, que Jérémie allait trouver une solution, mais la peur était là. Et toute la chaleur du soleil zénithal ne pouvait réchauffer son cœur. Une seule flamme au monde le pouvait, et cette flamme s’était peut-être éteinte à jamais.
Ils arrivaient dans la cours de récréation. Des collégiens se prélassaient sous les arbres, profitant de cette belle journée. D’autres allaient en classe, telle que Sissi, escortée de ses inamovibles acolytes, Hervé et Nicolas.
- Tiens toujours seul ? Tes amis t’auraient-ils laissé tomber ? Ça ne m’étonne pas de monsieur et madame Einstein, ni de cette garce de Yumi. Moi, au contraire, je suis fidèle au poste depuis deux ans, contre vents et marées, dit Sissi en passant devant Ulrich.
Ulrich ?
Les trois amis écarquillèrent, puis clignèrent des yeux ?
- Je rêve ou quoi ? fit Yumi.
- XANA aurait-il lancé un gaz hallucinogène dans l’air du collège ? imagina Odd.
Ils avancèrent vers lui et l’interpellèrent. Il se retourna et dit :
- Ah, vous êtes là !
Yumi s’écria « Ulrich ! » et s’avança vers lui. Mais Aelita la stoppa d’un coup de bras.
- Minute. Ulrich était sur Lyoko. Il n’en est pas revenu et il n’y a pas eu de retour vers le passé. Donc celui qui est en face de nous n’est pas Ulrich.
Ulrich prit un air interdit :
- Elle est où la caméra cachée ? Si vous me faites marcher, ça ne prend pas.
- Je reconnais là le style Ulrich, nota Odd.
- XANA a lancé une attaque, et nous nous sommes rendu sur Lyoko. Tu étais avec nous ! Il y a eu un problème lors de ton transfert, et quand tu t’es dévirtualisé, tu ne t’es pas rematérialisé dans le scanner.
- Vous êtes allé sur Lyoko ? Quand ça ?
- Il y a une heure et demi, à peu près.
- Et vous dites que j’étais avec vous ?
- Oui.
- Et comme je n’y étais pas, j’en déduis que vous me faites marcher. À moi, on ne me la fait pas. Bon, vous venez, on va être en retard en cours. Où est Jérémie ?
- Qu’as-tu fait ces deux dernières heures, demanda Aelita sur un ton inquisiteur.
Devant la mine grave de ses trois amis, répondit avec sérieux :
- Ben, voyons... J’ai été aux vestiaires, puis j’ai fait un tour dans le parc, et là... Je crois que je me suis endormi.
- Endormi ? Tiens donc, fit Aelita.
- Oui, je me suis allongé sous un arbre. Puis, je me suis réveillé et je suis allé déjeuner au réfectoire. Mais vous n’y étiez pas.
- Tu n’as pas cherché à savoir où nous étions ?
- Si, mais mon portable est en panne.
- Comme par hasard...
- Ça arrive. C’est quoi toutes ces questions ? Si vous avez vu un Ulrich sur Lyoko, ce n’était pas moi, c’était XANA !
- Le Ulrich qui était sur Lyoko nous a aidé contre XANA, ce n’était donc pas XANA.
- Mais enfin, je sais qui je suis !
Brusquement, il s’avisa :
- Oh, ça me revient ! s’exclama-t-il. Dans les bois, je ne me suis pas endormi ; on m’a assommé ! Oui, c’est ça ! J’ai été attaqué par derrière, je me souviens d’un choc électrique, puis plus rien. Ce devait être le spectre que vous recherchez !
Aelita colla son téléphone portable à son oreille, sans lâcher des yeux Ulrich.
- Allô, Jérémie ? On a retrouvé Ulrich, enfin, quelqu’un qui dit être Ulrich... Oui... Oui... Je sais... Oui, c’est fou... Comment faire ?... Au labo ? Je ne vois que ça... Elle est opérationnelle ? Et bien prépare la, on arrive.
Elle raccrocha.
- Jérémie veut qu’on l’amène au labo pour qu’on lui fasse un scan complet, afin d’être fixé.
- C’est risqué de le faire entrer dans le labo : si c’est XANA, il cherchera à nous tuer ! remarqua Odd.
- Jérémie est en train de charger la bombe EMP.
- Quoi ? s’étonna Odd. Il envisage de faire sauter une bombe qui grille tous les circuits dans le labo ? Ce sont ses circuits à lui qui sont dérangés !
- Ce sera moins méchant que tu ne le pense, expliqua Aelita. Tant qu’il reste dans son bain d’azote, le supercalculateur est protégé par d’épais blindage et du béton ; les scanners sont tous à l’épreuve des impulsions électromagnétiques, évidemment ; la plupart des installations électriques et électroniques , y compris l’holomap, sont protégées par des dispositifs type cage de Faraday. La paranoïa de mon père avait du bon. En fait, seul l’ordinateur de contrôle sera détruit en cas d’impulsion - un moindre mal.
- Et bien allons-y, et tant pis pour les cours ! décréta Yumi.
Le trajet vers l’usine fut tendu, et tout particulièrement dans les égouts, étant donné que c’était l’endroit rêvé pour un triple assassinat. Odd était prêt à être « Jérémifié » en cas de nécessité. Jérémie lui avait expliqué que la Jérémification n’était pas une bonne arme, puisque la tour émettrice est facilement piratable par XANA et parce que l’hôte du spectre subit des lésions tissulaires qui deviennent irréversibles en cas de Jérémification prolongée. Mais en cas d’urgence, cette technique pouvait faire l’affaire. En même temps, en cas d’urgence, le temps que Jérémie pirate une tour, qu’il accumule l’énergie nécessaire à la matérialisation d’un spectre, que le spectre arrive jusqu’à son hôte, XANA aurait le temps d’accomplir sa sale besogne.
Mais rien de cela ne fut nécessaire, car celui qui disait être le vrai Ulrich resta sage, quoique de mauvaise humeur.
À l’usine, Jérémie les attendait dans l’ascenseur, armé de sa bombe à impulsion électromagnétique.
L’ambiance dans la salle des scanners était tendue.
Jérémie confia la bombe à Odd.
- Je t’assure que cette bombe devrait déstructurer un spectre. Un corps humain protège le spectre, qui ne subit donc pas de dégâts irréversibles ; dans le cas d’un clone polymorphe, il absorbe la totalité de l’impulsion. Et quand bien même il survivrait, vous aurez le temps de le jeter dans un scanner et de fermer les portes.
- C’est sympa d’entendre parler de soi comme si on n’était pas là. Et comme si on était un méchant, ironisa Ulrich.
- Entre dans l’un des scanners, Ulrich, ordonna Jérémie.
- Si j’étais un sbire de XANA, je ne mes laisserais pas enfermer dans un scanner ; je vous aurais déjà attaqué, et ce dès les égouts, s’agaça Ulrich en pénétrant dans le scanner central.
- Je sais, mais nous devons être absolument sûr. Et je sais que tu comprendras pourquoi.
- Je comprends, admit Ulrich. XANA n’en est pas à son premier coup d’essai, en matière de duperie.
Jérémie et Aelita montèrent à l’étage supérieur et lancèrent isolément les différents programmes d’analyse. Les résultats s’affichèrent sur l’écran principal. Tout était parfaitement normal. Jérémie annonça dans le micro :
- Analyse moléculaire : conforme ; empreintes génétiques réelles et virtuelles : conformes ; spectre neuronal : conforme ; eidos : conforme. C’est bien notre Ulrich. Aucun doute possible.
Yumi poussa un soupir de soulagement, tandis que les portes du scanner s’ouvraient sur un Ulrich qui affichait sa moue habituelle, sa moue grognonne, qui avait le don de l’agacer, mais qui la faisait craquer.
- Alors, satisfaits que je sois bien moi ? fit-il en esquissant un petit sourire malicieux, un sourire irrésistiblement attirant...
Sans réfléchir, Yumi monta dans le scanner et l’enlaça. Sous l’effet de la surprise, et de l’immense frisson qui le parcourait, Ulrich ne sut quoi dire. Yumi non plus n’arrivait plus à parler. Tous deux sentaient que le moment tant attendu était arrivé.
Ils s’embrassèrent.
Odd, se sentant brusquement de trop, se glissa dans le monte-charge qu’il avait appelé et rejoignit les deux jeunes scientifiques à l’étage supérieur.
À l’étage supérieur, Jérémie et Aelita étaient de plus en plus perplexe.
- Il y a comme un problème dans l’équation, là.
- Oui, nous avons là le vrai Ulrich, mais celui qui était sur Lyoko a combattu XANA, c’est à rien n’y comprendre.
- Et si c’était ton père ?
- Si c’était un spectre de mon père, pourquoi se serait-il dissimulé ? Et puis, regarde, les logs sont normaux, aucune intrusion extérieure.
- Et s’il y avait eu, je ne sais pas moi, une fluctuation erratique du continuum espace-temps ? S’il était venu d’une autre dimension ?
- Au point où l’on en est, on peut toujours spéculer en pleine science-fiction.
C’est alors qu’Odd sortit de l’ascenseur.
- Nous étions en train de dire que nous n’y comprenons rien. En tous cas, j’ai une piste pour repérer plus facilement les polymorphes. Au fait, où sont Yumi et Ulrich ?
Odd eut un sourire goguenard :
- Ils sont restés aux scanners. Ils ont beaucoup de choses à se dire.