Histoire : Un crime ou peut être deux

Écrite par ProjetHopper le 05 août 2014 (16836 mots)

Prologue


— Mais comment en étions arrivé là ? murmura-t-il depuis l’intérieur de sa cellule.

*****

Vendredi 25 octobre, vers 20 heures, le bal costumé du collège Kadic battait son plein. À cette occasion, le proviseur avait fait appel à un DJ professionnel. Ce dernier décida de jouer le titre de Fatboy Slim, Right Here, Right Now. Le volume était au maximum, les caissons de basses hurlaient et les paroles résonnaient en dehors de l’enceinte du collège. Le proviseur craignait que les voisins appellent la police à cause du vacarme. Cependant, il avait d’autres problèmes beaucoup plus important à régler. Comme protéger sa fille Sissi, d’un puissant homme d’affaire…

Aelita, Jérémie et Odd étaient déjà à l’intérieur de la salle de fêtes. Ils avaient rejoints les autres élèves qui dansaient sur la piste de danse. Tandis qu’Ulrich et Yumi étaient restés à l’extérieur profitant de la pleine lune pour faire une petite balade dans le parc du collège.

Ils prirent un sentier au hasard et commencèrent à marcher sans vraiment savoir où ils allaient s’arrêter. Autour d’eux, les parfums mélangés du bois étaient adoucis par l’humidité de la nuit. De gros nuages annonçant une soirée orageuse venaient cacher la lune.
Se promener dans ces bois leur rappelait leurs anciennes vies. Celles où ils devaient sortir en douce dans le manteau de la nuit afin de se rendre à l’usine désaffectée. Mais aujourd’hui, tout cela était loin derrière eux… Ils étaient allés de l’avant et chacun pu reprendre le cours d’une existence normale.
Alors qu’ils s’enfonçaient de plus en plus dans les bois, un silence gênant planait autour d’eux. Et aucun des deux ne savait comment briser la glace. Comment allaient-ils engager la conversation ? Ils voulaient éviter une situation embarrassante. Et pourquoi pas profiter simplement de soirée qui paraissait magique en errant dans le parc, sans prononcer un seul mot ?

Ils marchèrent une dizaine de mètres puis Ulrich fini par briser le calme :
— Tu as vu le déguisement d’Odd ? dit-il en ricanant.
Yumi fit un petit sourire en coin. Elle repensa au costume du félin. Faute de temps, il avait pris le premier costume qu’il avait trouvé dans le local de monsieur Chardin.
— Oui ! – La jeune fille se mit à rire – HA ! HA ! Il avait l’air d’une triple buse !
— HA ! HA ! Sur le coup, il a du rire jaune ! surenchérit Ulrich.
Ils éclatèrent de rire.

Rran, rran, rran…

Des bruits étranges provenaient au loin derrière les buissons. Ils étaient mélangés aux sifflotements du vent qui faisait frémir les feuilles des arbres.
Les deux adolescents s’arrêtèrent de rire.
Soudain, le parc leur a paru plongé complètement dans l’obscurité. On n’y voit rien à moins de deux mètres. Et l’épais brouillard n’arrangeait pas les choses. Il était impossible d’identifier quoique ce soit.
— Qu’est-ce que c’était ? dit la japonaise.
— Ce doit être un écureuil, répondit Ulrich sur un ton confiant mais tout en restant vigilent.

Rran ! rran ! rran ! …

Les bruissements devenaient de plus en plus forts.
— On dirait que ça se rapproche de nous, ajouta la jeune fille.
Ulrich se mit à réfléchir. Que fallait-il dire ? Crier est-ce qu’il y a quelqu’un ? Ça ferait trop cliché. Il était évident qu’il y avait quelqu’un ou quelque chose derrière ces buissons. Et puis, c’est à ce moment que dans les films d’horreur débiles d’Odd, le méchant surgis par derrière et saisit sa victime. Il fallait une phrase adéquate pour la situation… Il cogita un instant puis lâcha haut et fort :
— Qui est-ce ?
« Qui est-ce ? » se répéta Ulrich. « Mais c’est aussi débile que la phrase dans les films »… ça sonnait mieux dans sa tête.
Aucune réponse…
Yumi ne put s’empêcher de regarder bizarrement le samouraï.
Les grincements recommençaient et ils étaient plus forts que jamais.

RRAN ! RRAN ! RRAN !…

Yumi dit instinctivement :
— On dirait des pas. Ça se rapproche de nous…
Ulrich ramassa un gros morceau de branche qui gisait sur le sol, devant lui. Yumi fit de même. Elle attrapa un branche d’arbre qui nichait dans les arbustes à côté d’elle.
Il saisit la main de la geisha. Cette dernière serra à son tour la poigne du jeune homme. Tous deux regardèrent attentivement ce qui allait surgir devant eux.
Peut-être que ce serait comme dans les films où les héros sont seuls dans un endroit sinistre ou isolée et qu’à la fin ce n’est qu’un petit être vivant qui les fait sursauter...
Les pas se rapprochaient à grande vitesse des deux élèves. Ils étaient accompagnés de respirations. La créature paraissait à bout de souffle. On pouvait écarter l’hypothèse de la bête sans défense. Les expirations ressemblaient à ceux d’un humain…

La brume glissait comme un suaire, dévoilant lentement une silhouette humaine qui avançait à toute allure vers les adolescents. Elle s’arrêta dix mètres devant eux mais il était impossible de l’identifier. Le brouillard cachait le haut de son corps.
L’inconnu semblait satisfait de les voir. Il les distingua immédiatement :
— Oh… vous êtes là ! dit l’étranger en sueur.
Il faisait plusieurs pauses entre chaque mot qu’il prononçait. Il avait du mal à respirer. Il inspira et expira deux bons coups avant d’ajouter :
— … pfiou … Ce que je suis content… de vous voir !

La personne s’appuya contre un arbre tandis que sa tête était inclinée vers le bas. Elle essayait de reprendre son souffle. Elle voulait se rapprocher d’Ulrich et Yumi mais ses jambes refusaient d’obéir. Elle n’avait qu’une envie, c’était de s’écrouler sur le sol.
Quelques secondes plus tard, il dit sur un ton angoissé :
— ‘faut que… vous m’aidiez ! ... C’est important ! …
Cette voix… Elle leur était familière… Mais il était difficile de lui donner un nom.
— Euh oui bien sûr ! Mais… qui es-tu ? dit Ulrich.
— Et qu’est-ce qu’il se passe ? ajouta Yumi, très inquiets tous les deux.
L’individu semblait stupéfait de la question du collégien.
— Qui suis-je ? murmura-t-il, surpris. Visiblement, ses interlocuteurs ne l’avaient pas reconnu. Aussitôt, il releva la tête. Son visage sorti brusquement de la brume. Un filet de lumière éclaira sa figure. Il regarda les deux élèves. La japonaise et le samouraï le reconnurent immédiatement. Puis il balbutia quelques mots à peine compréhensible.
— C’est… c’est… Il avait du mal à terminer sa phrase. Il était encore sous le choc.
On pouvait distinguer de la peur dans sa voix. De qui avait-il peur ? Pourquoi était-il tout trempé ? De qui ou de quoi s’enfuyait-il ? Tant de questions…
Tout à coup, une main sortie en douce du brouillard s’agrippa au sweat shirt du personnage… Le samouraï remarquant cela, hurla :
— ATTENTION ! DERRIÈRE TOI !
À peine il tourna la tête pour voir de quoi il en retournait qu’il finit par être tiré vers l’obscurité.
— AU SECOURS !! cria l’individu.
Dans un élan de désespoir, il saisit de la main gauche le tronc d’arbre sur lequel il s’était appuyé et il planta ses ongles dans l’écorce. Mais rien y fait. La force qui l’entrainait vers les ténèbres était plus puissante. La pression devenait de plus en plus forte jusqu’au moment où il céda et fini par être absorbé dans la nuit…
— WILLIAM ! NOOOOOON !! cria Yumi.


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Chapitre 1: Une rencontre animée.
Une semaine avant.


Samedi 19 octobre, il était 9 heures du matin et seules quelques voitures circulaient. Quant aux passants, ils se faisaient rares. Soudain, une limousine d’une couleur sombre comme le charbon s’approcha de l’enceinte d’un établissement scolaire. La plaque d’immatriculation mentionnait « DT-08-TP». Il était impossible d’entrevoir qui était assis à l’arrière, les vitres étaient teintées. Quant à la voiture, elle était blindée.

Une fois arrêtée devant l’entrée principale, le chauffeur descendit du véhicule. C’était un homme de corpulence moyenne, portant un uniforme typique des conducteurs de limousine.
Il se dirigea vers la portière arrière et l’ouvrit en annonça au passager :
— Nous sommes arrivés, Monsieur… Le collège Kadic.

Des chaussures basses noires avec lacets descendirent du véhicule, suivit d’un homme de taille moyenne arborant une coupe de cheveux dégradé et un élégant costume noir confectionné en pure laine. À l’intérieur, une chemise bleu en soie qui devait coûter, au total, près de 700 euros.
L’individu semblait satisfait de cette annonce.
Le conducteur referma la porte, avant de remonter dans l’automobile tandis que le mystérieux personnage s’arrêta sous la grille d’entrée.
Il jeta un bref coup d’œil à sa montre de luxe, celle-ci affichait 09 heures et 07 minutes. Il était dans les temps. Il fit un sourire puis il s’avança vers le bureau du proviseur Delmas.


*****


Devant l’entrée du foyer des internes au collège Kadic, des élèves étaient en émois. Sissi avait décidé de convié tous les collégiens car elle avait une annonce de la plus haute importance à leur communiquer.
Ulrich qui passait par là, vit cet attroupement. Interloqué, il se fraya un chemin jusqu’à la porte d’entrée de la salle où la jeune fille, distribuait des tracts.
— Sissi ? Mais qu’est-ce qu’il se passe, ici ? demanda le garçon.
— Oh, salut Ulrich chéri ! – dit-elle en souriant – Vois-tu, je n’ai pas vraiment le temps, mais tiens, prend ça ! elle lui tendit un de ses prospectus. Le jeune homme saisit machinalement la feuille et quitta la foule.

Il était absorbé par son contenu. Il paraissait très ravi de ce qu’il venait de lire. Pour en être sûr, il le relu maintes reprises.
Non loin, on pouvait distinguer quatre silhouettes s’avancer vers Ulrich. Il y avait trois personnes de taille moyenne à l’avant tandis qu’une personne un peu plus grande était en retrait, à l’arrière. Ulrich senti les différentes présences se rapprocher de lui. Il détacha un instant son regard du document qu’il tenait entre les mains afin de lorgner les individus qui se dirigeait dans sa direction.

Le samouraï se trouvait à contre-jour. Il était difficile, pour lui, de distinguer les différents profils. Il plaça sa main droite contre son front pour se protéger du soleil et il fixa longuement les personnages. Quelques secondes plus tard, il finit par les reconnaitre. Il s’agissait de ses amis, Aelita, Jérémie, Odd et Yumi.
Odd qui le remarqua à son tour, leva très haut son bras droit et se mit à le saluer.
Ulrich fit de même.
Son ami fini par courir jusqu’à lui et lui dit :
— Hé, Ulrich ! Mais qu’est-ce que tu fou ? On te cherchait partout !
Ulrich lui répondit simplement :
— Oh, désolé ! J’étais avec madame Hertz. Il fallait que je la voie pour lui parler du travail à remettre la semaine prochaine.
Il réfléchit un instant puis il rajouta :
— Eh mais, tu sais la nouvelle ?
— Non ? Dis-moi, rétorqua son meilleur ami très curieux.
Ulrich donna le papier à Odd qui le lit à son tour. Quelques secondes plus tard le félin répondit, très enthousiaste :
— C’est super ! C’est ze évènement de l’année ! Et qui en a eu l’idée ?
— Je crois que c’est Sissi.
— Sissi ? Et le proviseur est d’accord ? rétorqua Odd, inquiet.
— Je ne sais pas. Faut voir ça avec elle. Elle est là-bas – il désigna du doigt la position de la fille du proviseur.
— Alors les garçons ? On fait des cachotteries ? répliqua Yumi, qui était juste derrière Odd. Le reste de la bande venait de les rejoindre.
À peine il ouvrit la bouche qu’elle lui arracha la feuille des mains et lu à voix haute son contenu :

AVIS À TOUS LES ÉLÈVES DU COLLÈGE KADIC !
Le vendredi 25 octobre à 19h, un bal d’halloween sera organisé dans la salle des fêtes.
Plusieurs animations vous seront proposées afin que cette soirée reste inoubliable !
Alors, venez nombreux… et déguisé !

Le message était court mais clair.
— Cool ! On pourrait y aller tous ensemble ! dit Aelita.
Jérémie acquiesça avec un petit sourire complice.
— Bonne idée ! assura la japonaise. Elle jeta un bref regard en direction d’Ulrich puis elle rajouta : Il nous reste plus qu’à trouver des déguisements !
— Moi je sais ce que je vais porter ! assura Odd.
— Laisse-moi deviner… Jérémie fit semblant de réfléchir avant de rajouter ; en zombie ?....
— Oui, mais pas un simple zombie – il releva son index droit pour accentuer les mots qu’il allait prononcer – Mais LE zombie, tiré du film Ultimate Fighters 3.
— Eh bien je te souhaite bonne chance pour te le procurer. Tous les magasins spécialisés sont en rupture de stock depuis le début du mois, répondit Ulrich.
— T’y crois pas ! Et qu’est-ce que je vais porter moi alors ?
— Tu sais Odd, il y a de très bons costumes dans le local de monsieur Chardin. Peut-être que tu y trouveras ton bonheur, proposa Aelita.
— Oh c’est vrai ? Tu me sauve la vie Aelita !
— Oui, et puis on pourrait y aller tous ensemble ! dit Jérémie.
Le reste de la bande approuva.

— Au fait, vous avez vu la voiture devant le collège ? Tout le monde en parle. Ce doit être quelqu’un d’important… dit Yumi qui l’avait vu en arrivant au collège.
— Oui, je sais, ce doit-être quelqu’un d’important, répondit Aelita.
— Moi je tiens de source sûre qu’il s’agit d’un promoteur immobilier… Et il est venu pour parler de choses très importantes avec le proviseur, affirma Odd.
— Ah ouais ? Et c’est qui ta source sûre ? répondit Aelita sur un ton ironique.
— Milly et Tamiya.
— Milly et Tamiya ? rétorqua Ulrich amusé. C’est ça ta source « sûre » ? – il ne put s’empêcher de lâcher un rictus – Ce sont celles qui avaient dit dans les Échos de Kadic que je sortais avec Claire ?
— Bah elles avaient à moitié raison. Claire sortait bel et bien avec quelqu’un… mais c’était moi…
— Ou encore celles qui disait qu’Aelita et Talia ne faisait qu’un, surenchérit Einstein.
— Oui, c’est vrai que c’était assez drôle cette histoire ! intervint Ulrich. Surtout quand on sait que Talia a dû changer d’établissement quelques semaines après son arrivé car ses parents avaient trouvé du travail au Sud.
— C’est vrai ! admit Odd … Parfois leurs informations ne sont pas correctes. Mais là, elles m’ont certifié que c’était véridique.
— Peut-être que Sissi sait quelque chose concernant cette personne ? Puisqu’il est venu voir son père. Répondit Aelita.
— Oh, la voix de la raison ! dit Odd.
— Tu as raison ! ajouta Yumi. Allons la voir et puis nous pourrions discuter de la soirée costumée.

La bande se mit en route vers le foyer où la fille du proviseur continuait de distribuer ses feuilles. Il n’y avait plus autant de monde que tout à l’heure. Ça allait être plus facile pour les cinq adolescents de l’aborder.
— Hey Sissi ! dit le félin pour la saluer.
Elle vit que ses amis se rapprochaient d’elle. A son tour, elle les salua:
— Ah, salut les amis ! J’espère vous voir vendredi soir ! dit-elle en souriant.
— Oui, en parlant de ça, rajouta Ulrich. Est-ce que ton père est d’accord ?
— Mais bien sûr, Ulrich ! Nous en avons longuement parlé et il est entièrement d’accord ! dit-elle sérieusement.
— Cool ! Et tu ne saurais pas par hasard c’est qui le monsieur qui est venu voir ton père avec sa limousine ? Est-ce qu’il a lien avec la soirée ? ajouta Odd.
La jeune fille ne savait pas trop de quoi ils parlaient.
— Euh, non… pourquoi ? Je devrais ? En tant que fille du proviseur, je suis la mieux placée pour organiser cet évènement ! dit-elle avec une once de prétention.
Les lyokoguerriers étaient restés bouche bée. Avait-elle été remplacée par un clone polymorphe de X.A.N.A ? C’est la première fois qu’elle ne s’intéressait pas aux aller et venu des personnes riches et célèbres qui franchissaient le portail du collège.
— Oh, bah euh… Non… Mais comme ça ragotait de droite à gauche, on voulait savoir qui c’était, prétendit Ulrich.
— Désolé les gars. Je ne saurais pas vous aider. Mon père ne me parle pas souvent de ses rendez-vous. Mais je dois le voir après pour discuter de la soirée, peut-être que j’en saurais plus.
La japonaise décida de sortir de son silence et dit :
— Génial ! – elle releva son pouce pour montrer que c’était une bonne idée – Tiens-nous au courant ! puis elle lui fit un clin d’œil.


*****


Il était 10 heures et pas un bruit ne résonnait dans le secrétariat du collège.
Une personne poussa la porte d’entrée. Celle-ci s’ouvrit lentement. L’individu passa la porte… C’était Sissi. Elle avait encore un gros paquet de feuilles en main. Elle avait fait plus de copie que prévu.
La première personne qu’elle aperçut fut Nicole Weber, la secrétaire. Elle était assise derrière son bureau juste en face de l’entée et elle était en train de classer des dossiers.

La secrétaire qui vit la jeune fille cassa le silence par un :
— Bonjour Elisabeth ! Comment vas-tu ?
— Bonjour Nicole ! Je vais bien. Est-ce que mon père est occupé ? Il faut que je lui parle des derniers préparatifs pour ma soirée costumée.
— Tu fais référence au bal d’Halloween du collège ?
— Oui, blanc bonnet, bonnet blanc ! …
— Le proviseur est actuellement en entretien mais ça ne devrait pas être très long.
— Très bien, je vais attendre…

La jeune fille connaissait la procédure. Elle prit place sur un siège et patienta. Il y eut à nouveau un silence qui parut durer une éternité. Sissi sortit de son sac le dernier numéro d’Ado magazine, afin de passer le temps. Elle tomba sur un article qui avait pour titre : « 10 méthodes pour rendre son mec jaloux ! ».
Elle survola l’article de bas en haut. Les différents conseils que donnait le magazine étaient ce qu’il y avait des plus « traditionnels » :

8 ) Être un peu distante tout en restant présente.
5 ) Être plus mystérieuse ; ne pas dire tout ce que l’on fait.
3 ) Se rapprocher du sexe opposé.

Elle ne put s’empêcher de rire à ce qu’elle venait de lire. Tous ces conseils n’avaient pas fonctionné avec son amour d’enfance, Ulrich. Cela dit, aujourd’hui elle n’avait pas trop besoin de ces suggestions pour le rendre jaloux. Car elle était allée de l’avant. La relation entre Ulrich et Yumi devenant de plus en plus sérieuse, la jeune fille arrêta de le forcer à tomber amoureux d’elle. Elle voyait bien comment le jeune homme regardait la japonaise. C’était plus que de l’amitié tandis qu’avec elle ce n’était qu’une relation amicale...

Soudain, un bruit sourd qui survint dans la pièce d’à côté coupa court à sa réflexion. Elle regarda Nicole qui n’y prêta pas attention. La dame continuait de travailler.
Elle attendit quelques secondes pour savoir s’il y allait y avoir un retour, mais ce n’était qu’une fausse alerte. Rien.
Elle tourna les pages de sa revue afin de trouver un article un peu plus consistant. Il y avait différents billets qui parlaient de diverses façons pour perdre du poids ou encore des derniers ragots chez les people.

Mais, tout à coup, un homme à la voix rauque se mit à crier. Sissi arrêta à nouveau de lire. Elle ne reconnaissait pas la voix… :
— … VOUS ENTENDEZ !? DONNEZ-MOI CE QUE JE VEUX !! MAINTENANT !!
Elle lança un regard interrogatoire en direction de la secrétaire.
— Est-ce que tout va bien ? dit la jeune fille, d’une voix inquiète.
— Oui, ne t’en fait pas ! Reste assise, je vais voir ce qu’il se passe.
L’employée laissa en suspens ses affaires et frappa trois coups secs à la porte avant d’entrer.
— Excusez-moi monsieur le proviseur, mais…
À peine elle commença sa phrase que l’invité se leva brusquement et l’interrompit en rajoutant :
— EST-CE QUE VOUS COMPRENEZ CE QUE JE VOUS DIS !? CETTE USINE M’APPARTIENT ! SI VOUS NE ME DONNEZ PAS CE QUE JE VEUX ! JE FERAI DÉMOLIR VOTRE SATANÉ COLLÈGE ! ET VOUS AVEC !
Le proviseur essayait tant bien que mal de rester impassible. Il rehaussa ses lunettes, se racla la gorge et dit à son interlocuteur du haut de son siège :
— Écoutez monsieur Perkins, je vous demande de bien vouloir vous calmer. Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez.

Sissi, très inquiète pour son père, pris son courage à deux mains et improvisa une arme de défense. Elle saisit un vase bleu azure posé sur le bureau de Nicole. Elle retira les fleurs de l’intérieur et les déposa délicatement sur le meuble. Elle compta dans sa tête jusqu’à trois puis elle déboula dans le bureau de son père en criant :
— ATTENTION, JE SUIS ARMÉE ! ALORS LÂCHEZ MON PAPA TOUT DE SUITE !

L’homme, vêtu d’un costume hors de prix paraissait surpris. Devant lui une jeune fille, affublée de couleurs plus que douteuse, lui faisait face.
Les deux bras de Sissi se relevèrent et brandissaient le vase. Elle ne pouvait se retenir de trembler. Par facilité elle saisit d’une main la partie supérieure du vase puis elle le retourna. Visiblement elle avait oublié de retirer l’eau à l’intérieur, car d’une traite tout son contenu se versa sur ses cheveux.
L’homme d’affaire ne put s’abstenir de penser : « Mais à qui essayait-elle de faire peur ? » … Puis il éclata de rire.
— HA ! HA ! HA ! … Il se retourna vers le proviseur et lui dit : C’est votre fille ? … HA ! HA ! HA !
Anxieux, le proviseur aurait bien voulu ignorer cette question. Cependant Sissi avait déjà annoncé qu’il était son père lorsqu’elle fit irruption dans son bureau. Il finit par lui répondre sur un ton méfiant :
— Oui…

Le businessman repris son air sérieux. Il se tourna vers Sissi et dit :
— Du calme petite ! Tu peux ranger ton « arme », ton père et moi parlions affaire… Et puis, j’allais m’en aller. Il réajusta sa cravate et dit :
— Je vois que vous avez une très jolie fille… Jean-Pierre. – il faisait exprès de l’appeler par son prénom – j’espère que vous y veillez comme la prunelle de vos yeux. Il serait fort regrettable qu’il lui arrive quelque chose… de tragique… N’est-ce pas ?
Sissi était angoissée. Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Était-ce des menaces ?

Le proviseur voyait où il voulait en venir. Et il ne tolérait pas les menaces, et surtout pas à l’encontre de sa fille. Brusquement, il se leva de son siège afin de se mettre au même niveau que son interlocuteur, mais ce dernier était plus grand. Il releva la tête dans sa direction, il le regarda droit dans les yeux et lui dit :
— Monsieur Perkins ! Je n’apprécie guère vos insinuations ! Je vais vous demander de quitter mon établissement ! … SUR LE CHAMP !
— Pas la peine de hausser la voix… Comme je l’ai déjà dit, j’allais partir… il hésita quelques instants avant de rajouter : Pensez à mon offre ! Vous avez mon numéro …
Il prit sa mallette et se dirigea vers la sortie. Il salua d’un geste de la main la secrétaire, puis il fit un clin d’œil à Sissi, avant de quitter la pièce en scandant :
— Nous nous reverrons monsieur Delmas !... Très prochainement !... HA ! HA ! HA !

Surprise par la situation, Nicole était restée en retrait. Elle regagna sa place, une fois que l’homme d’affaire quitta le bâtiment.
— Est-ce que tu vas bien mon papa chéri ? Qu’est-ce qu’il nous voulait ce type ?
— Oui je vais bien… dit-il sans vraiment prêter attention à la question de sa fille. Il se jeta sur son siège puis il prit quelques instants pour se remettre les idées en place, et il sorti un mouchoir de sa poche afin d’essuyer la sueur qui coulait sur son front.
— Puis-je savoir ce que tu fais ici, Elisabeth ? dit-il sèchement.
Sa fille était surprise du ton qu’employait son père. Un étranger venait de les menacer et lui demandait ce qu’elle faisait ici…
— Oh… J’étais venu te voir pour savoir si tout était prêt pour la soirée costumée. Mais est-ce que tout va bien ??
— Oui, tout est prêt ! Ne t’en fais pas, maintenant veux-tu bien me laisser seul, s’il te plaît… Encore une fois, il ne répondit pas à la dernière question de sa fille.
La jeune fille comprit qu’il ne voulait pas en parler pour la protéger. Moins elle en saurait et mieux elle se porterait ? Elle conclut par une série de bégaiement :
— Oh... euh… oui… euh… d’accord…
Puis, elle pris en congé sans refermer derrière elle. Elle salua, à son tour, Nicole qui était retournée à ses occupations. En sortant du secrétariat, elle laissa la porte entrouverte, elle se plaça contre le mur et tendit l’oreille vers l’intérieur.

— Nicole, pourriez-vous venir dans mon bureau, s’il vous plaît ? dit le proviseur.
La dame s’exécuta. Elle se leva précipitamment et entra dans l’office de son supérieur.
— Pourriez-vous ressortir les dossiers de comptabilité de 1994 ?
Madame Weber était restée bouche bée.
— C’est que ça remonte à très longtemps, monsieur… Les archives ne sont pas totalement numérisées, ça va nous prendre un certain temps pour les compiler.
— Croyez bien que j’en suis conscient, prenez votre temps. Pourriez-vous aussi contacter mon ami le commissaire Robert Williams. Je dois lui parler de choses très importantes.
« Un commissaire ? » se dit la jeune fille. La situation était plus qu’inquiétante. Était-elle en danger ? Allait-il lui arriver quelque chose ou bien à son père ? Alarmée par la situation, elle arrêta d’écouter. Elle ramassa son sac qui gisait sur le sol et courut vers la sortie…

À ce moment, le proviseur rappela une dernière fois sa secrétaire avant de replonger dans ses activités.
— Ah oui, j’oubliais… sortez-moi le dossier d’un de nos ancien enseignant… Franz Hopper… Il semble y avoir plusieurs irrégularités, et je dois tirer tout cela au clair !


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Chapitre 2: Les secrets sont en dangers !


Sissi fendait l’air jusqu’à en perdre haleine. Il fallait qu’elle s’éloigne le plus loin possible du bureau de son père. Son visage apeuré et la vitesse à laquelle elle se déplaçait suscita l’étonnement de plusieurs collégiens sur son passage. On aurait dit qu’elle était pourchassée par un monstre tout droit sorti des entrailles des enfers.

Odd restait immobile devant la machine. Son doigt effleura plusieurs touches de l’engin sans vraiment savoir sur lequel il allait presser. Il hésita quelques instants avant de placer une pièce dans la fente qu’il inséra d’un coup sec. La machine l’avala aussitôt. Le garçon avait fait son choix. Il appuya sur un bouton sur lequel était mentionné « chocolat chaud ». L’engin fit plusieurs bruits étranges avant qu’un gobelet ne tombe dans le socle et soit totalement rempli. Odd saisit délicatement sa boisson qui était brulante, il sirota quelques gorgé puis il rejoignit ses amis qui se tenaient à quelques pas.

— Bon, de quoi parlions-nous ? dit Odd qui s’incrusta dans la conversation.
— De Sissi, répondit son meilleur ami.
— Ah oui c’est vrai ! le garçon reprit un peu de sa boisson.
— Vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose de changé chez elle ? demanda Ulrich.
— Qu’est-ce que t’entends par changer ? répondit Jérémie d’un air curieux.
— Bah, on dirait qu’elle n’est plus… comment dire cela en faisant preuve de tact…
— Plus… Quiche ? rétorqua Odd.
— Oui ! C’est ça !
Ils se mirent à rire.

Soudain, la japonaise ne se marrait plus. Son attention fut attirée par quelqu’un qui se hâtait à vif allure. Elle y regarda de plus près et reconnu la personne.
— Ah bah tiens ! Quand on parle du loup, dit Yumi avec un large sourire. Elle désigna du regard la fille du proviseur.
Le reste de la bande suivi le regard de la japonaise et reconnut immédiatement la silhouette qui se découpait dans les éclats du soleil. C’était celle de Sissi Delmas. Les cinq collégiens ne purent s’empêcher d’éclater de rire.

Quelques secondes plus tard, Aelita tourna discrètement la tête en direction de sa camarade qui fendait l’air. Surprise et les yeux écarquillés, elle s’arrêta brusquement de rire et la fixa attentivement. Soudain, elle comprit ! Sissi ne courait pas. Non, elle ne courait pas… Son cœur battant la chamade, elle courait comme si sa vie en dépendait… elle fuyait ….

Au même moment, Odd voulu faire une blague, comme il en l’habitude de faire, mais Aelita le coupa dans son élan en prononçant ces quelques mots qui stoppa net à la rigolade.

— Vous avez vu !? Sissi à l’air en danger ! dit-elle sur un ton inquiet.

Ils se tournèrent tous dans la direction de Sissi et virent que quelque chose n’allait pas chez elle. Elle avait l’air affolé.

Odd et Ulrich froncèrent les sourcils. Ils s’échangèrent un regard intrigué et comprirent qu’ils étaient sur la même longueur d’onde.
— X.A.N.A !? répondirent-ils en chœur.
— Ne soyez pas idiot, objecta Yumi sur un ton ennuyé. Oh, mais lâchez la grappe à X.A.N.A. ! Tout cela, c’est de l’histoire ancienne.
— Tout à une fin, répondit Jérémie avec un sourire en coin.


*****



Une demi-heure s’était écoulée après le départ de monsieur Perkins et les choses semblaient être revenues à la normale dans le bâtiment de la direction, du moins en apparence.

Un homme de forte corpulence à la chevelure peu soignée et vêtu d’un imperméable noir couvrant parfaitement son corps traversa le couloir et se dirigea en toute hâte vers une porte où l’on pouvait lire le simple mot « Direction ». De sa main droite, il abaissa la clinche et poussa la porte. Elle s’ouvrit aussitôt et un homme de petite taille apparût. La cinquantaine, le dos courbé, il devait mesurer près d’un mètre soixante.

Immédiatement, une ravissante dame l’accueilli avec joie.
— Bonjour ! Vous devez être le commissaire Williams.
— C’est exact, dit-il avec un petit sourire gâteux.
— Je vais prévenir le proviseur de votre arrivé.

Elle s’empressa de saisir le téléphone posé devant elle et appuya sur une touche. Il n’eut aucune sonnerie, son interlocuteur décrocha aussitôt.
— Oui… il est arrivé, dit-elle
— Faites-le entrer ! s’exclama-t-il d’une voix forte mais qui manquait d’enthousiasme.
La secrétaire raccrocha et s’adressa avec un sourire au policier.
— Monsieur Delmas, vous attend dans son bureau.
— Merci, mademoiselle, termina-t-il.

Il ouvrit la porte du proviseur sans frapper.
Le proviseur se releva aussitôt de son fauteuil et accueilli son vieil, les bras grands ouverts. Son ami fit de même.
— Oh, Robert ! Mon ami, comment vas-tu ? L’accueil du proviseur fut des plus glaciales.
Son interlocuteur hésita brièvement avant de lui répondre. Il voyait bien que Jean Pierre Delmas ne se portait pas bien. Qu’est-ce qui avait bien pu le mettre dans cet état ? Sa voix au téléphone était teintée d’une profonde inquiétude. Devait-il simplement lui retourner la question par simple formule de politesse ? « fini de tergiverser » se dit-il.
— J’ai cru comprendre que c’était important. Je suis venu aussi vite que possible. Dit-il assurément.
— Oui, ça l’est Robert. Assieds-toi.
Il désigna du doigt le siège encore imprégné du parfum du précédent invité.
Le commissaire prit place aussitôt tandis que le proviseur s’installa en face de lui. Ils rehaussèrent tous les deux leurs paires de lunettes et Monsieur Delmas commença par lui raconter toute l’histoire.

*****



Sissi ralenti son pas de course à hauteur de la bande jusqu’à ce qu’elle finisse par les atteindre. Essoufflée, elle finit par s’écrouler sur le sol. Les cinq adolescents avaient la même question sur le bout des lèvres. Pourquoi était-elle dans cet état ?
Aelita s’abaissa à son niveau et d’un geste amical, elle posa sa main sur son épaule en guise de réconfort et lui dit :
— Est-ce que tout va bien, Sissi ?
Mais tout cet effort physique l’avait épuisé. Elle était en sueurs et à bout d’énergie. Les muscles de son larynx se contractèrent, menaçant de lui faire recracher ses organes vitaux. Elle était incapable de prononcer le moindre mot.

Aelita comprit que son amie était déshydratée. Elle se retourna machinalement et observa le cercle de personne qui s’était dressé autour d’elle. Elle vit qu’Odd tenait dans sa main gauche une boisson déjà entamé et qui fumait à peine.
— Passe-moi ton chocolat chaud, Odd ! S’exclama-t-elle.
Il s’exécuta sans broncher et tendit sa boisson en direction de Sissi. Celle-ci était incapable de maintenir de ses deux mains le récipient. Aelita vint en renfort et l’aida à ingurgiter son contenu. Sa gorge était sèche et serrée, le liquide avait du mal à passer à travers. Elle se força malgré tout de boire quelques petites gorgées.


*****



— Je vois… conclu le commissaire.
Il glissa sa main dans la poche de sa veste et saisi un vieux chiffon usé. Il retira sa paire de lunettes et l’essuya délicatement avant de rajouter :
— En voilà une drôle d’histoire. Et tu ne sais pas ce qu’il veut exactement ?
— Je l’ignore, répondit Jean Pierre, inquiet.
L’officier de police voulut répondre mais soudain son téléphone portable émit une brève sonnerie à peine audible.

Bip Bip !
Bip Bip !

Il retira son téléphone de sa poche pour connaître le numéro d’appelant. Il fit une grimace de mécontentement puis il le glissa dans sa poche. Mais la sonnerie retentit de nouveau, contraignant Robert à détourner le regard de son vieil ami qui se tenait devant lui et qui le fixait sans ciller. Il attrapa son téléphone.

— Je suis désolé mais je dois y répondre, s’excusa-t-il avec le téléphone à la main.
Monsieur Delmas acquiesça malgré le supplice que l’on pouvait lire sur son visage.
— Oui Bjorn, qu’y-a-t-il ? … Quoi !?! Comment ça ? s’exclama le commissaire. Très bien ! Restez où vous êtes, j’arrive tout de suite !!
Sentant le danger venir, il s’empressa de prendre congé.
— Je suis vraiment désolé Jean Pierre mais c’est le boulot. Faut que j’y aille…
Il savait bien qu’il ne pouvait pas laisser son ami dans cet état. A ces mots, il rajouta :
— Mais, ne t’en fais pas ! Je vais mettre mes meilleurs gars sur le coup !
Le proviseur semblait un peu rassuré.
— Merci beaucoup Robert.

Soudain, quelqu’un frappa trois fois à la porte avant d’entrer. C’était Nicole qui tenait plusieurs dossiers callés sous ses bras.
— Excusez-moi de vous déranger, mais voici les dossiers que vous aviez demandé
Elle se dirigea d’un pas déterminé vers le bureau de son supérieur. Elle superposa les dossiers les uns sur les autres avant de prendre congé.
— Je vous remercie Nicole.
On pouvait lire en tête de liste le nom suivant : « Franz Hopper ».
— Qui est ce Franz Hopper ? Tu crois qu’il est impliqué ? demanda Robert qui était sur le point de partir.
— Je l’ignore pour l’instant mais je ne veux rien laisser au hasard.


*****



Ils attendirent quelques instants le temps que Sissi reprenne des forces pour lui demander des explications.
— Tu as besoin d’aide ? demanda Yumi impatiente et inquiète à la fois.
Mais Sissi ne l’écoutait pas. Elle avait le regard perdu dans ses pensées, des images défilaient à toute vitesse dans sa tête. Elle se repassait en boucle la scène où elle vit l’homme d’affaire dans le bureau de son père.

Mais Yumi revint à la charge et redemanda si tout allait bien.
— Ça va aller, merci répondit Sissi avant de replonger dans ses souvenirs. Son regard était vide, ses paupières ne clignaient plus, elle était complètement déconnectée du monde extérieur. Les cinq adolescents étaient désemparés « Que lui était-il arrivé ? ». Ils se regardèrent les uns les autres pour savoir si l’un d’entre eux avait une idée, mais ils étaient incapables de fournir une réponse. Encore une fois, Aelita se jeta à l’eau la première.
— Est-ce que ça va Sissi ? Que s’est-il passé ? demanda-t-elle d’une voix douce et rassurante.
Aucune réponse.
Aelita se tourna pour regarder ses amis d’un air triste et inquiet.

— C’est mon père… murmura Elisabeth.
Les jeunes ne comprenaient pas où elle voulait en venir.
— Ton père ? questionna la fille à la chevelure rose. Qu’est-ce qu’il a ?
Elle réfléchit quelques secondes, et au prix d’un effort pénible elle réussit à ravaler sa salive et marmonner quelques mots.
— Quelqu’un m’a menacé, dit-elle sans ton de voix et sans les regarder.
— Qui ta menacé ? Monsieur Delmas !? s’exclama Ulrich qui avait les yeux grands ouverts.

La jeune fille contemplait l’intérieur du gobelet qu’elle tenait de ses mains moites. Le liquide tremblotait à chaque fois qu’elle le secouait. Cela avait un effet hypnotique sur elle. Ça lui rappela les douces brises de la mer, celles où elle avait passé ses vacances d’été avec son père. Elle entendait encore les mouettes voler au-dessus de leur tête, ses cheveux qui claquaient au vent tandis que le parfum des vagues venait caresser ses narines. Elle s’y plaisait bien, elle s’y sentait en sécurité. Mais elle finit par quitter ses rêves et retomba dans la réalité.

Elle prit quelques secondes pour se rappeler de la dernière question qu’on lui avait posée et répondit :
— Oui… – ensuite elle reprit une gorgée du chocolat chaud qui l’avait plongé dans ses souvenirs.

« Que voulait-elle dire par oui » ? » pensa Ulrich avant de s’écrier :
— C’est ton père qui ta menacé !?
— Non, l’homme d’affaire, dit-elle d’un ton terne.
— Celui qui avait sa limousine devant l’école ? rétorqua Odd.
— Oui…
— Et qu’elle est le rapport avec ton père ? objecta Yumi.
— Il disait vouloir parler affaire avec lui.

Ses réponses étaient des plus énigmatiques. Ça ne facilitait pas la tâche à ses interlocuteurs mais ça les aidait un peu.

— Furieux contre quoi ? dit Jérémie, qui n’avait pas prononcé un mot depuis le début.
— Tout s’est passé si vite… – à nouveau, elle revoyait la scène défiler à toute vitesse dans sa tête.
— Allons, concentre-toi, intervint délicatement Yumi. Elle s’abaissa à son niveau et serra les mains de la jeune fille contre les siennes puis elle dit :
— Tu es en sécurité ici. Personne ne pourra te faire du mal…
La japonaise était la plus grande mais aussi une des plus courageuse de la bande. Elle pensait ce qu’elle disait. Ils avaient combattu des personnes aux capacités surhumaines voire une entité qui était autrefois maléfique et dangereux. Ce n’était pas un homme qui s’affichait avec un costume hors de prix qui allait l’effrayer.

Sissi prit quelques minutes pour se concentrer. Puis elle leur raconta brièvement tout ce qui s’était passé dans le bureau de la direction.
— J’étais en train d’attendre dans le secrétariat quand j’ai entendu un homme crier dans le bureau de mon père.
— C’est très bien ! Tu te débrouille très bien, réconforta Yumi.
— On aurait dit qu’il était furieux. Il voulait que mon père lui donne quelque chose…
— Et, est-ce que tu te souviens de ce qu’il voulait ? coupa la japonaise.
Elle réfléchit afin de se rappeler le moindre mot que l’individu aurait prononcé qui lui permettrait de savoir ce qu’il voulait. Mais elle fit choux blanc. Du moins, c’est ce qu’elle pensait.
— Je ne sais plus... Nicole était rentrée dans la pièce pour voir ce qu’il se passait… Mais le type l’interrompu. Il a dit à mon père qu’il devait lui donner ce qu’il voulait car l’usine lui appartenait.

Il eut un silence. L’adolescente se mit à réfléchir mais elle ne savait toujours pas ce qu’il revendiquait. En revanche, les cinq comparasses, qui écoutaient attentivement chaque mot qui sortait de sa bouche comprirent immédiatement de quoi parlait cet homme, mais ils ne dirent rien mis à part s’échanger des regards inquiets.
Jérémie voulait en être sûr…
— Est-ce que tu sais de quelle usine il parlait ? dit-il préoccupé.
La collégienne prit une dizaine de secondes avant de répondre.
— Non, dit-elle avant de terminer son histoire.
— Je suis entrée dans la pièce et c’est là qu’il nous a menacés. Mais, mon père lui a demandé de quitter son bureau et il a téléphoné à la police…
— C’est très bien Sissi ! conclu Yumi. On va te raccompagner à l’infirmerie juste au cas où.
Elle acquiesça.


*****



Jean Pierre Delmas était là, assis sur son bureau, à examiner tous ces dossiers qui occupaient tout l’espace sur le bureau. Tandis que plusieurs feuilles gisaient sur le sol. Il était littéralement noyé dans ses documents. Il les avait consultés une dizaine de fois et pourtant il n’y comprenait absolument rien. Quelque chose lui avait échappé. Il ne savait plus où il voulait en venir.

Il finit par se relever rapidement et se dirigea vers la porte. Il fallait qu’il s’aère les idées. Il saisit adroitement la clinche et l’abaissa pour ouvrir la porte. Il se tourna une dernière fois avant de pousser celle-ci. Il ne put s’empêcher de remarquer le désordre qui régnait dans son bureau. Des dizaines de feuilles occupaient l’office.
Soudain, une feuille jaunâtre couchant sur le sol et qui se distinguait de ses voisines retenu son attention. L’avait-il consulté ? Il ne s’en souvenait plus. Il lâcha la poignée de la porte et ramassa ce document. Monsieur Delmas fixait attentivement son contenu.

Soudain, tout devint plus clair ! Ses yeux s’écarquillèrent.

— Mais qui êtes-vous Monsieur Hopper ? ... demanda-t-il suspicieux.


*****



Sissi était allongée sur le lit de l’infirmerie. Yolande l’ausculta avec beaucoup de précaution. Elle souleva légèrement chacune de ses paupières. Elle prit son stéthoscope qui était posée sur une petite table à côté d’elle et écouta les battements de cœur de la patiente. Puis elle effectua toute une batterie de test.

Les jeunes attendaient à l’extérieur, dans le couloir. Ils profitèrent de leur solitude pour enfin discuter de ce que Sissi leur avait révélé. Ils formèrent rapidement un cercle parfait autour d’eux. Le silence le plus total régnait. L’un d’entre eux finit par le briser :

— Est-ce que vous pensez qu’il s’agit de l’usine ? Notre usine ? insista Odd.
— Je ne sais pas, répondit Aelita. Je croyais que ce bâtiment était à l’abandon ?
— Et c’est le cas ! Mais quel est le lien avec le proviseur ? objecta Jérémie.
— Vous croyez qu’il est au courant pour l’usine ? Enfin… Je veux dire pour le supercalculateur ? rajouta Ulrich.
— Ce serait complètement absurde ! s’exclama le surdoué sans hésiter une seconde. Il n’y a que nous qui avons connaissance pour Lyoko, les scanners et…
— Et X.A.N.A… intervint Ulrich.
— Oui… Mais, quel est le rapport entre monsieur Delmas et l’usine ? demanda Yumi.
— Je l’ignore… Il est évident que s’il était au courant pour le supercalculateur, il nous aurait arrêtés depuis longtemps… Je vais aller dans ma chambre pour en savoir plus.
— Je t’accompagne ! T’auras, sans doute, besoin d’aide, dis Aelita.
Einstein fit un sourire d’approbation.
— Vous, restez ici et prévenez-nous si l’état de Sissi s’améliore.
Les deux compères quittèrent le bâtiment et le couloir replongea dans un silence de cathédral.


*****



Il était assis sur son bureau, avec un verre de vin blanc quasi vide à la main et un sourire aux lèvres. Les rayons du soleil illuminaient son office. Derrière lui, la fenêtre entrouverte laissait filtrer un brin d’air frais mêlé aux bruits de la circulation avoisinante.

Devant lui, un dossier ouvert qu’il avait feuilleté sans relâche mais qui lui procurait un malin plaisir de récidiver. Il contemplait méticuleusement chacune des feuilles présentes. Chacune des preuves qu’il avait recueillies... En avait-il assez ? Il n’en savait rien.

Il détacha son regard de la pile, il déposa son verre et ouvrit avec délicatesse le premier tiroir de son bureau pour en sortir un bloc-notes. Il saisit le premier stylo qu’il trouva posé sur la table et griffonna une série de mots. Une fois terminé, il découpa le papier avec soin et le posa bien en évidence sur le meuble qu’il observa avec attention. Cela faisait partie de son plan. Ce bout de papier était son plan.

Il reposa son stylo là où il l’avait pris puis il se releva brusquement. Délaissant son bureau, il s’avança à petit pas vers la vitre qui se trouvait à son dos, le regard perdu dans ses pensées. Il se mit à épier les moindres faits et gestes des sales parasites, comme il aimait les appeler, dix mètres plus bas.

Il repensa à son plan. Il n’était pas sûr que la première étape fût accomplie avec succès. Il craignait qu’il n’en ait pas fait assez. Toutefois, il savait qu’il ne pouvait plus faire machine arrière, la première phase était déjà lancé. Il retourna à son bureau et fixa du regard la feuille fraîchement découpée.

Il reprit le style avec lequel il avait écrit ces quelques mots puis il raya d’un coup sec la première phrase qui mentionnait :

Phase 1 : l’intimidation

Il replongea dans son dossier. Numéros de comptes bancaires, factures, statuts de différentes sociétés, il avait tout passé au peigne fin. Rien ne lui avait échappé, ou presque…

Cette usine cachait un secret, et il avait bien l’intention de le découvrir… Et ce, quel qu’en soit le prix…

Il se resservi un peu de vin et se délecta du liquide fluide qui s’écoulait dans sa gorge. Il relu une dernière fois le petit bout de papier et entoura la seconde phrases :

Phase 2 : éliminer les contrevenants


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Chapitre 3: Le clou de la soirée


Depuis leur sorti de l’infirmerie, le carré de ciel bleu fut masqué par un triste et très large nuage gris. Aelita observait avec attention cet imposant cumulonimbus qui prenait place juste au-dessus de sa tête. Le ciel s’était couvert d’une épaisse couche de nuage qui devenait de plus en plus menaçant. Le vent souleva délicatement les feuilles mortes à ses pieds avant de les faire tournoyer. Au loin, les branches d’arbres dansaient et un sifflement aigu se faisait entendre. Le vent commençait à souffler sans retenu. La jeune fille était émerveillée par les forces de la nature qui l’entourait. Tout lui semblait parfaitement bien synchronisé.

De son côté, Jérémie senti que le temps commençait à refroidir. Il rehaussa d’un coup sec ses lunettes puis jeta sa main droite dans la poche de son pantalon comme un vulgaire objet. Il releva la tête en direction du ciel et il se mit à observer attentivement le défilement des masses d’air. Sa conclusion ne tarda pas. Il tourna la tête en direction de son amie aux cheveux roses. Elle paraissait absorber par autre chose. Tous deux avançaient, côte-à-côte, dans la cour laissant le froid caresser leurs visages.

— Nous devrions nous dépêcher Aelita, dit-il sur un ton neutre. On dirait qu’on va avoir droit à de l’orage cette après-midi.
L’adolescente prit quelques instants avant répondre. Elle continuait à contempler la valse des feuilles d’arbres orange et rouges qui effectuait une chorégraphie parfaite autour d’eux. Elle observa plusieurs séries d’arrêts et elle n’avait pas terminé de calculer la durée moyenne des tourbillonnements. Mais elle finit par lâcher prise et répondit à son interlocuteur.
— Oui tu as raison Jérémie.
Il répondit à son tour avec un sourire. Un silence s’installa à nouveau entre eux et ils accélérèrent leurs pas. Tous deux continuèrent à avancer dans cette cour de récréation qui était devenu quasi désert. Il était midi et demi et la plupart des collégiens étaient au réfectoire.

Le regard perdu dans le vide, Aelita replongea dans ses pensées. Les images défilaient à vitesse grand V dans sa tête mais tout était encore là. Elle se souvenait du moindre détail. Elle revoyait en boucle la scène où Sissi courrait à vif allure dans la cour.
Le moment où elle leur avait dit qu’elle aurait été menacée.
L’instant d’après, Sissi était allongée sur le lit de l’infirmerie après avoir subie un véritable choc. Aelita ne put s’empêcher de se poser des questions. « Mais qui était donc cet homme et pourquoi avait-il menacé le proviseur et sa fille ? » De plus, « de quelle usine parlait-il ? » « S’agissait-il de leur usine ? » La jeune fille ne savait pas si elle devait rester calme ou si elle devait s’inquiéter. Autant de questions qui tournèrent dans sa tête mais qui ne trouvaient pas de réponses. Elle balaya du regard Jérémie qui marchait d’un air déterminé. Depuis qu’ils étaient sortis de l’infirmerie, ils n’avaient pas beaucoup parlé. Aelita décida de briser ce silence gênant et dit :
— Tu crois qu’on devrait s’inquiéter Jérémie ?
Ce-dernier semblait impassible. Il manifestait une nonchalance vis-à-vis des évènements qui venaient de se produire. Mais intérieurement il était dans le même état que sa meilleure amie. Il s’était aussi posé les mêmes questions que celle-ci et sans pour autant trouver de réponse concluante. Il essaya de rendre son regard déterminé, d’y effacer tous les doutes qu’il ressentait au fond de lui. Puis il finit par répondre :
— À propos de quoi ?
— Bah tu sais, pour Sissi… – elle hésita un bref instant puis elle rajouta – et pour l’usine.
Jérémie prit plusieurs secondes avant de répondre. Il cherchait les bons mots.
— Pour l’usine, il est clair qu’on n’a pas de souci à se faire. Tu sais bien que plus personne ne peut y accéder.
Aelita savait qu’il avait raison sur ce point. Après l’extinction du supercalculateur, ils avaient décidé qu’il ne fallait courir aucun risque afin d’éviter que quiconque ne puisse découvrir le supercalculateur. Ils avaient bloqué définitivement le monte-charge et ils avaient condamnés tous les accès secondaires aux différentes salles du supercalculateur.
— Par contre, pour Sissi, je ne sais pas trop. Il faudrait attendre que son état s’améliore pour en savoir plus.
Aelita fit un geste de la tête pour lui signifier qu’elle était d’accord.
Le regard de Jérémie s’adoucit, et plongea à son tour dans le vide, reprenant sa posture initiale, celui de penseur insouciant. Cependant cela fut de courte durée car Aelita décida de revenir à la charge en lui posant une seconde et dernière question.
— Au fait, tu veux bien que l’on fasse un détour au réfectoire ? dit-elle avec un sourire en coin.
Jérémie ne comprenait pas pourquoi elle voulait s’y rendre. Ils étaient en chemin pour se rendre aux dortoirs et il n’y avait rien à faire au réfectoire. « Avait-elle faim ? » se demanda-t-il. Ils avaient plus important à faire pensa-t-il. Il se tourna vers la jeune fille pour lui poser la question. Son regard avait changé. Il paraissait confus et Aelita l’avait compris. Elle lui coupa l’herbe sous le pied et dit :
— Je pense que nous devrions aller voir Milly et Tamiya. Les connaissant, elles ont sans doute d’autres informations concernant notre mystérieux personnage, dit-elle avec enthousiasme et un sourire non dissimulé.
Il réfléchit un court instant et finit par admettre :
— Oh ! C’est une excellente idée Aelita !
Ils changèrent de cap et se dirigèrent vers le réfectoire. Les impressionnantes masses qui couvraient le ciel laissèrent filtrer un filet de lumière qui vint se poser délicatement sur leurs dos. Ils marchaient sans faire de pause, accélérant parfois le rythme lorsque le vent se calmait.

Ils avaient quitté la cour de récréation pour gagner la cour des réfectoires. Jérémie sorti ce qui semblait être un chiffon de la poche arrière de son pantalon et nettoya délicatement ses lunettes. Une fois terminée, il se tourna en direction d’Aelita et lui dit tout naturellement :
— Au fait Aelita, la réponse que tu cherchais est 4 secondes et 47 millisecondes.
Ils s’arrêtèrent de marcher. Aelita se tourna à son tour en direction de Jérémie, laissant s’installer un nouveau silence. La lumière du jour éclairait la moitié de leurs visages tandis que le vent soulevait légèrement les cheveux de l’adolescente. Jérémie attendait la réaction de la jeune fille. Il l’observait sans cligner des yeux avant de voir un sourire s’esquisser sur le visage d’Aelita. Tous les deux finirent par éclater de rire et reprirent la route.

Cependant, les deux collégiens ignoraient qu’au loin, caché derrière un arbre, une silhouette les observait.

*****


Perché derrière son bureau, le proviseur fixait du regard la feuille qu’il tenait de sa main droite. Au premier abord cela lui parut clair, mais il n’en était rien. Il n’y comprenait absolument rien. Cela faisait plusieurs minutes qu’il n’avait cessé de chercher des liens logiques dans cette affaire.

Le document présentait plusieurs plis ci et là suggérant une utilisation multiple. Il n’était plus très neuf non plus, la date mentionnait le 4 avril 1994. Les informations qu’elle contenait lui semblait déconcertante voire improbable. L’en-tête n’était plus très lisible mais il était encore possible d’identifier le nom destinataire, Franz Hopper. En dessous, un numéro de compte était indiqué. « Sans doute celui de Franz Hopper » pensa le proviseur. Il s’agissait d’un relevé de compte trimestriel. À première vue, il n’y avait rien d’anormal sur ce document. Cependant plusieurs éléments finirent par attirer son attention. Il constata trois versements pour un montant exact de 17.000 francs. « D’où pouvait bien provenir cet argent ? » s’interrogea-t-il. Et surtout, « comment un professeur de sciences pouvait gagner autant d’argent en plus de son salaire d’enseignant ? »

Il plaça ses mains sur ses tempes et simula une longue réflexion. Il repensa à la carrière de cet enseignant qui n’avait jamais posé problème mais qui avait disparu sans crier gare. Soudain, il se rappela ce que l’agent immobilier lui avait dit lors de leur entretien.
— C’est ça ! grommela le proviseur.
Ses dents se resserrèrent, sa poitrine se souleva, son rythme cardiaque accéléra et il laissât la colère envahir tout son corps. Cela lui paru évident. Il se dit qu’il avait trouvé la raison qui avait poussé l’ancien professeur de science-physique du collège Kadic à s’enfuir.

Tout à coup, sans aucun préavis, quelqu’un fit irruption dans son bureau. La porte claqua violemment contre le mur, le faisant sursauter. Il se tourna vers l’ouverture et vit le visage de Nicole.
— Bon sang Nicole, je peux savoir ce qu’il vous a pris ? dit-il embêté.
— Je suis désolé monsieur mais c’est Yolande ! Elle dit que votre fille est à l’infirmerie !
Le sang du proviseur fit un tour avant de jeter brutalement la feuille qu’il avait en main sur son bureau. Il se releva aussitôt de son bureau, saisit sa veste et quitta brutalement le bureau de la direction.

*****


Aelita et Jérémie se dressaient devant la porte de la chambre de ce-dernier. Ils revenaient du réfectoire et Milly et Tamiya leurs avaient fourni quelques informations mais rien qu’ils n’ignoraient. Une fois la clinche abaissé, ils ne pouvaient plus faire machine-arrière, ils devraient découvrir ce qui se cachait derrière cet agent immobilier. Jérémie descendit graduellement la poignée et ouvrit la porte. Il se dirigea aussitôt devant son ordinateur qui était en veille. Aelita referma derrière elle et s’installa machinalement sur le lit de Jérémie. Elle déposa son sac à côté d’elle et retira délicatement son ordinateur portable. Elle le plaça sur ses genoux, redressa l’écran et l’alluma sur simple pression d’un bouton circulaire.

De son côté, le surdoué s’installa sur sa chaise de bureau. Des miettes de chips étaient disposées aléatoirement sur son clavier tandis que le paquet entièrement vide était laissé à l’abandon au-dessus d’un livre de mathématique.
— Oooodd ! s’exclama Jérémie exaspéré.
Jérémie ouvrit le second tiroir de son armoire et saisit une brosse avant de commencer à nettoyer son bureau devant le regard dubitatif d’Aelita. Par la suite, il s’assit à nouveau sur sa chaise et exécuta un programme sans nom. Il entra toutes les informations pertinentes qu’ils détenaient sur le dénommé Perkins. Puis il se mit à pianoter frénétiquement avant de presser la touche « entrer » de son clavier. Soudain, plusieurs fenêtres d’écrans s’ouvrèrent et se fermèrent sans relâche indiquant une recherche sur plusieurs fronts. Il se rapprocha de la surface vitrée de son ordinateur qui se reflétait sur sa paire de lunettes et patienta. Une barre de chargement était mis en évident au centre défilant insensiblement.

Plusieurs minutes plus tard, un étrange "bip" résonna, déchirant le silence qui avait gagné l’intérieur de la pièce. Alerté par le son, Aelita releva aussitôt la tête, balayant du regard Jérémie. « Avait-il trouvé quelque chose ? » se demanda-t-elle. Elle vit le jeune garçon absorbé par ce qu’il était en train de lire. Sentant l’impatience de son amie, Jérémie tourna la tête vers l’adolescente et lui dit :
— Aelita, viens voir. Je crois que j’ai quelque chose.
Elle saisit l’appareil qu’elle détenait devant elle et le déposa adroitement près de son sac. Elle se releva et se plaça à côté de son ami, observant à son tour les données recueillies. À première vue, elle ne comprenait pas trop ce qu’il fallait regarder. La page détaillait les activités d’une compagnie immobilière opérant dans la ville, mais ne contenait aucune information sur le mystérieux personnage sur lequel ils enquêtaient. Avait-elle mal lu ? Elle relu une seconde fois en faisant attention à chaque mot afin de s’assurer que rien ne lui échapperait cette fois-ci. Soudain, un paragraphe retint son attention. « C’était gros comme une maison », pensa-t-elle. Aelita et Jérémie s’échangèrent des regards de satisfaction, la première finit par dire très sérieusement:
— Je préviens les autres.

*****


Dans les dortoirs du collège Kadic, une ombre avançait à petits pas en direction de la chambre de Jérémie. L’individu prenait soin de ne pas émettre le moindre bruit. Arrivé devant la porte, il posa délicatement l’oreille contre la paroi pour écouter ce qui se disait. Il faisait attention à ne pas trop s’appuyer afin de ne pas trébucher et entrer avec grand fracas dans la pièce.
— Mais qu’est-ce qu’ils font ? dit Jérémie impatient.
Vingt-cinq minutes s’étaient écoulées depuis qu’ils avaient contacté leurs amis et ils n’étaient toujours pas arrivés. Il replongea sur son ordinateur en tapotant sur son clavier pour oublier l’absence du reste de la bande.
— J’espère que l’état de Sissi n’a pas empiré, répondit Aelita inquiète.

Soudain, des rires provenant de la cage d’escalier stoppa l’espion. On aurait dit les voix de deux jeunes. Une fille et un garçon pour être précis. Il se redressa aussitôt, balança des rapides coups d’œil aux alentours et se dirigea en quatrième vitesse vers une autre sortie. Au moment où il voulut pousser la porte, il se fracassa la tête contre le panneau hors service qui pendait sur la porte de droite.
— Tu as entendu, dit Aelita ?
— Entendu quoi ? rétorqua Jérémie indifférent tout en continuant à pianoter sur son ordinateur.
L’inconnu se releva rapidement et poussa la seconde porte qui composait la double porte du couloir avant de quitter le bâtiment.

À l’autre extrémité du dortoir, deux adolescents accédèrent au couloir et s’arrêtèrent à leur tour devant la porte de la chambre de Jérémie. L’un des deux poussa la porte et entra. Il s’agissait d’Ulrich qui était accompagné de Yumi.
— Salut Einstein, alors vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ? s’exclama le premier.
À ces mots, les bruits de clavier qui résonnaient dans la pièce s’arrêtèrent subitement. Jérémie posa ses mains sur son bureau et fit pression sur celle-ci afin d’effectuer une rotation de 180 degrés sur lui-même.
— Ah bah vous voilà ! Qu’est-ce que vous faisiez ? répondit-il agacé.
— On a croisé Delmas, répliqua Ulrich le pousse relevé et indiquant le couloir comme si le proviseur était derrière eux. On lui a expliqué ce qu’il s’était passé avec Sissi.
Il prit place sur le lit du surdoué tandis que Yumi prenait soin de fermer la porte derrière elle avant de venir s’adosser contre l’imposant armoire qui occupait le mur de droite. Elle jeta un rapide coup d’œil par-dessus l’épaule d’Einstein et vit plusieurs programmes en cours d’exécution.
— Et comment va-t-elle? demanda Aelita.
— Elle va mieux, répondit Yumi. Elle était un peu sonnée mais Yolande lui a donné quelque chose qui l’a très vite remise sur pied.
— Et où est Odd ? rétorqua Jérémie.
— Oh, il a dit qu’il nous rejoindrait plus tard, répondit à son tour Ulrich.
Jérémie semblait embarrassé. Il aurait préféré que toute la bande soit au complet.
— Alors, vous avez du nouveau ? renchérit la japonaise sur un ton curieux.
— Tout à fait ! dit Aelita avec un sourire.
Elle saisit son ordinateur portable qui était resté en retrait sur le lit de Jérémie et ouvrit le dossier dans lequel elle avait rangé toutes les informations récoltées. Ulrich ne put s’empêcher d’observer la manœuvre. Elle double cliqua sur un fichier nommé F. Perkins qui s’ouvrit en un battement de cil.
— Alors, notre homme s’appelle Franck Perkins, enchaîna la jeune fille. Il est agent immobilier et travail depuis 7 ans pour la compagnie IWS…
— Donc Milly et Tamiya avaient raisons ? interrompit Ulrich amusé.
— Oui pour une fois, lui répondit Jérémie avec un sourire en coin.
— Ce n’est pas cette société qui détient des contrats de ré-embellissement de la ville ? interrogea Yumi.
— Oui, tu as raison. C’est bien eux, affirma Aelita.
— Mais comment tu sais ça toi ? fit Ulrich visiblement étonné.
— Ils ont un chantier non loin de chez moi.
— Le problème, repris Jérémie, c’est que cette compagnie traite exclusivement des dossiers situés dans les zones commerciales de la ville.
— Et où est le problème ? demanda Ulrich.
— Elle ne travaille pas dans les zones industrielles, conclut Aelita.
— De plus, il n’y a aucun projet urbanistique à venir ou en cours d’étude dans un rayon d’un kilomètre.
— Dans ce cas, pourquoi ce Perkins chercherait à obtenir l’usine ? fit Yumi.
— Je ne pense pas qu’il s’agisse de l’usine désaffectée…, répondit sereinement Jérémie.
Il saisit un boitier d’un bleu azure qui s’étendait sur son bureau et en ressortit un chiffon. Il retira un instant ses lunettes et porta délicatement le tissu contre les vitres, effectuant des mouvements circulaires sur celles-ci. Une fois achevé, il replaça la paire de lunette devant ses yeux pour mieux voir ses interlocuteurs et conclut sa phrase:
— … Mais on ne peut pas écarter l’impossible, reprit-il laissant le doute submerger la chambre.

*****


Mercredi 23 octobre, 2 heures et 47 minutes. Il était tard. La nuit était tombée sur le collège Kadic et tout le monde dormait. Excepté quelques irréductibles qui étaient restés éveillés dans les rues avoisinantes. Les bâtiments du complexe n’apparaissaient au dehors que par les lampadaires qui ne les éclairaient que faiblement. Le ciel était dégagé, on pouvait y admirer quelques étoiles scintillées au loin, celles qui combattaient tant bien que mal la pollution lumineuse émise par la ville.

Devant l’enceinte du collège, une légère silhouette se dessina dans la pénombre. La lune surplombait toute la scène. Elle avançait tête baissée, en compagnie du silence profond qui régnait dans la rue. Enveloppée dans son habit obscur, il n’était pas possible de distinguer le moindre détail de la personne. Soudain, elle s’arrêta brusquement près la grille d’entrée. Elle lança plusieurs regards furtifs aux alentours pour vérifier s’il n’y avait personne. La rue était inerte et dépourvue de vie. Elle s’adossa contre le mur, introduisit la main dans la poche intérieure de son imper et retira un paquet de cigarette ainsi qu’une boite d’allumettes. Elle plaça délicatement la cigarette sur le bout de ses lèvres et grilla une allumette qui résonna dans la rue, trahissant le silence et l’auteur du bruit. Savourant chaque bouchée, elle patienta dans cette position quelques minutes. Qu’attendait-elle ? Elle finit par redresser son avant-bras gauche devant son visage à peine distancé de plusieurs centimètres.
— Il est l’heure ! pouvait-on entendre dans la rue, brisant une seconde fois le silence et la paix qui la régissaient.

Ce fut sans problème que l’individu réussit à ouvrir la grille en fer sans qu’il ne laissât échapper le moindre bruit. Plongé dans le noir, il prit le chemin de droite et traversa le parc en courant à toute allure. Pas un chant d’oiseau ni surveillant, c’était parfaitement calme. Il continua à s’avancer rapidement jusqu’à arriver devant un imposant bâtiment. La porte était à son tour verrouillée, mais une fois de plus, il ne rencontra aucun souci à la déverrouiller. Arrivé à l’intérieur, il marchait gracieusement comme s’il était le maitre des lieux. Son regard glissait sur les portes et couloirs jusqu’à ce qu’il finisse par arriver à destination.

L’office était plongé dans le noir. La lune et les étoiles baignaient la pièce dans une douce lumière nuitée. On devinait l’ombre d’un bureau sous la fenêtre. L’étranger ouvrit une seconde porte et s’enfonça davantage dans l’édifice. Il entra dans un local encore plus sombre que le précédent. Il s’approcha de la fenêtre obstrué par des tentures qui laissaient passer un brin de lumière, d’où il contempla les objets déposés sur le bureau. Il effleura délicatement de l’index le cadre qui jonchait à gauche du bureau avant de le saisir tendrement. Il examina chaque élément qui composait le cliché. On pouvait y distinguer deux personnages, un adulte et un jeune. Plus précisément, une adolescente. Il ne put s’empêcher d’émettre un rictus qui déchira le silence qui régnait dans le bureau avant de redéposer l’objet.

L’inconnu inséra une main dans la poche intérieure de sa tenue et en ressortit avec une grosse enveloppe d’un marron assez clair. Il balaya du regard le bureau, recherchant un endroit bien stratégique où la déposer. L’espace se devait être dégagé afin de mettre en évidence le paquet. Après moult hésitations il plaça l’objet juste devant lui, en face de fauteuil.

La mission fut accomplie avec succès. Il quitta l’établissement sans émettre le moindre bruit, laissant le collège replonger dans un ultime silence et une profonde monotonie que seule la nuit pouvait lui procurer.

*****

Les premiers rayons du soleil éclairèrent le ciel qui changea rapidement de couleur, offrant un spectacle inoubliable aux quelques lève-tôt. Les premiers chants des rossignols mirent fin au silence de la nuit, poussant les internes du collège Kadic à se lever.

Sissi fut réveillée par son radioréveil qui jouait le dernier single en vogue des Subdigitals. Elle pressa d’un coup de poing fébrile le bouton au-dessus de l’appareil qui indiquait 7 heures. Elle se releva de son lit, se gratta les cheveux puis s’étira les bras sous les faisceaux lumineux du soleil qui illuminaient la pièce. Elle se dirigea vers le miroir où elle contempla sa silhouette. Elle se portait beaucoup mieux.

Elle se ressassa la discussion qu’elle eut avec son père à l’infirmerie où ils n’étaient que tous les deux. Yolande avait alors quitté un instant le local, préférant laisser père-fille en tête à tête. Le proviseur Delmas était au chevet de sa fille qui avait repris connaissance.
Elle lui demanda des explications quant à cet énergumène qui menaça leurs paisibles existences, mais le père resta vague dans ses affirmations préférant ne pas inquiéter davantage sa fille qui passait une mauvaise passe. Il lui caressa tendrement les cheveux et saisi la main de sa fille, lui susurrant à l’oreille le plus sérieusement du monde :
— Je te promets que personne ne te fera du mal Elisabeth, ni maintenant ni jamais.
Ces quelques mots rassurèrent la jeune fille qui mima un sourire de contentement.

Aujourd’hui, elle se tenait debout, bien droite face à sa glace qui reflétait son corps encore engourdi par la fatigue. Elle se tourna vers sa garde-robe, ouvrit les portes des deux mains cherchant une tenue appropriée pour cette semaine qui s’annonçait finalement inoubliable.

*****


Dans le bâtiment administratif du collège, le responsable des lieux avançait vers son bureau. Il arriva devant le bureau de la direction et abaissa la poignée. Le secrétariat était illuminé par les doux rayons matinaux du soleil. Devant lui, il vit Nicole accrocher sa veste puis s’installer derrière son bureau, visiblement elle venait d’arriver aussi.
— Bonjour monsieur Delmas, dit-elle avec un large sourire radiant toute la pièce.
Elle lui tendit un gobelet de café fumant, indiquant qu’il était encore chaud. L’intéressé le saisit et le remercia aussitôt. Il pénétra dans son office qui baignait dans l’obscurité. Il déposa son café sur son bureau, plus précisément à côté de la photo où il apparait aux côtés de sa fille Sissi, et tira vigoureusement les tentures qui filtraient la lumière du jour.

Il s’installa à son tour derrière son bureau et récupéra le récipient bouillant. Il avala une légère gorgée de son café au goût amer, mais une enveloppe qui n’était pas présente la veille sur son bureau retint son attention.

Elle ne présentait aucun cachet de la poste ni mention de l’expéditeur. À première vue, aucune information ne permettait de déterminer son origine. Il retourna l’enveloppe et retira soigneusement la languette, permettant d’en retirer le contenu.

Soudain, les yeux du proviseur s’écarquillèrent estomaqué par ce qu’il avait devant les yeux. Le paquet contenait une photo. Une seule photo qui fut prise il y a deux jours. Il reconnut sans aucun problème les lieux. Il s’agissait du centre commercial au centre-ville.

Il saisit immédiatement le téléphone fixe près de son ordinateur et pressa une touche rectangulaire. De l’autre côté du bureau, une sonnerie envahie la pièce. Nicole décrocha aussitôt le combiné sans faire attendre l’interlocuteur.
— Collège Kadic, bonjour, dit-elle poliment.
— Nicole, savez-vous qui a déposé cette enveloppe sur mon bureau ? demanda Jean Pierre inquiet.
— Monsieur Delmas ? De quelle enveloppe parlez-vous ? répondit la secrétaire qui ne voyait pas de quoi parlait son supérieur.
— Non laissez tomber – raccrochant aussitôt l’appareil.

Le regard fixé sur l’aiguille des secondes d’une horloge accroché au mur, le proviseur réfléchissait, tentant de maintenir son sang froid e se frottant d’une main la barbe. Qui avait bien pu prendre cette photo et qui l’avait déposé sur son bureau ? Intérieurement il avait peut-être une idée du suspect, mais il ne préférait pas prendre de risque.

Il reprit le téléphone qu’il venait de redéposer et composa un numéro. Le téléphone de son correspond sonna trois fois, mais à la quatrième sonnerie il décrocha et dit le simple mot :
— Allô ?
Le proviseur scruta la photo qu’il avait devant lui. Il avait immédiatement reconnu les lieux. À l’arrière-plan, on pouvait aisément distinguer les enseignes très réputées du centre commercial. Tandis qu’à l’avant plan, deux personnes occupaient la scène. Un adulte et une adolescente qui tenaient des sacs à la main. Une fois de plus, il ne rencontra aucun problème à les identifier puisqu’il s’agissait de nul autre que de lui accompagné de sa fille, Elisabeth. La particularité de cette photo était qu’elle fut non seulement prise au dépend des deux personnages, mais que le visage de Sissi était couvert d’une cible rouge tracée à la main. Au dos du cliché, on pouvait lire les quelques mots :

À vendredi !

Bien déterminé à tenir la promesse qu’il avait faite à sa fille, il répondit à son interlocuteur.

Oui, cette semaine risquait d’être inoubliable…

*****


Vendredi 25 octobre, 18 heures et 56 minutes. À l’intérieur de la salle des fêtes, les caissons de basses disposés aux quatre coins de la pièce hurlaient de la musique, invitant par la même occasion les collégiens sur la piste de danse.

À l’entrée, un attroupement d’adolescent s’était formé empêchant toute intrusion sans accord préalable. La bande à Belpois s’avançait à un rythme singulier formant une rangée rectiligne parfaite, laissant l’extrémité supérieur du déguisement d’Odd casser cet ordre. Ce-dernier arborait fièrement une tenue suggérant un hot-dog à la moutarde. Le blondinet n’ayant pas eu le temps de dénicher l’affublement parfait pour cette soirée, il alla se servir dans le local des costumes de monsieur Chardin. Malheureusement, les seuls accoutrements qui restaient n’étaient que des vêtements qui dataient de la dernière représentation effectuée pour les élèves de sixième sur la nutrition. (désolé, private joke xD)

Soudain, Yumi s’arrêta à une trentaine de mètres devant la porte d’accès à la soirée, suivit d’Ulrich.
Interloqué, Odd demanda :
— Bah alors, vous venez ?
Yumi et Ulrich s’échangèrent un regard complice, laissant le second prendre la parole :
— Non, on va encore rester un peu dehors, fit Ulrich rajoutant un clin d’œil en direction de son meilleur ami.
Aelita et Jérémie se regardèrent amusés par la situation tandis que le blondinet répondit avec enthousiasme :
— Comme vous voudrez les tourtereaux.
Les deux protagonistes se contentèrent de rougir. Cela faisait plusieurs semaines que leur relation était officieuse ne souhaitant pas l’ébruiter, mais quasi tout le collège s’était déjà passé le mot.

Plus loin, dans la masse qui s’était agglutinée à l’entrée, une personne tenta de se démarquer. Elle était vêtue d’une longue robe s’étendant jusqu’au sol et immaculée d’un rouge vermillon et de noir. Ses cheveux longs et châtains lui arrivaient jusqu’au coup tandis que deux cornes étaient dressées de part et d’autres de son crâne. Elle hissa le bras droit et fit des signes de la main en direction des ex-lyokoguerriers.

Odd regarda en direction de l’individu qui leur faisait de grands signes, et le reconnu immédiatement.
— Oh ! C’est Adeline. Faut que je vous laisse… dit-il avant de prendre la poudre d’escampette.
Le reste de la bande resta bouche bée, ignorant que le blondinet avait rendez-vous avec une fille.
— Vous savez qui est cette Adeline ? fit Yumi.
— Elle est nouvelle à Kadic, elle s’est inscrite il y a quelques jours, répondit Aelita.
— Et pas de bol, elle est tombée sur Odd, fit à son tour Jérémie.
— J’espère que l’odeur ne lui a pas brûlé les poils du nez, rétorqua Ulrich provoquant l’hilarité général.

Au loin, près du bâtiment, deux personnes discutaient longuement. Il s’agissait de Jim et du proviseur Delmas qui semblaient revoir une dernière fois les consignes de sécurité de la soirée, avant de se séparer. Jim se fraya se chemin à travers le groupement de collégiens qui obstruait l’entrée tandis que le proviseur se dirigea vers la cour des réfectoires.

*****


Ulrich et Yumi restèrent à l’extérieur tandis qu’Aelita, Jérémie rejoignirent Odd et sa nouvelle copine. Le jeune couple décida de profiter de la pleine lune en effectuant une balade dans le parc du collège. Ils s’engagèrent sur un sentier choisi au hasard et commencèrent à marcher sans avoir déterminé leur destination.

Plusieurs mètres plus loin, Yumi senti l’air se charger en humidité tandis qu’une brume opaque envahie soudainement l’intérieur des bois menaçant quiconque voulait s’en approcher. Plus haut, la lune qui était témoin de la scène fut obstruée par de terrifiants nuages, comme si elle ne devait pas assister à ce qu’il allait se produire juste sous ses pieds. Attiré par le doux parfum de l’humidité mêlé à celui de la nature et guidé par un silence gênant planant autour d’eux, les deux adolescents décidèrent de s’enfoncer davantage dans le parc, ignorant ainsi le danger imminent qui rôdait dans ces bois.

Cela faisait plusieurs minutes qu’ils marchaient dans le parc. Une légère brise caressait les branches des arbres faisant chanter ces dernières dans un bruissement reposant. Le souffle du vent fit frissonner les cheveux de Yumi dissimulant ses yeux. Embêté, elle inspira profondément et expira d’un coup sec en direction de la mèche qui lui couvrait la vue, la forçant à s’installer ailleurs.

Elle baissa ses yeux sombres sur son compagnon de route et un petit sourire éclaira son visage. « Ce n’était sans doute pas une escapade romantique mais ça en avait tout l’air » pensa-t-elle émoustillée. Ulrich sentit le regard de la jeune fille se poser sur lui et se tourna, créant un contact visuel. Tous deux s’arrêtèrent brusquement de marcher. Les yeux de la japonaise se mirent à briller, reflétant le regard ténébreux du garçon. Ils restèrent silencieux et immobiles un long moment, profitant de l’instant présent. Devaient-ils simplement s’échanger des regards entichés ou devaient-ils se rapprocher davantage l’un de l’autre et envisager d’aller plus loin ?

Soudain, un terrifiant coup de tonnerre vrombit dans le ciel, faisant vibrer la terre et annonçant un temps orageux. Le son raisonna dans toute l’enceinte du collège, poussant les quelques courageux volatiles qui étaient restés dans le parc à déguerpir. Ulrich et Yumi firent redescendus brutalement de leurs petits nuages et se contentèrent de rougir. Un silence gêné s’installa immédiatement. Les deux adolescents reprirent leurs positions initiales et décidèrent de reprendre la route. Tous deux sentirent que leur relation progressait tranquillement.

Le calme devenait insoutenable, une dizaine de mètres plus tard Ulrich décida de briser ce mutisme inconfortable :
— Tu as vu le déguisement d’Odd ? dit-il en ricanant.
Yumi avait un petit sourire au coin, repensant au costume de son ami.
— Oui ! dit-elle avant de se mettre à rire. HA ! HA ! Il avait l’air d’une triple buse !
— HA ! HA ! Sur le coup, il a du rire jaune ! surenchérit Ulrich hilare.

Cependant, des bruits lointains provenant d’une partie plus profonde du parc mirent fin à la plaisanterie et attirèrent leurs attentions. Ils se tournèrent dans cette direction mais les lieux étaient imprégnés des ténèbres. La brume continuait à gagner du terrain obstruant davantage le champ de vision des deux adolescents, rendant l’environnement plus sinistre.
— Qu’est-ce que c’était ? demanda la japonaise.
Ulrich ne parvint pas à distinguer la nature du phénomène. Il pouvait s’agir de tout et n’importe quoi, un petit animal sans défense tout comme un être humain. Que pouvait-il répondre à Yumi ? Observant la situation d’une oreille attentive, il vit que les bruissements s’étaient arrêtés, il privilégia la première solution.
— Ce doit être un écureuil, répondit le collégien sur un ton confiant tout en fronçant les sourcils, révélant une vigilance accrue.

Les bruissements devenu de plus en plus forts semblaient s’approcher à toute vitesse des deux protagonistes. Le vent criait férocement, emportant sur son passage poussières et feuilles d’arbres mortes. Les grincements dans les bois se mêlèrent aux hurlements de l’air, rendant le point de fuite de la créature indéfini.
— On dirait des pas, dit Yumi avant de rajouter sur un ton lugubre, quelqu’un se rapproche de nous…
Ulrich ramassa une imposante branche qui gisait devant lui. Yumi fit de même et en attrapa une qui nichait dans les arbustes à côté d’elle. Ils se mirent en position de défense, prêts à dégainer leurs armes. Lorsque soudain, Ulrich saisit machinalement la main de la jeune fille. Remarquant cela, Yumi serra à son tour la poigne du jeune garçon. Tous deux regardèrent attentivement ce qui allait surgir devant eux.

Les sons s’intensifièrent et devinrent sensiblement proche d’eux. Au loin, masqué par la brume opaque et rendant impossible toute identification, une silhouette humaine se dessina, écartant l’hypothèse de l’écureuil en vadrouille dans le parc.

Adossé contre un large tronc d’arbre, le mystérieux personnage s’accorda quelques instants de répit pour reprendre son souffle. Il reconnut les deux collégiens qui se tenaient debout face à lui. Il voulut se rapprocher d’Ulrich et Yumi mais son corps était devenu trop lourd et ses jambes refusèrent d’obéir. De leurs côtés, les deux adolescents observaient la situation avec précaution, attendant impatiemment ce qui allait ressortir du brouillard, tout en manifestant une certaine frayeur dans le regard.

Quelques secondes s’écoulèrent et l’étranger ravala une dernière salive avant de fournir un effort surhumain pour baragouiner quelques mots :
— ‘faut que… vous m’aidiez ! ... C’est important ! …, dit-il péniblement sur un ton terriblement angoissé.
« Cette voix…» se dirent Ulrich et Yumi à l’unisson. Elle leur parut familière mais impossible d’y mettre un nom. Ils fixèrent insatiablement le personnage qui se dressait devant eux, refusant de s’en approcher. La prudence était de mise.
— Euh oui bien sûr ! Mais… qui es-tu ? dit Ulrich soucieux.
— Et qu’est-ce qu’il se passe ? ajouta Yumi alarmée.
— Qui suis-je ? murmura l’étranger, surpris. Il comprit que ses interlocuteurs ne l’avaient pas reconnu. Aussitôt, il releva délicatement la tête. La brume vint caresser tendrement son visage. Tandis qu’un filet de lumière vif, qui réussit à échapper aux monstrueux nuages, vint se déposer sur sa figure. Les yeux exorbités, il fixa odieusement les deux élèves, exprimant la terreur à laquelle il vécut. Les deux adolescents reconnurent immédiatement l’individu. Ce-dernier balbutia quelques mots à peine compréhensible.
— C’est… c’est…
Il avait du mal à terminer sa phrase, visiblement il était encore en état de choc.

Le brouillard glissait comme un interminable serpent blanc, effleurant délicatement à nouveau le visage de la personne. Lentement, une seconde silhouette se traça derrière l’individu. Elle se portait à la hauteur de son épaule et était bien trop petite pour que ce soit un humain et trop difforme pour que ce soit une créature de la nuit. Elle présageait peu à peu une menace imminente qui n’échappait aucun son. L’attention d’Ulrich se porta sur celle-ci, observant attentivement les contours de l’ombre se préciser. Il fronça les sourcils et comprit.
— ATTENTION ! DERRIÈRE TOI ! hurla Ulrich.
L’intéressé tourna légèrement la tête craignant ce qui pouvait se cacher derrière. Mais une main sortie violemment de l’ombre, perçant l’amas de gouttelettes, saisit son sweatshirt avant de le traîner dans l’oubli.
— AU SECOURS !! cria l’individu essayant de résister.
Mais rien y fait, la force qui l’emportait vers l’obscurité était plus puissante. L’effort devenant de plus en plus insupportable, il lâcha prise et se fit avaler par les ténèbres.
— WILLIAM ! NOOOOOON ! cria Yumi terrifiée.
Le jeune hurlait jusqu’à s’en déchirer les cordes vocales. Soudain, un bruit sourd à peine audible mit fin aux interminables appels de détresse de l’adolescent. Le rythme cardiaque d’Ulrich s’accéléra, laissant l’adrénaline monter comme une flèche en lui et balayant toute trace de frayeur de son regard.
— Je vais chercher William, toi retourne à la fête pour prévenir les autres, dit Ulrich déterminé à les rattraper.
La collégienne acquiesça mais rajouta sur un ton anxieux :
— Fais attention…
Ulrich plongea son regard dans celui de Yumi comme si c’était la dernière fois qu’il la voyait. Une tendresse vint à s’échapper de ses yeux et répondit :
— Ne t’en fait pas.
Le collégien se mit à courir à son tour dans ce petit bois, engageant une course poursuite effréné. La chanson de Fatboy Slim résonnait partout dans le parc du collège Kadic, empêchant Ulrich de se fier efficacement à son ouïe pour retrouver William et son ravisseur. Néanmoins, le garçon connaissait les moindres recoins des lieux lui offrant l’avantage du terrain. Il s’empressa de les retrouver, se prenant au passage des branches d’arbres sur la figure. Cependant, la brume rendait la tâche plus ardue lui procurant l’impression d’être plongé dans une forêt tropicale très dense.

Le kidnappeur était visiblement en pleine forme et malgré la noirceur qui régnait dans ces bois, il virevoltait majestueusement entre les arbres, évitant souches, branches et racines avec une précision sans faille.

Poursuivit frénétiquement par un adolescent qui ne montrait aucun signe d’épuisement, il prit le risque de s’enfoncer davantage en ces lieux funestes. Plusieurs mètres plus tard, il s’arrêta soudainement et jeta un rapide coup d’œil autour de lui, cherchant un endroit où se débarrasser du corps inerte qui pesait sur son épaule. L’espace était dégagé et délimité par des troncs et arbustes. Il mima une grimace de mécontentement et s’avança tout doucement à la recherche d’une cachète adéquate. À quelques pas, il vit un buisson ni trop large, ni trop étroit. Il y balança le corps de William comme un vulgaire sac de pommes de terre. Puis il fit demi-tour, observant avec attention son environnement. Des bruits de craquements résonnèrent à travers les feuillus, trahissant la présence d’Ulrich non loin de sa position. Le ravisseur décida de changer sa stratégie.

*****


Yumi saisit brutalement son téléphone portable de sa poche et le déverrouilla aussitôt. L’écran s’alluma immédiatement affichant le nom de l’opérateur suivit d’un message "aucun réseau disponible". Frustrée, elle jeta l’appareil là où elle l’avait pioché et se mit à courir. Elle cavalait sans relâche, ignorant le vent qui cinglait son visage. Son esprit se mit à vagabonder, laissant les images qu’elle venait de voir défiler en boucle devant ses yeux lui procurant colère et peur.

Au loin, elle reconnut le bâtiment administratif du collège Kadic où se déroulait, au rez-de-chaussée, le bal costumé d’Halloween. Yumi accentua la cadence et se dépêcha de sortir de ces bois cauchemardesques.

La jeune fille trempée de sueur, monta les escaliers. Aux pieds de celui-ci, un petit groupe d’élèves arborant des costumes pittoresques contemplait passivement la scène. L’adolescente s’adossa contre la paroi du mur et reprit son souffle, négligeant les adolescents qui la toisaient du regard. Elle poussa brutalement la porte, laissant brièvement le souffle des hauts parleurs s’échapper avant de se refermer sur elle-même. À l’intérieur, il y avait autant de monde que dans un poulailler. Elle scruta la salle, recherchant désespérément ses amis ou un adulte, mais la foule l’empêchait d’y voir distinctement. Elle se fraya un chemin dans la marée humaine en direction de la scène, espérant avoir une vue globale de la pièce.

Yumi grimpa sur l’estrade, examinant les moindres faits et gestes des collégiens qui dansaient sans sourciller sur l’asphalte. Mais la recherche fut infructueuse.
— Ils ne sont pas là, dit-elle découragée.
Elle rebroussa chemin et quitta rapidement le bâtiment. À la sortie, les étudiants qui firent présents aux pieds des marches disparurent, tandis que deux autres élèves discutaient imperturbablement vingt mètres plus loin. Elle fila près d’eux, agrippa l’épaule du plus petit, le forçant à se tourner vers elle.
— Dites, vous n’auriez pas vu…, fit Yumi avant d’être visiblement interrompu par ce qu’elle avait devant elle.
La personne portait une tenue noire camouflant l’intégralité de son corps hormis deux trous au niveau du visage qui laissait voir ses deux yeux envahis par l’innocence. Ce-dernier, surpris par l’attitude de Yumi, il retira habilement son masque de ninja, dévoilant sa chevelure sombre finement teintée par la lumière.
— Hiroki ? dit Yumi surprise.
Le garçon lorgna de bas en haut son ainée, arrivant lentement au niveau de son visage ravagé de sueur.
— Yumi ? fit à son tour Hiroki étonné. Qu’est-ce que t’as ? T’as vu un fantôme ou quoi ? reprit le jeune avec une pointe d’esprit.
Soudain, la deuxième personne qui était restée en retrait, arborant un drap immaculé d’un blanc aussi pur que la neige tout le long du corps, s’immisça subtilement dans la conversation.
— Salut Yumi… fit-il timidement.
Yumi ne le reconnut pas immédiatement. Il ôta la cape qui lui servait d’accoutrement et frotta ses cheveux châtains clairs. Il s’agissait de Johnny, le meilleur ami d’Hiroki.
— Est-ce que vous savez où sont Jérémie, Odd et Aelita ? revint à la charge la japonaise affolée.
Le frère cadet ignora tout simplement la question de sa grande sœur, préférant lui en poser une autre.
— Qu’est-ce que tu faisais dans le parc ? – dit-il le sourire aux lèvres avant de rajouter – Tu étais avec Ulrich, c’est ça ?
Yumi perdait peu à peu patience, sentant son frère ne pas saisir la gravité de la situation.
— Je n’ai pas le temps de jouer à ce jeu-là avec toi Hiroki… s’exclama-t-elle.
Ne voulant pas écouter la suite de la phrase de sa sœur, il l’interrompit et ajouta :
— Garde tes salades pour les parents, sœurette…
— Ils sont devant le distributeur de boisson avec la copine d’Odd, Adeline, intervint à son tour Johnny.
Elle se précipita aussitôt en direction de la cour de récréation sans remercier son informateur et l’abandonnant bouche bée aux côtés de son petit frère.
— Tu sais que tu n’as plus aucune chance avec ma sœur… fit Hiroki sur un ton moqueur. C’est du sérieux avec Ulrich maintenant.

*****


Des halètements se faisaient entendre dans ces bois coupés du reste du monde. Ulrich courait en sueur, indifférent face au froid glacial de la nuit et le visage dépourvu d’émotion. Il se faufila à travers les vastes buissons qui lui barraient la route, débouchant sur une vaste étendue dégagée. Grâce à la lumière procurée par la lune, qui avait réussie à se libérer de l’emprise des cumulus, un corps gisant sur le sol fut illuminé non loin de sa position.

Son pouls s’accéléra, imaginant le pire. Il ravala une dernière fois sa salive et s’avança à petits pas, guettant la moindre présence de l’ennemi. Ce-dernier avait-il abandonné le corps ou était-ce une embuscade ? Il ne préféra pas chercher la réponse et redoubla de vigilance, laissant le cortex reptilien prendre le dessus.

Le parc était toujours aussi sombre et inanimé. Il accéléra le pas, adressant des regards furtifs aux alentours, s’approchant rapidement du corps immobile. Contrairement au reste de l’espace, l’herbe sous pieds était différente. Elle était imbibée d’un liquide encore chaud. Ulrich abaissa légèrement la tête pour y jeter un coup d’œil et vit un filet fluide et rougeâtre couler. Il courut rapidement vers la victime, laissant des bruits provenant de ses chaussures percutant les brindilles d’herbes et morceaux de bois s’échapper.

La victime était face contre sol, empêchant toute identification. Ulrich agrippa l’épaule et le retourna de toutes ses forces, priant intérieurement que ce ne soit pas William. L’adolescent ouvrit grand les yeux presque exorbités. Il se retourna pour voir s’il n’y avait personne autour de lui avant de fustiger du regard le corps sous ses pieds trempés de sang.

« mais… mais… » se dit Ulrich pétrifié et souffrant d’une difficulté à trouver les mots. Une boule se forma dans le creux de son ventre, l’empêchant de respirer calmement. Il se rappela des cours de secourismes de Jim et laissa remonter délicatement l’index et le majeur jusqu’au cou de la victime, palpant toute trace de vie en lui. Aucun battement ne se fit entendre. Il avait succombé.

Ulrich se retint de régurgiter le couscous boulette qu’il avait mangé, luttant profondément pour ne pas céder à la panique. Un meurtrier en liberté rôdait dans le collège et pouvait s’enfuir à tout moment voire même s’en prendre à d’autres personnes. Il fronça les sourcils, dévisageant à nouveau le cadavre qui s’allongeait devant lui. « Mais qui est-ce ? » s’interrogea-t-il. Il ne s’agissait pas de William. Ce-dernier était-il encore en vie ? Si oui, où était-il ?

Il infiltra violemment sa main dans la poche de sa tenue et saisit son téléphone portable pour avertir les autorités. L’appareil indiquant "aucun réseau disponible", il n’avait d’autre choix que de quitter le parc espérant bénéficier d’une meilleure couverture voire même informer le proviseur.

Dans l’obscurité la plus totale, une silhouette se dressa derrière lui, levant lentement son bras et prenant l’élan nécessaire afin de porter le coup de grâce. Ulrich sentit cette présence à quelques centimètres de son dos. Il tenta de se retourner pour identifier l’agresseur, mais une forte pression sur sa nuque le plaqua immédiatement au sol. Il percuta violemment le sol, la figure baignant dans le sang de cet étranger.

La dernière chose qu’il vu fût les boutons de manchettes que le cadavre portait sur sa chemise. Reflété par l’éclat de la lune, les caractères "FP" scintillèrent devant ses yeux avant de perdre connaissance.

L’assassin s’avança près du corps inconscient d’Ulrich, observant avec concentration le résultat de son geste. Il sortit de sa poche une feuille pliée en quatre encore en parfait état. Il le déplia avec soin, n’émettant aucune bavure. Il sortit de la poche de son pantalon un stylo-bille et posa délicatement son pousse sur ce-dernier enclenchant un mécanisme qui en éjecta la pointe. Il installa gracieusement le marqueur sur le papier et raya d’un trait la phrase qui mentionnait :

Phase 2 : éliminer les contrevenants.


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