Histoire : One-Shot - Les Non-dits

Écrite par Leana le 09 mai 2013 (6395 mots)

Les non-dits.
Chacun a sa part de mystère.


Collège Kadic. Un matin de juin, en cours de physique-chimie.

Les cheveux blancs de Mme Hertz se hérissent suite à la réponse plus que discutable d’un de ses élèves, et un frisson lui parcours l’échine.

« Encore un qui ira loin... » Pense-t-elle avant de soupirer.

Relevant la tête, ses yeux se posent sur la seule personne capable de corriger d’elle même cette erreur monumentale. Malheureusement pour elle, Jérémie Belpois est occupé à admirer Aelita Stones en souriant comme le benêt qu’il n’est pas. Encore.. Suzanne Hertz respire à fond et replace correctement ses lunettes sur son nez. Elle n’a qu’une hâte, que ce cours se termine. Et les suivants aussi. Elle a rendez-vous avec Pédro plus tard dans la soirée.

« Non, M. Poliakoff. » Articule-t-elle avec patience. « Bien tenté, mais c’est faux. » Elle tire un trait sur son nom et inscrit à côté la note qu’elle vient de lui attribuer. « Zéro, donc... Et au passage, pour ceux de cette classe qui ont des problèmes d’audition, et cela vous concerne M. Della Robbia alors faites-moi le plaisir d’écouter. Donc, comme je le disais, un atome est formé d’un noyau autour duquel gravitent... »


....


Au même moment, au fond de la salle.

Assis à côté du dénommé Della Robbia, Ulrich Stern est perdu dans ses pensées. Un seul nom résonne en boucle dans sa tête.

Yumi. Yumi Ishiyama.


....



Dix heures, et enfin une pause pour les Kadiciens…

Vers le distributeur de boissons, dans leur petit recoin, se tiennent quatre membres des Lyoko-guerriers. Aelita et Jérémie parlent d’avenir, surtout celui de la jeune fille. Odd, lui, n’est pas à cours de vannes débiles, et même la bouche pleine du croissant qu’il a volé à Rosa ce matin, il ne se prive pas pour charrier Ulrich sur sa relation pour le moins compliquée avec Yumi.

« Et chinon, toi et elle, ch’est touch’ours "Copains et puis ch’est tout" depuis che temps ? ». Il finit sa bouchée. « Je croyais que ça devait changer après l’extinction du supercalculateur. »

L’oreille tendue, la jeune fille aux cheveux roses réagit au quart de tour. « Oui Ulrich, t’avais promis ! T’attends quoi pour te bouger ? »

Et son petit-ami en rajoute une couche : « Ils ont raison ! Pourquoi tu fais tout traîner ? Allez, lance-toi une bonne fois pour toutes ! »

Le samouraï, piqué au vif, se renfrogne et grommelle.

« Eh oh ça va hein, vous n’allez pas vous y mettre vous aussi ! Vous ne voulez pas non plus que je l’attrape par les cheveux et que je lui hurle dans les oreilles que ça fait des années que je …
— Salut vous tous ! On parle d’hurler dans les oreilles de qui ? »

Yumi Ishiyama.

Comme à chaque fois qu’il entend sa voix, le cœur du samouraï bondit dans sa poitrine. Il se retourne, la regardant comme si c’était la première fois qu’il la voyait. Ses yeux font un arrêt, presque involontaire, sur le magnifique sourire de la jeune fille. Puis ils croisent son regard.

Oh oui, elle est là…

« Euh je... »

Les autres éclatent de rire subitement, et Ulrich se force à faire de même pour cacher sa gêne. Ses joues ont déjà accusé le coup et sont bien rouges. S’il avait continué sa phrase…

La geisha fronce les sourcils, amusée elle aussi par le comportement du jeune homme.

« On parle de Mme Hertz en fait. »

Il n’arrive pas à croire qu’il vient de dire ça. Ulrich ferme les yeux, se baffant intérieurement. Quel con ! Comment il va pouvoir justifier ça maintenant ? Vraiment, il aurait mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant de lui répondre.

« Euh ouais, parce qu’elle disait qu’on était tous sourds en cours tout à l’heure, alors on parlait de lui hurler dans les oreilles ? »

Yumi sourit. « Et l’attraper par les cheveux, ça fait aussi partie du plan je suppose ? C’est histoire d’apporter un peu plus de peps à tes arguments, non ? »

La grimace improvisée du samouraï se décompose et toute forme de couleur quitte son visage. Odd, Aelita, Jérémie, et même Yumi pouffent ensuite, faisant de gros efforts pour se retenir… Avant de se plier carrément en deux sous le coup du fou rire qui les prend.

La japonaise est la première à s’en remettre, et après avoir envoyé un clin d’œil au jeune homme qui pique un fard, elle lui murmure simplement à l’oreille.

« Et au fait, le rendez-vous tient toujours ce soir ? Dix-sept heures trente au gymnase ? »

Le visage d’Ulrich s’éclaire d’un magnifique sourire en guise de réponse. Évidemment que ça tient toujours !


....


Une poignée de minutes après. Bâtiments des sciences, cours de physique avec les secondes.

Après avoir eu droit aux ronflements d’Odd et à l’inattention totale de ses amis pendant son cours de chimie, Mme Hertz est forcée de constater que Yumi semble dans le même état léthargique qu’eux. Non pas que ce soit nouveau, mais bon, quand même… Ce sont les derniers cours de l’année, elle pourrait faire un effort.

Suzanne aperçoit ensuite Yolande passer en courant dans le couloir, suivie de deux élèves tout rouges et dégoulinants, en tenue de sport. Elle soupire en songeant à son bon vieux Jim qui doit avoir encore besoin d’aide. Il faudrait vraiment qu’il fasse attention à son dos des fois…

Ouvrant son cahier pour faire l’appel, et interroger au passage un malheureux élève sur la leçon du cours précédent, ses yeux s’attardent sur une photo judicieusement coincée dans le rabat. Elle la sort, et sourit tendrement.

Qu’il est beau son Pédro !


....


Au même moment, face à elle, Yumi offre un ultime coup de crayon au dessin qu’elle vient de terminer.

Il orne le coin supérieur de sa page, comme sur les vingt précédentes. Ce n’est rien de compliqué en soit, au contraire, son croquis se résume en un mot.

Un nom, pour être plus précis.

Ulrich. Ulrich Stern.

....


Un peu après, sur le coup des onze heures moins le quart. Quelque part en ville.

Une ambulance roule à vive allure en direction de l’hôpital. À l’intérieur, Yolande Perraudin est aux petits soins avec Jim Moralès, qui n’arrête pas de geindre, allongé sur un brancard. Se penchant vers lui, l’infirmière essuie son front ruisselant avant de lui adresser quelques mots de soutien, tout en faisant signe à l’ambulancière d’amener les antidouleurs.

« Allez, courage Jim, ce n’est rien je t’assure…
— Mais mes reins, mais j’ai mal, mes reins, mes reins ! Je vais mourir, je vous dis ! Je vais mourir ! »

Soudain, s’arrêtant de gémir, il attrape sa collègue par le cou, et plongeant ses yeux dans les siens, il enchaîne.

« J’ai peur des aiguilles docteur, très peur. Ne me piquez pas, s’il vous plaît ! Non ! Vous savez, ça me rappelle trop quand j’étais dans les forces spéciales, loin dans ma jeunesse. Et ce n’est pas là les souvenirs les plus glorieux que j’ai. Car, lors de notre mission de pacification dans la jungle birmane, on a du nous piquer à l’aide d’anguilles électr... Aagh ! »

Profitant de ce moment d’inattention, Chantal Phan, l’ambulancière, agrippe presque violemment le bras du surveillant en arrière avant de lui injecter sa dose de sédatif dans les veines. D’un coup. Le professeur blessé retombe illico la tête la première sur sa civière, alarmant Yolande qui incendie la jeune femme du regard. La bouche pâteuse, Jim ouvre ensuite un œil hagard pour la rassurer.

« Ne t’inquiète pas pour moi ma Suzie, ça va aller.. C’est moi le plus fort ! »


....


Dix-sept heures et vingt-neuf minutes, au gymnase de Kadic.

Le cœur de Yumi bat à tout rompre. Dos contre la porte, elle se rejoue mentalement le scénario qu’elle a préparé pour elle, pour Ulrich, et pour ce soir. Aujourd’hui, ça fait trois ans qu’ils se sont rencontrés pour la première fois. Donc s’il doit se passer quelque chose entre eux, c’est aujourd’hui ou jamais !

La japonaise sourit malgré elle. Jamais elle ne se serait crue si superstitieuse !

Il n’empêche que c’est un sacré coup de chance que Jim se soit bloqué le dos aujourd’hui et ne puisse pas leur faire cours. Comme ça au moins, elle et son Ulrich seront enfin seuls tous les deux.


....


Dix-sept heures et trente-deux minutes, quelque part dans Kadic.

Ulrich court comme si sa vie en dépendait. Et voilà qu’il est en retard maintenant, lui qui d’habitude vient toujours en avance ! Les autres ne savent pas qu’il a rendez-vous avec Yumi pour leur cours de pentchak’ semainier ; et maintenant qu’il a appris que c’était annulé car Jim est blessé, il doit la prévenir, non sans regrets... Qui sait, peut-être qu’il pourrait mentir et faire semblant qu’il ne sait rien, juste pour être un peu seul avec elle... ?


....


Dix-sept heures et trente-trois minutes, quelque part dans le parc.

Un jeune homme se promène tranquillement. Il est complètement perdu dans ses pensées.

Flash back :
« En fait tu es comme moi, tu gardes toujours espoir !
— Sauf quand c’est une cause perdue. Allez, ciao beau gosse ! »

Il soupire. Ils ne se sont plus adressé la parole depuis. Et ça pour comprendre, William a bien compris qu’envisager une relation plus qu’amicale avec Yumi était une de ces "causes perdues". La japonaise a choisi Stern, et c’est son droit le plus légitime.

Mais le beau gosse n’a pas dit son dernier mot, ça non.


....



Dix-sept heures et trente-quatre minutes, infirmerie de Kadic.

Yolande Perraudin pose avec un fracas épouvantable son sac sur son modeste bureau d’infirmière scolaire. Quelle journée ! Se levant pour aller chercher une aspirine, elle repense aux paroles de Jim dans l’ambulance. Suzie ? Aurait-il finalement une femme dans sa vie ? Il faut qu’elle partage cette hypothèse avec sa collègue, Suzanne Hertz… D’ailleurs, Suzanne…


....


Dix-sept heures et trente-six minutes...

Le gymnase apparait enfin. Ulrich ouvre la porte avec fracas, mais heureusement pour eux deux, Yumi n’était plus derrière depuis un moment.

« Yumi ?! T’es là ? Je..
— Alors, une raclée ça t’as pas suffit ? »

Ulrich se retourne, surpris. Il a déjà entendu cette phrase… Yumi, elle, est comme pétrifiée. La japonaise ne comprend pas pourquoi le samouraï ne réagit pas. Il n’a pas oublié quand même ? C’est la première phrase qu’elle lui a dite ! Le Lyoko-guerrier est cloué sur place, et Yumi réalise seulement le pourquoi du problème quand une troisième voix fluette intervient.

« Oh bah alors, Yumi, quelle coïn-ci-den-ce ! »

Odd a surgit de nulle part, et celle là, Yumi se dit qu’elle ne l’avait pas vu venir. Pas plus que la suite, car leur Don Juan préféré enchaîne.

« On a croisé Ulrich qui nous a dit qu’il avait oublié de prendre un truc "important" au gymnase, et j’avoue que je vois mieux de quoi il s’agit maintenant... » Il secoue, déçu par l’attitude de son ami. « C’est pour ça que tu courrais ! Et moi qui croyais que c’était parce que t’avais hâte d’aller au ciné avec nous, ah lala… »

Hein ? Un ciné ? La geisha est perdue, ça se voit. Ulrich baisse la tête, penaud, et n’osant pas affronter son regard interrogateur. Ce n’est pas ce soir qu’il va se déclarer en fin de compte… Deux autres personnes apparaissent ensuite sur le pas de la porte, hésitantes.

Jérémie est le premier à réagir.

« Yumi ? Bah qu’est-ce que tu fais là ? T’es pas rentrée chez toi pourtant tout à l’heu... »

Aelita refile un coup de coude à son petit-ami pour le faire taire. Elle sourit timidement à Yumi, comprenant sans mal que son amie était revenue pour Ulrich.

« Euh... Bah tu te rappelles, la semaine dernière après la rupture d’Odd avec Sophie... ? On avait tous promis d’aller avec lui au cinéma pour lui changer les idées, et… Bah il se trouve qu’il a déjà négocié avec M. Delmas pour ce soir et...
— Et je n’ai même pas eu à arranger un coup à Sissi avec Ulrich, si ce n’est pas merveilleux la vie ! »

La japonaise grimace. Ah oui, c’est vrai, elle aussi avait promis qu’elle irait, et sur le coup ça ne lui avait pas semblé être une mauvaise idée. Jusqu’à ce qu’Odd choisisse la date de ce soir. Et... Et zut ! Ulrich relève la tête, guettant sa réaction. Elle a un sourire crispé.

« Et bah... Puisque vous pouvez tous sortir librement ce soir, après tout, pourquoi se priver d’un bon ciné, hein ?
— Oh yeaaah ! Ulrich, tu sais que je l’aime ta chérie ? »

Leur ami saute au cou de la japonaise, avant de lui coller un baiser bruyant sur la joue pour la remercier. Tout ça sous l’œil amusé du couple Einstein, les joues rouges de Yumi, et le regard assassin d’Ulrich.

« Odd !! Si je t’attrape tu vas prendre cher ! »

....


Centre-ville, à la sortie du cinéma. Il est dix-neuf heures et quatorze minutes.

C’est la fin de l’avant-première de "Horreurs aux Urgences, le film". À la sortie de la salle, au milieu de la foule en délire, un groupe de quatre jeunes chahute comme s’ils avaient tous cinq ans. Derrière, un peu en retrait, une jeune fille habillée de noir les suit, plongée dans ses pensées.

Yumi a essayé de faire semblant le plus possible que cette sortie ciné n’avait pas envoyé en l’air tous ses plans, mais si. Même en imaginant le pire, jamais elle n’aurait cru que cette soirée finirait gâchée à ce point. Et en plus, ce n’est pas comme si Ulrich avait l’air de s’en préoccuper !

Peu conscient de ce qui se passe dans la tête contrariée de Yumi, Odd est aux anges. C’est tout simplement le meilleur film qu’il ai vu ! Et ça même si le Docteur Shrenk n’est pas joué par le même acteur que celui de la série dont il est fan.

« Non mais franchement, faut l’avouer, ce film, c’est le film-du-siècle !
— Heureuse de voir que tu as bel et bien oublié ta folie sur "Les Pétales de l’Amour", Odd… »

Le Lyoko-guerrier sourit à Aelita.

« C’est du passé ça ! C’était.. C’était passager, le romantisme, c’est pas mon truc. Mais ce film, il.. Il est fantastique quoi, il est... Oh, je n’ai pas de mots, c’est juste. Parfait ! Comme… Sophie. »

Le groupe, hormis Yumi dont une idée affreuse vient de traverser l’esprit, se tourne aussitôt dans la direction des guichets. Une bande de quatre jolies filles vient de faire son apparition dans le cinéma. Et parmi elles se trouve effectivement Sophie, le dernier amour en date du blondinet.

Le cœur d’Odd ne tient plus en place tant il bondit d’émotion dans sa cage thoracique. Il la voit de loin, replacer une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille et sourire à une de ses amies. Si belle.

Il oublie alors tout le monde alentours.

Parce qu’elle est là.


....


Toilettes des hommes, dans un restaurant quelconque. Il est à peu près vingt heures trente, et un jeune homme sort des WC pour aller se laver les mains et se rafraîchir un peu.

Il est à cran.

La boule au ventre. Les mains moites. À deux doigts de la syncope pour être précis.

Ulrich fait couler doucement de l’eau sur sa nuque, inspirant et expirant profondément. Il a l’impression d’étouffer. Et il commence à transpirer.

Jérémie vient de sortir, et il lui a promis d’aller faire un tour avec Aelita pour le laisser un moment seul à seul avec Yumi… Et rien que d’y penser, le samouraï angoisse malgré lui. Ce n’est pas qu’il n’est pas prêt, et il faut qu’il mette les choses au clair avec elle car cette histoire a traîné suffisamment longtemps. Mais il panique, et.. Oh lala…

Odd les a lâchés depuis longtemps pour rejoindre Sophie. Depuis qu’il l’a vu au ciné en vrai. Ça lui a fait un de ces chocs, c’était touchant. Du coup, elle en a laissé ses amies et ils sont partis « faire une balade dehors », en toute innocence bien-sûr. Ulrich espère quand même qu’ils vont se rabibocher, car son meilleur ami en est vraiment amoureux. Vraiment.

Et lui, Ulrich, il aime Yumi.

Prenant son courage à deux mains, il pousse la porte et sort lui aussi, bien déterminé à tout avouer à la geisha ce soir.


....


Au même instant, quelque part dehors, entre le restaurant-bar où étaient les Lyoko-guerriers, et Kadic.

Yumi marche, elle court presque. Rageant contre cette soirée qui ne s’est pas déroulée comme elle l’avait prévu…

Quelques minutes auparavant :

Aelita est resplendissante. Le visage collé à l’écran de son portable, elle ne peut s’empêcher de sourire. Elle vient de recevoir un texto de Jérémie, bref mais clair, qui lui demande de sortir la rejoindre dehors. L’ange de Lyoko n’y croit pas ! Tournant la tête pour faire part de cette super nouvelle à sa meilleure amie, elle constate que celle-ci a disparu. Mystérieusement. Et sans raison apparente.


....



En même temps, au bar…

« Comment ça elle est partie ? Où ? Où ?!
— Mais j’en sais rien Ulrich, calme-toi, elle a disparu c’est tout ! Je, j’allais, fin j’ai tourné la tête et elle était plus là ! Le barman l’a vu sortir apparemment. J’en sais pas plus que ça. Je…
— Réfléchis, elle a dû te dire un truc ! Concentre-toi, elle a rien mentionné qui pourrait expliquer pourquoi elle est partie ?
— Mais non je te dis ! Elle a rien dit ! Rien ! »

Le samouraï frappe violemment des deux poings sur la table, au bord des larmes. C’est con, c’est trop con ! Pourquoi elle a fait ça ? Pourquoi elle lui a fait ça ? Jérémie arrive derrière lui, et posant sa main sur son épaule, essaye maladroitement de trouver les bons mots pour le réconforter.

« Oui, mais tu sais, elle a peut-être, je ne sais pas, eu mal à la tête subitement.. Fin tu vois, une grosse migraine dans le genre, et elle est rentrée chez elle pour prendre un cachet et...
— Ah ouais, et ça sans me prévenir ? »

Jérémie baisse les bras et soupire. C’est lamentable de chercher des excuses aussi pourries. Si elle est partie, ce n’est pour ça, ils le savent tous très bien. Aelita le regarde, et ils en concluent la même chose. Yumi est partie de son plein gré, sans rien dire car elle ne voulait rien dire.

Oui, sur ce coup leur amie est inexcusable.

Le samouraï se prend la tête entre les mains, hors de lui. Tout se bouscule dans son esprit, et il ne sait plus ce qu’il doit faire ou pas. Attrapant soudainement son portable, il compose le numéro de la japonaise et s’élance sur un coup de tête à sa poursuite, laissant lui aussi ses amis en plan.


....


Un temps après, non loin de là, quelque part sur un banc dans un parc…

« Je t’aime Odd... Tellement, tellement… »

L’ex Don Juan serre fort contre lui sa petite-amie, respirant son parfum à plein poumons. Il est comblé. Cette sortie ciné est décidément la meilleure qu’il ait eue !

« Oui, moi aussi je t’aime, crois-moi… Comment j’ai fait pour survivre sans toi, hein ? »

Embrassant son front, il la sent rire. Ses yeux se perdent dans l’ombre réconfortante des arbres qui les entourent tandis qu’il continue, profitant à chaque seconde de sa présence.

« J’en sais rien, mais en tout cas je ne pourrais plus recommencer... Tu m’as vraiment trop manqué ma... Yumi ? »

La jeune femme relève la tête, outrée.

« Quoi ?? C’est qui Yumi ?!
— Yumi !! Reviens ! »

Odd se lève d’un bond, laissant son ex-ex-petite-amie complètement abasourdie, dans l’espoir de retrouver une trace du passage de la japonaise. Il est certain de l’avoir vu passer, courant à travers le parc comme une furie. Tous ses sens en alerte, et s’inquiétant pour son meilleur ami et ce qui a bien pu se passer, il s’élance derrière elle dans les arbres en criant son nom.

Malheureusement pour lui, elle semble s’être volatilisée.

Revenant vers Sophie en trottinant, et perdu dans ses pensées, il est surpris quand celle-ci lui colle une gifle phénoménale. Mettant un temps à comprendre le pourquoi du comment, il finit par sourire, soulagé, et l’attrape dans ses bras malgré de violentes protestations.

« Odd ! Lâche-moi ! Je t’interd… »

Lui collant un petit baiser sur le nez, elle se tait instantanément sous son regard adorateur. Attrapant son téléphone, il compose le numéro d’Ulrich.

« Vieux ? C’est moi. Euh écoute Ulrich, je n’sais pas trop si je fais bien de t’appeler, mais je viens de voir passer Yumi et.. Sérieux ? Elle s’est enfuie ?! J’ai bien fait de t’appeler alors ! On dit merci qu.. Ok, ok, je suis vers square, le.. Ouais celui là. Tout à fait… En prenant le raccourci par derrière, tu... Ouais. Tu peux la coincer sans problème. Mais faut que tu coures, hein alors montre-nous à quel point t’es un bon sprinteur et rattrape-là ! Ouais.. Ok… Tu me raconteras tout plus tard hein, promis ? Oui. Oui moi ça va, elle est parfaite tu le sais bien. Allez gros malin, penses plutôt à ta copine, et oublies pas que tu dois te bouger les fesses si tu veux que.. Ouais d’accord je te laisse courir en paix. À plus mon Ulrichounet ! »

Raccrochant, Odd se tourne vers sa petite-amie, un sourire gêné aux lèvres. Il n’arrive jamais à s’empêcher d’en faire trop, surtout au téléphone. Surtout devant elle en fait.

« C’est juste, enfin tu comprends… Je viens de voir sa copine, Yumi, passer comme une dingue et j’ai cru que c’était parce qu’ils s’étaient engueulés et tout, et… Fin, c‘est mes amis, je me devais de les aid... Hmmmm, eh... Oui t’as raison mon cœur, trop de parlotte. Promis j’arrête… Hm, n’empêche que c’est franchement énervant et... Aie!
— Mais tais-toi et embrasse-moi, imbécile ! »

Un immoral sourire apparaît sur les lèvres du blondinet alors qu’il s’exécute sans plus attendre.


....


Une dizaine de minutes plus tard, ailleurs en ville…

Yumi s’arrête pour la première fois depuis qu’elle a passé la porte du restaurant, enfin essoufflée. Elle n’a vraiment pas envie de voir des gens ce soir, même si elle se sent coupable d’avoir abandonné son amie.

Tant pis, ils n’avaient qu’à la comprendre aussi !

Retenant ses larmes avec fierté, elle se maudit d’avoir été si naïve. Qu’est-ce qu’il lui a pris de se mettre d’un coup à imaginer que des choses allaient se passer entre elle et Ulrich ce soir ? Bon sang ! Elle se jure, et elle y met un point d’honneur, que jamais, plus jamais elle ne se reprendra à se faire des films aussi niais. Jamais. Elle savait qu’elle finirait déçue en plus, mais non, tant pis, elle s’est laissé rêver comme l’idiote qu’elle peut être parfois et elle a…

« Yumi ! »

La japonaise tend l’oreille, en alerte. Elle est certaine d’avoir entendu quelqu’un l’appeler. Des pas se rapprochent dans son dos, et elle se fige.

« Yumi, c’est toi ?! »

Statufiée, la japonaise ne sait plus quoi faire. Ce n’est pas vrai… Hésitant à prendre la fuite, elle est stoppée net par l’espoir qu’elle perçoit dans la voix du jeune homme.

« Yumi ! Attends-moi, s’il te plait ! »

La geisha se retourne ; son cœur bat la chamade comme il ne l’a jamais fait. Comment se fait-il que... ? Comment il a fait pour la retrouver ?

Tous ses doutes s’envolent quand le samouraï arrive à sa hauteur, et Yumi ne trouve plus la force de le fuir.

« Pourquoi t’es partie ? »

Oui. Il est là.


....


Au même moment, à la sortie du café-bar.

Jérémie frissonne. Il ne sait pas trop si c’est à cause du froid, ou le fait qu’il se soit retrouvé tout seul avec Aelita. La jeune fille se tourne vers lui, inquiète.

« Tu crois que ça va aller pour eux ?
— Oui Aelita, ça j’en suis sur. Ne t’inquiète pas… »

Et, passant timidement son bras sur les épaules de sa belle, Jérémie l’emmène faire une promenade en ville, comme lors de son premier jour sur Terre.


....


Un temps après, sur le coup des vingt et une heures trente, dans la rue…

Ulrich ne sait pas depuis combien de temps ils marchent ensemble. Il ne sait d’ailleurs même pas pourquoi il la raccompagne chez elle, elle ne le lui a pas proposé, et lui non plus. Amère, elle lui a simplement fait remarquer qu’il aurait du rester avec les autres s’il était venu pour la critiquer et lui reprocher d’être partie sans rien dire. Et elle s’est mise à marcher droit devant elle. Et lui, il l’a suivie…

Soudain, n’y tenant plus, Ulrich laisse éclater ce qu’il a sur le cœur. À ses risques et périls…

« Si je ne suis pas resté avec eux, c’est parce que je veux être avec toi. C’est tout. »

… Car la japonaise ne lui répond pas.


....



Pendant ce temps, au collège Kadic…

Élizabeth Delmas ramasse soigneusement ses cheveux en chignon en sortant de la douche. Elle espère qu’Odd et ses amis ne vont pas trop tarder à rentrer, son père risquerait de ne pas trop apprécier s’ils dépassent le couvre-feu des vingt-deux heures. Elle se doute pourtant qu’Ulrich doit avoir des montagnes de choses à dire à Yumi, et cette pensée lui serre le cœur. Il faut dire qu’elle s’est résignée avec le temps à ce que le samouraï ne sortirait pas avec elle.

Elle soupire. Il ne reste plus qu’à convaincre William Dunbar de tourner lui aussi la page maintenant.

Car après tout, si elle a réussit à faire abstraction de son amour pour Ulrich, le beau ténébreux devrait y arriver aussi avec Yumi.

Non ?


....



Quelques instants plus tard, rue des Ishiyama.

Yumi se maudit une nouvelle fois quand elle et Ulrich entrent dans sa rue. Plus qu’une centaine de mètres et elle sera rentrée chez elle. Elle s’en est voulu aussi de lui avoir parlé si froidement, et elle se hait de ne pas avoir eu le courage de lui répondre, lui qui a osé se confier à elle tout à l’heure. Car après tout, si ce soir les choses ne se sont pas bien passées, c’est à cause d’elle. Et qu’à cause d’elle.

Arrivée à la hauteur du portail, elle n’ose pas affronter le regard du samouraï tant elle a honte d’elle même. La main posée sur la poignée, elle voit du coin de l’œil le bras d’Ulrich tendu vers elle, comme pour l’empêcher de s’échapper encore une fois. Et c’en est trop.

Elle fait volte face et crie presque tant elle a peur se dégonfler.

« Moi aussi je veux être avec toi ! »

Elle détourne tout de suite la tête pour ne pas le regarder, les yeux humides, et continue, laissant s’envoler le poids qu’elle porte sur ses épaules depuis bien trop longtemps.

« C’est juste que... À chaque fois qu’on est ensemble, il y a un truc qui tourne mal. On n’est jamais tranquilles, c’est... Il y a toujours quelqu’un, quelque chose qui apparait au dernier moment, et ça complique tout, juste quand je pense contrôler la situation, et... Ça me rend odieuse.
— Moi ça me rend malade… »

Baissant les yeux, le samouraï esquive son regard ébahi. Il se met à fixer ses pieds et à shooter dans les gravillons, faute de mieux pour se détendre, et enchaîne.

« C’est vrai que ça a jamais été simple, nous deux. Et je pense qu’on est aussi coupables l’un que l’autre pour ça. »

Pour la première fois depuis qu’ils ont commencé à s’ouvrir l’un à l’autre, la gêne s’estompe progressivement. Et quand leurs yeux se croisent enfin, ils se sourient. Mais c’est encore une fois Ulrich qui fait le premier vrai pas, se déclarant un peu plus à la geisha.

« Mais maintenant je... Je t’avoue que j’ai envie que ça change. J’en peux plus de notre routine. Je veux voir en toi autre chose qu’une "copine et puis c’est tout", enfin sauf si tu...
— Ulrich, par rapport à ça...
— Laisse-moi finir Yumi s’il te plait. »

La détermination qu’elle lit dans les yeux du samouraï la fait frissonner, et elle acquiesce, impressionnée par le cran d’Ulrich. Le jeune homme s’approche d’elle timidement, et après une brève hésitation, va câliner sa joue du bout des doigts. Yumi ferme les yeux, comme apaisée. Sa main s’aventure dans ses cheveux, les démêlant et les caressant. Pendant combien de temps elle s’est imaginé ce que ça ferait d’être choyée par Ulrich ? Les rouvrant, la japonaise a à peine le temps de se rendre compte que tout son monde s’est réduit au visage du Lyoko-guerrier tant il s’est rapproché d’elle.

« Yumi je…
— Oui Ulrich, moi aussi… »

Et pour la première fois de la soirée, c’est Yumi qui se lance en approchant sa bouche de celle du samouraï. Ulrich l’imite, et leurs souffles se mélangent. Guidant son visage de sa main libre, il fait se rencontrer leurs lèvres pour la toute première fois.


....



Exactement à la même minute, un peu plus haut, juste derrière la fenêtre.

Un énième flash surgit, mais il n’est pas assez violent pour alerter les amoureux. Hiroki Ishiyama regarde l’écran de l’appareil, zoom, vérifie les contrastes, la qualité de l’image... Parfait, c’est parfait ! Attrapant son portable d’une main, il compose le seul numéro qu’il connait par cœur, tout en enfilant sa veste de l’autre. Une tonalité. Puis deux. Puis trois. Allez, décroche !

« Allo .. ? »

Entendant sa voix ensommeillée au bout du fil, Hiroki bondit sur place.

« Milly !
— Hiroki ? Qu’est-ce qu’il te prend de m’appeler si tard !
— J’ai-un-scoop ! »

Il n’en faut pas plus pour que la jolie journaliste soit parfaitement réveillée.

« Ta sœur ? Ulrich ??
— Oh que oui ! J’ai une super photo pour toi. Voire plusieurs.
— Super comment ?
— Super au point d’exploser les ventes demain matin. » Sourit-il.

Il sent l’excitation pointer dans la voix de la jeune fille, et ne peux s’empêcher d’être fier d’en être l’unique responsable. Il l’entend faire un raffut énorme pour réveiller sa voisine, sans succès.

« Tamiya ! Tami’.. Roh ! Tant pis pour elle si elle n’veut pas se lever ! T’es adorable Hiroki ! Merci ! Tu peux venir me l’amener quand ? »

Quand tu veux, Milly, quand tu veux..


....



Sur le perron, à la fin de la conversation téléphonique entre Hiroki et Milly.

Yumi met fin à leur premier grand baiser, à bout de souffle. Malgré sa respiration encore irrégulière, elle ne peut s’empêcher de rougir sous l’œil adorateur de son samouraï. Qui n’a jamais été si heureux. Jamais. Frottant son visage contre le sien, il capture encore une fois la bouche de Yumi avec la sienne. Ça y est, il est accro…

« Laissez passer, laissez passer !
— Hiroki Ishiyama ! Non mais t’as vu l’heure ! »

Ulrich a à peine le temps de se séparer de Yumi que son petit frère déboule et les bouscule. Puis sans se soucier du désordre qu’il vient de créer entre le couple, il poursuit son chemin en courant vers Kadic. Takeho Ishiyama, le père des deux jeunes, apparait complètement hors de lui à la porte de leur maison, restée grande ouverte.

« Hiroki ! Reviens i.. Ci... Yumi ?
— Papa ? »

C’est au tour de la japonaise d’être surprise. Le regard de son père passe de sa fille qui se tient sur le perron avec un garçon, à l’endroit où son fils a disparu, avant de se reposer sur Yumi. Réalisant qu’il tient la fille de M. Ishiyama dans ses bras, et que celui-ci n’a pas l’air de super bonne humeur, Ulrich lâche brusquement sa geisha et se passe la main dans les cheveux, embarrassé à l’idée de contrarier son futur beau-père.

« Euh.. Bonsoir, M. Ishiyama ! Comment allez-vous ? »

Yumi se retient de rire, amusée par le comportement de son petit-ami. Mme Ishiyama apparait timidement derrière son mari, et, échangeant un sourire avec sa fille, le tire vers l’intérieur. Il est toujours en état de choc…

« Du calme Takeho.. Tu savais bien que ça finirait par arriver, hein ? Allez viens mon chéri, je vais te faire du thé… »


....


Peu de temps après, au Collège Kadic, dortoir des garçons.

Sissi est bien embêtée, elle vient de passer jeter un œil dans la chambre de Jérémie, et il n’est pas encore là. Ni Odd, ni Ulrich d’ailleurs. Aelita ne lui répond pas, et il est bientôt vingt-deux heures bon sang ! Se retournant pour aller guetter l’arrivée de Jim, et couvrir par la même occasion ses nouveaux amis, elle heurte de plein fouet.. Quelqu’un. Qu’elle injure immédiatement.

« Aie ! Fais attention crétin !
— Je suis vraiment désolé Sissi, je t’ai pas vu venir..
— William ? »

Bah alors ça, Élisabeth ne l’avait pas vu venir non plus ! Surtout que Dunbar est méconnaissable. Enfin, Sissi lui trouve quelque chose de changé. Son attitude est différente, il… Ça y est, elle sait. Il a perdu ce sourire dragueur qu’il ne quittait jamais avant. Elle remarque également que le jeune homme est tout bonnement dégoulinant, et vu la noirceur de son pantalon, ce n’est surement pas dû à une douche. Il devait être dehors. Et vu son air accablé, il s’y est passé quelque chose qu’il n’a pas apprécié.

Soudain, alors qu’il lui tourne le dos pour s’éloigner, un déclic se fait dans la tête de la fashionista. Elle le rattrape, et passant ses bras autour de lui, elle lui murmure doucement ces trois mots.

« Je suis désolée... »

William, passé la surprise, fini par s’effondrer dans ses bras. Sissi ne retient pas ses larmes, le cœur en miettes, comprenant sans mal ce dont il a été témoin dehors. Elle le savait que ça arriverait, et pourtant…

« Ça y est.. » Pense-t-elle. « On les a perdus pour de bon... »


....



À quelques mètres du collège Kadic. Il est presque vingt-deux heures.

« Vite, vite Aelita !
— Attends ! »

L’ange de Lyoko l’arrête brusquement. Avant de rentrer, il lui reste un truc à faire pour terminer cette soirée dignement. Serrant alors la main de son amoureux dans la sienne, elle approche sa tête de son visage et dépose timidement un baiser sur ses lèvres…


....



Collège Kadic. Vingt-deux heures pile.

L’invincible Jim Moralès s’apprête à fermer le lycée comme il a coutume de le faire depuis des années. Bougonnant contre la pluie qui fait rage, il est soudain interpellé par une voix familière. Se retournant en râlant pour s’en prendre à l’élève fautif, il est surpris de voir arriver Mme Hertz, toute pimpante dans une robe de soirée, se protégeant la tête de son châle. Bouche bée, le surveillant fait coulisser mécaniquement le portail de manière à permettre à sa collègue de passer. Voyant qu’il veut lui poser une question, celle-ci anticipe.

« Oh, j’préfère ne pas en parler Jim… Dors bien, et repose-toi surtout. Ça m’a inquiété ton accident tout à l’heure. Allez, bonne nuit ! »

Et elle lui colle un baiser sur sa joue, le faisant rougir comme un enfant. Et tandis qu’elle s’éloigne, chantonnant à tue-tête, un seul mot résonne dans la tête du prof de sport.

Suzanne Hertz. Suzie.




Fin.