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Écrite par Tchoucky le 18 juin 2004 (8573 mots)

Les derniers rayons du soleil s’effacent peu à peu, plongeant la salle cathédrale de la vieille usine dans une mi-pénombre. A cette heure de la journée plus qu’à toute les autres, l’atmosphère prend une allure fantomatique. L’incongruité qu’il y a à trouver abandonné un bâtiment si grand et si solide frappe d’autant plus quand le jour s’en va. Tout est silencieux, si ce n’est...
Les pas d’un visiteur solitaire martèlent le sol. Une femme vient d’entrer.
Elle a une trentaine d’année, des cheveux noir, un teint pâle et de grands yeux gris qui lui donne un air fragile et évanescent. Malgré cela, son visage exprime une détermination farouche.
Yumi l’observe qui s’approche, dissimulée derrière un caisson. Elle jette un coup d’œil au vieil article de journal qu’elle tient à la main. La photo n’est pas bonne mais pas de doute, c’est bien elle. Ingrid Kiepelstein. Cette femme est une actrice à part entière dans le mystère qui entoure cette usine.
Il y a huit ans, toutes les personnes qui y travaillaient ont disparues, du jour au lendemain, sans explication. Toutes sauf cette jeune informaticienne, « haker » à ses heures, affectée à un service de l’usine dont personne de connaissait le rôle. La police l’avait interrogée à l’époque, mais elle était en état de choc. Tout ce qu’elle parvenait à dire était « Je croyais qu’un retour dans le passé les ferait revenir, je le croyais, je le croyais... ». Des phrases sans aucun sens. On interna Ingrid Kiepelstein dans un hôpital psychiatrique et l’usine resta définitivement fermée, sans qu’aucune explication n’ait été trouvée à la disparition soudaine des quelques trois cents employés qui y travaillaient.
Aucune explication du moins jusqu’à ce que Yumi et ses amis découvrent le secret.
Yumi a lu dans le journal, il y a quelques jours, qu’Ingrid Kiepelstein était libérée. Un court article, juste pour rappeler le mystère irrésolu et piquer la curiosité des lecteurs. Mais Yumi n’a plus dormi depuis. Chaque soir, elle s’est éclipsée de chez elle, et est venue ici, attendre.
Et ce soir, ses craintes se confirment. Ingrid est venue. Yumi sait pourquoi. Mais elle ne la laissera pas faire.
La femme a traversé la salle cathédrale pour s’approcher du vieux monte-charge. Nerveusement, elle presse le bouton rouge qui permet de l’actionner. Le monte-charge émet un bruit mais se bloque. Une lourde chaîne, fermée par un cadenas empêche ses portes de se fermer. La femme regarde interloquée le cadenas. Elle sort rapidement de la cabine et court jusqu’à la chaufferie. Là, une trappe permet de descendre au sous-sol sans emprunter l’ascenseur. Mais la trappe est bloquée, elle aussi, par un cadenas.
« Vous voyez, murmure Yumi en elle-même, il y a déjà quelqu’un, faites demi-tour... Allez, faites demi-tour, on s’occupe de Xana, vous n’avez pas besoin de débrancher le supercalculateur. »
Mais Ingrid Kiepelstein ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’est emparée d’une barre de fer qui traînait et se met à frapper de toutes ses forces sur le cadenas.
« Très bien, pense Yumi. Vous ne me laissez pas le choix. »
Et d’un coup sec, elle tire sur la corde qui pend près d’elle. Aussitôt, un amoncellement de pot de peinture s’écroule sur l’intruse, l’éclaboussant de toute part. Celle-ci crie, jure et s’ébroue.
_ Qui est-là ? Appelle-t-elle. Montrez-vous !
Elle se met à fouiller frénétiquement la pénombre, mais Yumi s’est déjà éloignée. De sa nouvelle cachette, elle voit Ingrid se pencher pour ramasser quelque chose_ de quoi se défendre en cas d’attaque, sans doute_ et s’éloigner vers la sortie.
« C’est ça, allez-vous-en ! On ne veut pas de vous ici. »
Avant de disparaître, l’intruse se retourne et lance à la cantonade :
_ Je reviendrais !
Et elle sort.
_ Je vous attendrais. Répond doucement Yumi en sortant de sa cachette alors que le silence s’installe de nouveau dans l’usine. Je vous attendrais.

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_ Jérémie ! Jérémie !
Jérémie, adolescent de petite taille, maigre, à la tête circulaire et aux cheveux blonds ouvre un œil, puis les deux. Il lui faut vingt bonne seconde pour comprendre que ce n’est pas son réveil qui l’a tiré du sommeil, mais bien la voix d’Aelita, affolée, sur son ordinateur.
_ Jérémie, réveille-toi, s’il te plaît.
Jérémie saute à bas de son lit et courre à son clavier.
_ Aelita ? Qu’est-ce qui se passe ? Xana est réveillé ?
_ Et bien réveillé ! Je sens des pulsations dans le territoire des forêts.
_ Compris, je réveille Odd et Ulrich, j’appelle Yumi et on arrive. Ne bouge pas surtout.
Tandis que le visage de l’humanoïde aux cheveux roses disparaît de l’écran, Jérémie s’habille précipitamment, s’énerve en constatant qu’il est en train d’enfiler son pull à l’envers, le remet dans le bon sens et se précipite dans le couloir. Le soleil du matin éclaire les murs jaunes du pensionnat où tout est silencieux. Personne ne s’est levé encore. Jérémie va frapper à la porte de ses amis, Ulrich et Odd.
_ Debout les gars ! Xana s’est réveillé.
_ Il a bien d’la chance ! Gémit Odd en ramenant sa couverture sur ses yeux, ne laissant dépasser que la pointe de sa coiffure Rock.
Dans le lit d’à côte, Ulrich, petite taille mais carrure sportive, cheveux châtain et visage princier, ne semble pas plus heureux.
_ Bon sang, Jérémie, il est 6h30 !
_ Y a pas d’heure pour les braves ! Claironne Jérémie. Je pars devant, rendez-vous à l’usine !
Et il sort en courant.
_ Ras l’bol, murmure Ulrich en se levant.
_ Quand faut y aller... l’encourage Odd.
Les deux garçons commencent à s’habiller rapidement.
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Assise devant son bol de thé, Yumi tente de sortir de l’état comateux dans lequel elle se sent. Ses traits fins d’adolescente asiatique son tiré, et son regard est plus sombre que jamais. Elle n’a pas assez dormi et n’est pas de bonne humeur. Elle s’efforce cependant de sourire à son père qui entre dans la cuisine. Elle a un contrôle de français tout à l’heure, et si elle ne se réveille pas d’ici là, elle est sûre de le rater.
« C’est ta faute, Yumi. Tu n’avais qu’à en parler aux autres. Jérémie aurait trouvé une solution. »
Oui, mais Jérémie a bien assez de soucis en ce moment, avec le virus que Xana a implanté à Aelita pour l’empêcher de quitter le monde virtuel de Lyoko. Odd et Ulrich, comme les examens approchent, ce n’est pas le moment de leur fournir du stress supplémentaire. Quant à Aelita... Impossible de savoir comment elle réagirait. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne parle jamais de ses créateurs. Qui sait ce qu’elle éprouverait si elle savait que la seule survivante à la première attaque de Xana est revenue ? Pour la détruire, elle, Lyoko, les tours et tout le reste...
« Pas question de le dire à qui que ce soit. Pense-t-elle en quittant la cuisine pour la salle de bain. C’est toi qui as découvert ça, c’est donc ton problème. Débrouille-toi toute seule pour maintenir cette Mademoiselle Kiepelstein éloignée de l’usine. »
En passant devant sa chambre, elle remarque son portable qui vibre. Elle a reçu un texto.
« C’est pas vrai ! »
Elle se précipite, et évidemment, c’est bien ce qu’elle craignait. L’écran affiche « SOS Xana. J. » Elle pousse un soupir exaspéré.
_ Il ne peut pas faire la grasse matinée, comme tout le monde, ce sale microbe !
Elle empoigne son cartable, et cours dans l’entrée.
_ Tu pars déjà ? S’étonne sa mère.
_ J’ai rendez-vous avant les cours pour un exposé. Au r’voir m’man, au r’voir p’pa !
Elle claque la porte, se précipite dans la rue. Elle s’apprête à dissimuler son sac sous la haie de son jardin pour pouvoir courir plus vite quand une voix l’interpelle.
_ Yumi Ichiyama ?
Elle se retourne et retient une exclamation. Ingrid Kiepelstein est devant elle. Elle lui tend un livre.
_ C’est à toi, n’est-ce pas ? Il y ton nom et ton adresse à l’intérieur.
Son livre de français ! Il a dû tomber de son sac la veille quand elle était à l’usine.
Yumi se compose un visage étonné et ravi, tout en se traitant intérieurement de triple et même de quadruple idiote. A-t-on idée d’amener ses affaires de classe pour une planque !
_ Oh, mon livre de français ! Ça fait des jours que je le cherche, merci, madame ! Excusez-moi, je suis un peu pressée.
Mais la femme reste devant elle, lui barrant la route.
_ Ecrire son nom et son adresse dans ses livres de classe, c’est très prudent. Se promener la nuit dans une usine désaffectée, ça l’est beaucoup moins.
_ Une usine, quelle usine ? Demande l’adolescente innocemment.
_ Celle où j’ai retrouvé ton livre, voyons !
_ J’ai perdu mon livre il y a quelques jours, n’importe qui à pu l’amener !
_ Sans doute, sans doute. Dans ce cas, j’aimerais assez rencontrer cette personne. Elle me doit le prix de la facture du teinturier à cause de la peinture dont elle m’a aspergé.
_ Si je la rencontre, je lui transmettrais le message. Maintenant, excusez-moi, il faut absolument que j’y aille !
Elle s’en va en courant, sans laisser à l’informaticienne le temps d’ajouter quoique ce soit. A son grand soulagement, celle-ci ne la poursuit pas.
« Les planques ! Les attaques de Xana! Les contrôles de français ! Les Ingrid Kiepelstein ! Après on va oser dire que je manque de patience ! »
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Ulrich et Odd se laissent glisser le long de la corde qui mène à la salle cathédrale de l’usine, et aperçoivent Jérémie immobile devant le monte-charge.
_ Eh Jérémie, plaisante Odd, c’est sympa de nous avoir attendu !
Jérémie est très énervé.
_ Il y un cadenas qui empêche le monte-charge de descendre !
_ Hein, tu rigole, j’espère !
Ulrich se précipite pour constater par lui-même qu’il y a bel et bien une chaîne et un cadenas.
Odd s’approche, complètement éberlué.
_ Ben, c’est quoi c’délire !
_ Ne vous en faites pas, tout va bien ! Dit une voix derrière eux.
Yumi vient d’arriver, rouge et essoufflée d’avoir couru avec son sac d’une tonne sur le dos.
_ Tout va bien, répète-t-elle, c’est moi qui ai la clef !
Elle tire la clef de sa poche et libère le monte-charge.
_ Yumi, s’étonne Jérémie tandis qu’ils descendent vers le sous-sol de l’usine, pourquoi tu as bloqué l’ascenseur avec une chaîne ?
_ Vous expliquerais. Pour l’instant on a une tour à désactiver.
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Quelques esquives, triplicata, flèches lasers et autre joyeuseté plus tard, Aelita entre dans la tour qui relie Lyoko au monde réel.
Dans le laboratoire de l’usine, Jérémie sourit d’un air satisfait.
_ Je programme le retour dans le passé à il y a quelques heures, annonce-t-il dans le haut-parleur. Comme ça, vous pourrez rattraper les heures de sommeil perdues.
_ Chouette ! S’exclame Odd depuis Lyoko exprimant par là la pensée de tout le groupe.
Les trois voyageurs inter dimensionnels regardent autour d’eux la forêt tropicale virtuelle disparaître dans une lumière blanche.
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Mieux reposée, Yumi boit son thé et avale son petit déjeuner rapidement.
_ Je dois partir plus tôt aujourd’hui, annonce-t-elle, un rendez-vous pour un exposé ! Au r’voir, p’pa, au r’voir m’man.
Elle attrape son sac et quitte la maison.
_ Yumi Ishiyama ?
Ingrid Kiepelstein est là, lui tendant son livre de français, comme avant le retour dans le passé.
_Oh, mon livre, s’exclame-t-elle sur un ton enjoué. Ca fait des jours que je le cherche !
_ Fais-y d’avantage attention, dit la femme, c’est la deuxième fois que je te le rends.
Le sourire de Yumi se fige sur son visage.
_ La deuxième ? Vous-êtes sûre ?
_ Bien sûr, je te l’ai rendu une première fois il y a quelques heures, tu ne te souviens pas ? Tu étais très pressée.
Le cœur de Yumi se met à battre la chamade. L’informaticienne a aussi remonté le temps, avec Ulrich, Odd, Jérémie et elle.
_ Vous devez confondre. Dit-elle aimablement. Mais merci de me l’avoir rapporté.
Elle veut s’éloigner après un salut de tête mais la femme la retient par l’épaule, doucement mais fermement.
_ Yumi, arrête ce jeu. Il faut qu’on se parle.
_ Quel jeu ? De quoi vous voulez me parlez ?
_ D’un super calculateur dans une usine. D’un monde virtuel. D’un virus nommé Xana.
_ Je comprends rien à votre charabia ! Lâchez-moi où j’appelle !
_ D’Aelita.
Yumi a tressailli en entendant prononcer le nom d’Aelita. Ingrid l’a sentit. Elle profite du silence de l’adolescente pour poursuivre.
_ Je viens de passer huit ans chez les fous. C’est sûr qu’à ma place n’importe qui voudrait tout débrancher, mais il faut que tu me croies, Yumi, c’est moi, et moi seule qui ais conçu le programme d’Aelita. Je suis, en quelque sorte, sa maman.
La jeune fille se tait, ne sachant plus que penser. Doit-elle croire en ce que raconte cette femme ? Doit-elle continuer à faire comme si elle ne comprenait pas ? Ingrid Kiepelstein continue.
_ Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne suis pas revenue pour débrancher le super calculateur. Non. J’ai simplement mis au point un programme qui fera évoluer Aelita, la rendra capable de se défendre contre les monstres.
_ Mais si elle évolue, est-ce qu’on pourra continuer à la matérialiser ?
L’informaticienne la regarde, interloquée.
_ Matérialiser Aelita ? Je ne comprends pas.
_ Moi non plus, à vrai dire, mais Jérémie _ c’est un copain _ a trouvé le moyen de faire venir Aelita dans le monde réel. Seulement, Xana lui a implanté un virus, de telle sorte qu’on ne peu pas le débrancher sans la tuer avec lui, c’est pour ça que...
_ Yumi, je t’ai expliqué que je ne ferais pas de mal Aelita. Tu n’as pas besoin d’inventer des histoires pareilles !
_ Je vous assure ! Aelita vient nous rendre visite, maintenant ! Et nous allons aussi sur Lyoko ! C’est comme ça qu’on arrive à combattre Xana.
_ Mais enfin ! S’énerve soudain la femme. C’est de la science-fiction, ce que tu me raconte là ! Tu n’espère pas que je vais croire cette histoire abracadabrante !
Yumi serre les dents, elle regrette déjà d’en avoir trop dit.
_ Écoute, reprend Ingrid d’une voix douce. Tout ce que je veux, c’est la clef pour descendre dans le laboratoire. Je ne ferai rien d’autre que reprogrammer Aelita, lui donner des armes, tu vois ? Elle en a besoin. Combien de temps peut-elle tenir à ton avis ?
_ Ca va, j’ai compris. Remballez votre discours, il ne marche pas. Tout ce que vous cherchez à faire, c’est me séduire. Je ne vous laisserais pas descendre dans le labo, et si vous vous obstinez à tourner autour de l’usine, eh bien... Je crois que les journalistes seront ravis de l’apprendre.
La dernière réplique fait mouche. Ingrid Kiepelstein a légèrement pâli.
_ Tu... Tu ne ferais pas ça ?
_ On parie ? Répond Yumi avec un sourire mauvais dont elle ne se serait jamais crue capable.
Elle sait, pour avoir fait des recherches personnelles que beaucoup d’encre a coulé, après la disparition du personnel de l’usine. Et les soupçons se portaient naturellement tous sur l’unique survivante. Qui sait ce qu’un journaliste pourrait écrire à présent s’il apprenait qu’elle revient sur les lieux ?
C’est un risque que l’informaticienne ne semble pas prête à prendre. Tirant de sa poche un crayon et un bout de papier elle griffonne quelque chose.
_ C’est mon adresse. Si tu change d’avis.
Elle tourne les talons et s’en va. Yumi reste là, son livre dans une main, le papier dans l’autre. Elle n’ose croire que l’autre est bel et bien partie. C’est pourtant le cas.
« J’ai gagné. »
C’est comme si elle avait porté depuis quelques jours un immense poids sur le cœur dont elle serait soudain débarrassée.
D’un pas beaucoup plus léger, elle marche vers le collège, non sans avoir lu l’adresse sur le bout de papier.
_ Dis donc, c’est en plein centre ville, ça ! Elle ne se refuse rien, Mlle Kiepelstein. Quoi que... Un peu trop près de la gare à mon goût !
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Au collège Kadic, la cloche de la récréation sonne. Sissi sort du cours de physique, furibonde.
_ Qu’est-ce qui s’est passé ? Demande Jérémie en rejoignant ses amis, qui pouffent de rire.
_ Elle lui a fait passer un mot pendant le cours, raconte Odd, un poème nullard sur l’amour la mer et l’océan. Il lui a renvoyé avec écrit au dos « La barque de mon esprit est étanche et flotte sur l’océan de ta bêtise. » Tiens, voilà Yumi !
Yumi en effet, rejoins ses amis d’une démarche guillerette.
_ Salut les garçons !
Jérémie hoche la tête.
_ Salut ! Dis donc, toi, tu n’aurais pas une explication à nous donner ? Au sujet d’un cadenas.
_ Ah oui ! Bien sûr... Je vais vous expliquer.
Après avoir réfléchis toute la matinée, Yumi a décidé de ne rien dire de la vraie raison qui l’a poussé à mettre un cadenas. Pourquoi les inquiéter inutilement ? Mais maintenant qu’elle doit mentir à ses amis, elle se sent mal.
_ Voilà. Avec l’été qui approche, il y de plus en plus de jeunes qui se rassemblent dans l’usine, la nuit. Hier, j’ai encore trouvé des emballages de chips. Imaginez qu’un d’eux découvre le labo ?
_ C’est très joli, tout ça ! Intervient Odd. Mais si tu es la seule à avoir la clef pour descendre, on risque d’avoir des problèmes.
_ J’ai prévu un double des clefs pour tout le monde, répond Yumi en ouvrant son sac. Aïe !
Elle vient de lâcher la lanière qu’elle tenait avec un cri de douleur.
_ Ca va ? S’inquiète Ulrich, qu’est-ce que tu as ?
_ Ce n’est rien une décharge d’électricité statique. Tenez, voici vos clefs.
Elle distribue à tous une petite clef ronde. Ulrich regarde la sienne d’un air dubitatif.
_ Tu es sûre que c’est nécessaire ?
_ En tout cas, c’est plus prudent, répond Yumi en refermant son sac.
Elle évite de le regarder pour ne pas rougir. Mentir à Jérémie, Odd, ou Aelita, c’est déjà difficile, mais mentir à Ulrich, c’est le pire. Elle a le sentiment de le trahir. Est-ce vraiment nécessaire d’ailleurs ? Elle pourrait lui raconter, juste à lui... Mais non. C’est mieux pour lui qu’il l’ignore.
Odd, qui range sa clef dans sa poche, sursaute soudain.
_ Aïe ! J’ai pris une décharge d’électricité statique ! Comme Yumi ! C’est normal ça ?
Mais Jérémie ne l’écoute pas. Il est resté bouche bée, les yeux écarquillés, tourné vers le centre de la cour.
_ Sissi ! Regardez Sissi !
Sissi s’est immobilisée au milieu de la cour. Ses cheveux, d’ordinaire impeccablement peignés se sont dressés tout autour de sa tête, et son petit pull rose en cachemire est parcouru d’étincelles. Hervé et Nicolas la regardent avec des yeux ronds.
_ Sissi ? Tout va bien ?
_ Ahr ! Ne me touchez pas, espèces d’imbéciles, ça fait mal !
Jérémie se tourne vers Odd, Ulrich et Yumi, qui échangent avec lui un regard entendu.
_ A l’usine immédiatement !
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Après avoir parcouru les dédales souterrains qui relient le collège à l’usine, nos héros pénètrent dans le laboratoire.
_ Aelita, appelle Jérémie, Aelita, tu me reçois ?
Le visage souriant de l’humanoïde apparaît sur l’écran de contrôle.
_ Aelita, est-ce qu’il y a une tour activée sur Lyoko ?
_ Je ne sais pas. Je vais voir.
Tandis qu’Aelita disparaît de l’écran de contrôle, Jérémie consulte les réseaux du collège pour déterminer où en est l’attaque de Xana. Soudain, il fronce les sourcils.
_ Tiens ? Ca, c’est bizarre !
_ Quoi, bizarre ? Intervient Odd. Tu veux dire, plus bizarre que d’habitude ?
_ Tu ne crois pas si bien dire. D’habitude, Xana concentre ses attaques sur le collège, n’est-ce pas ?
La voix d’Aelita se fait entendre dans le haut-parleur.
_ Bien sûr ! Il cherche d’abord à atteindre ses ennemis.
_ Pas cette fois-ci, répond Jérémie. La concentration d’électricité statique s’éloigne du collège. Elle se dirige vers le centre ville.
_ Vers le centre ville ? Répète Yumi. Près de la gare ?
_ Heu, oui. Comment tu le sais ?
Mais avant que Yumi ait pu répondre, le visage d’Aelita réapparaît sur l’écran.
_ J’ai trouvé la tour activée. Dans le territoire Banquise.
_ OK, répond Ulrich, ne bouge pas on arrive !
_ Ne commence pas sans nous, surtout, ajoute Odd.
Yumi, est restée face à l’écran.
_ Les garçons, je suis désolée... Il va falloir que vous plongiez sans moi.
_ Hein ?
Odd et Ulrich, qui on déjà pris place dans l’ascenseur se retourne interloqués.
_ Qu’est-ce qui te prends ?
_ Disons... Que je connais quelqu’un qui habite en ville, prés de la gare. Il faut que j’aille prévenir cette personne du danger.
_ Qui ? Demande Ulrich.
Yumi rougit sous son regard mais serre les lèvres. Elle ne dira rien.
_ C’est bizarre, Yumi. Je ne devrais pas te demander ça, mais... Comment dire ? J’ai le sentiment que tu nous caches quelque chose. Quelque chose que nous devrions savoir.
_ Il y a une tour à désactiver. Répond la jeune fille sur un ton sec qui ne lui ressemble pas.
Le garçon écarquille légèrement les yeux, surpris par la soudaine froideur de son amie, mais hausse les épaule et entre dans l’ascenseur.
« Je l’ai blessé. Pense Yumi. Mon Dieu, mais QU’EST-CE QU’IL VA IMAGINER ? »
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Dans un nuage de fumée, les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur la salle des scanners. Ulrich et Odd, d’un pas ferme, pénètrent chacun dans l’un des grands tubes blancs qui s’y dressent, reliés à l’ordinateur par des fils électriques. Les portes des scanners se referment sur eux avec un grincement sinistre.
_ Transfert Ulrich, annonce la voix de Jérémie dans le haut-parleur.
Aussitôt Ulrich sent ses pieds se décoller du sol. Échappant à la gravité, il s’élève dans le tube.
_ Transfert Odd, annonce Jérémie.
Puis :
_ Scanner Ulrich.
Des dizaines de particules lumineuses s’élèvent dans le scanner où est enfermé Ulrich. Le souffle d’air qui le porte fait voler ses cheveux.
_ Scanner Odd. Virtualisation.
Un flash, puis plus rien. Plus aucune sensation, ni de poids, ni d’air. Autour d’Ulrich apparaît le décor bleu de la banquise. Il atterrit mollement sur le sol, Odd à ses cotés. Autour d’eux, la nuit polaire semble plus immobile que jamais.
_ Odd ! Ulrich !
Aelita cours à eux. Son fin visage d’habitude souriant est soucieux.
_ Vous n’êtes que deux ? Et Yumi ?
Ulrich hausse les épaules. Odd lance à Aelita un sourire charmeur.
_ Je suis là, moi. Pourquoi on aurait besoin de Yumi ?
_ J’ai repéré la tour activée. Venez, vous allez comprendre.
Les trois amis escaladent une montagne de glace. Au pied de celle-ci, la tour activée brûle de son feu rouge sans flamme. Et autour d’elle...
_ Waouh ! S’écrie Odd. C’est pour nous, tout ça ?

Dans le laboratoire, Jérémie fixe son écran, interdit, se demandant si l’holomap n’aurait pas des ratés.
_ C’est incroyable. Jamais vu autant de block concentré de un seul endroit. Il y en a au moins des centaines !

Sur Lyoko, Odd saute sur place.
_ Eh bien qu’est-ce qu’on attend ? On fonce !
Ulrich fronce un sourcil, la main sur la garde de son sabre.
_ Impossible. A nous deux, on ne tiendra jamais assez longtemps pour qu’Aelita puisse entrer dans la tour. Il faut les obliger à se disperser d’abord.
Aelita contemple l’armée de block qui s’étend à ses pieds, un peu dépassée par la tournure que prend les évènements.
_ Je ne sais pas ce que Xana a prévu cette fois mais il tient VRAIMENT à ce qu’on ne l’empêche pas de réussir.
_ Eh bien, dit Odd joyeusement, nous allons nous faire un plaisir de le décevoir. C’est quoi le plan, Ulrich ?
_ Aelita, tu restes à distance pour l’instant. Odd, tu vas attaquer par la droite, et moi par la gauche. Pas trop sérieuse, l’attaque. Juste assez pour les énerver. Puis on bat en retraite et on essaie d’en attirer quelques-uns à notre poursuite.
_ Reçu, mon commandant.
Les deux garçons commencent à descendre la pente, laissant derrière eux une Aelita plus inquiète que jamais.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------- Yumi est essoufflée à force de courir, mais elle s’interdit de ralentir. Elle s’énerve de son corps trop lourd à transporter. Si elle courait sur Lyoko, elle serait déjà arrivée à destination, et sans la moindre sensation de fatigue.
« Il est peut-être déjà trop tard, pense-t-elle. Combien de temps faut-il à Xana pour lancer son attaque ? »
Arrivée enfin à l’adresse indiquée sur son bout de papier, elle ne trouve aucune maison. Juste un vaste entrepôt, comme il y en a tant près des gares. Un entrepôt laissé à l’abandon. Sans comprendre, Yumi jette un œil sur le logo dessiné sur la boîte aux lettres. C’est le même que celui de l’usine.
« Je comprends. Ce devait être ici que l’usine entreposait son matériel. Tout s’est arrêté en même temps. »
Elle pousse la grille rouillée et appelle :
_ Mademoiselle Kiepelstein ?
Seul le silence lui répond. La cour est déserte. Yumi s’avance de quelque pas regarde dans la loge du gardien. Il y a un réchaud, des journaux. Quelqu’un vit là depuis quelque temps, c’est incontestable. Mais la loge est vide. L’adolescente s’en éloigne au galop. De vastes hangars s’étendent devant elle.
_ Mademoiselle Kiepelstein ? Ingrid ? Ingrid ?
_ C’est moi ! Qui m’appelle ?
Ingrid Kiepelstein vient de sortir d’un des hangars, une boîte à outil à la main.
_ C’est toi ? Que...
_ Ingrid ! S’écrie Yumi en courant à elle. Il faut que vous quittiez cet entrepôt immédiatement !
Surprise par le ton angoissée de la jeune fille, l’informaticienne reste interdite.
_ Maintenant ? Que je... Mais...
_ Oh s’il vous plaît, croyez-moi ! Vous êtes en danger ! « Il » a compris ! Je ne sais pas comment mais « il » sait que vous êtes de retour !
La boîte à outil que tient Ingrid tombe sur le sol dans un lourd fracas.
_ C’est impossible ! Je n’ai pas d’adresse dans l’annuaire ! Pas le téléphone ! J’ai pris toutes mes précautions...
_ Je vous dis qu’il sait ! Insiste Yumi, des larmes d’impuissance aux yeux. Au nom du ciel, arrêtez de discuter et sortons de là avant que...
Mais alors qu’elle saisit le poignet de la femme pour l’entraîner, son regard tombe sur la grille d’entrée qu’elle vient de franchir. Celle-ci est déjà parcourue d’électricité statique... Ainsi que l’ensemble du mur d’enceinte qui entoure l’entrepôt.
_ Trop tard. Murmure Ingrid.
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_ Eh, toi ! Le cube !
Odd, avec un superbe saut périlleux à faire pâlire de jalousie un champion olympique, bondit sur le dessus du bloc le plus proche. Celui-ci tourne furieusement sur lui-même, essayant de se débarrasser du gêneur.
_ Mesdames, messieurs, le roi du rodéo ! Ouais !
Les deux blocks d’à côté, d’un mouvement parfaitement synchronisé, tirent dans la direction de l’ennemi. Odd bondit hors de son perchoir. Les rayons lasers réduisent en fumée le block sur lequel il était. Dans les airs, le garçon exécute deux, trois figures comme on n’en réussit que sur Lyoko et...
_ Flèche laser ! Flèche laser !
Les blocks qui ont si malencontreusement tiré sur leur comparse disparaissent à leur tour.
_ Bravo Odd. Fait la voix de Jérémie en off. Trois de moins ! Plus que deux cent quatre-vingt dix-sept autres à détruire !
_ Seulement ! C’est pas juste ! J’aurais pas le temps de m’amuser !
De l’autre coté du plateau, Ulrich se précipite, enfonce son sabre dans le ventre du block.
_ Impact !
Pris par surprise, le monstre s’effondre. Les autres réagissent aussitôt.
_ C’est ça, essayez de m’attraper ! Coucou je suis là !
Rengainant son sabre, il se précipite dans un canyon de glace.
_ Jérémie, combien j’en ai attiré ?
_ Une bonne vingtaine ! Attention, le canyon où tu es se divise plus bas en deux embranchements ! Celui de droite est un cul de sac !
_ Parfait ! C’est exactement ce qu’il me faut ! Triplicata !
Multiplié par trois, Ulrich s’enfonce dans l’embranchement de droite tendis que ses doubles gravissent quatre à quatre les pentes, vers le haut du canyon. L’attroupement de monstres qui le poursuit s’engouffre à sa suite. Les deux Ulrichs du haut, de par et d’autre du cul de sac, enfoncent chacun leur sabre dans la glace de manière à provoquer l’avalanche nécessaire. En quelques secondes, la totalité des blocks se retrouve enfouie sous la neige.
Les trois Ulrichs aussitôt se remettent en route vers la tour.
_ Aelita, prévient Jérémie. Ca commence à marcher. Les blocks s’éloignent ! Tiens toi prête.
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Yumi parcours du regard le mur électrifié et la grille.
_ Il y a une autre sortie ?
_ Non c’est la seule.
Ingrid est retournée dans le hangar pour en sortir plusieurs appareils qu’elle branche sur les câbles qui traînent au sol.
_ Qu’est-ce que c’est ?
_ Des électro-aimants. Tant qu’ils seront branchés, le champ magnétique nous protégera. Xana ne pourra pas nous foudroyer.
_ Ca tiendra combien de temps ?
_ Aucune idée.
Yumi serre les poings. Elle enrage.
« Je devrais être sur Lyoko, avec les autres. J’ai laissé tombé Odd, Ulrich et Aelita, pour aller aider cette femme que je ne connais pas, qui n’a pas besoin d’aide, et qui en plus va débrancher le supercalculateur dés qu’elle en aura l’occasion ! »
_ Ce n’est pas possible, il faut que j’essaie de passer !
_ Yumi, non !
Mais déjà la jeune fille cours vers la grille et tente de se glisser entre les battants ouverts. Aussitôt un gigantesque éclair blanc, s’abat sur elle comme la foudre sur un arbre, la faisant tomber, inanimée, sur le sol.
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Tandis qu’Ulrich et ses doubles entraînent les blocks à leur poursuite, Odd atterrit près d’Aelita.
_ C’est à nous, princesse. La voix est dégagée !
L’humanoïde acquiesce et tous deux se mettent à dévaler la pente qui mène à la tour. Ils courent à toutes jambes, refusant de penser à Ulrich poursuivi par les blocks, refusant de penser à autre chose qu’à cette tour qui s’élève devant eux, cette tour qu’ils doivent atteindre à tout prix, cette tour et son halo rouge. Plus que cinquante mètres. Plus que vingt...
_ Odd, Aelita, crie soudain Jérémie dans le haut-parleur, il y en a d’autres ! Caché derrière la tour ! Vous foncez droit dessus !
Aelita et Odd tente de faire demi-tour mais...
_ Il y en a derrière, s’écrie Aelita.
_ Et à droite et à gauche !
_ On est piégé ! Gémit l’humanoïde.
Odd l’entoure de ses bras _ « Surtout ne va pas t’imaginer des choses »_ pour faire rempart de son corps au cas où les créatures feraient feu. Mais il sait que c’est inutile. Il y en a trop.
Alita a joint les mains et s’est mise à chanter. Un épais mur de glace s’élève autour d’elle et Odd, arrêtant les rayons que les monstres commencent à tirer sur eux.
_ Ca ne tiendra pas éternellement, grogne Odd. On aurait besoin d’aide, Einstein !
_ Ulrich ! Appelle Jérémie. Odd et Aelita sont encerclés par les blocks.
Ulrich, qui fuyait vers l’arrière du plateau fait volte face. Sabre au clair, il charge les blocks qui le poursuivent, esquive, intercepte, se démène furieusement pour rejoindre ses amis. Mais ces efforts sont dérisoires comparés au nombre d’adversaires qu’il affronte. Il perd un double. Puis deux.
_ Je regrette, Jérémie, mais je suis coincé !
Devant son clavier, Jérémie se tord les mains de désespoir.
_ Cette fois, je ne sais vraiment pas comment on va s’en sortir ! Sans Yumi, c’est impossible !
-------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ingrid Kiepelstein a traîné dans le hangar le corps inerte de Yumi, et tente, l’angoisse au ventre, de la ranimer.
_ Allons, gamine, accroche-toi ! Une enquiquineuse comme toi ne peut pas se laisser abattre par un bête éclair de rien du tout !
L’adolescente tousse et gémit. Ingrid pousse un soupir de soulagement.
_ Eh bien ! J’ai bien cru que cette sale tête en circuit imprimé t’avait eue, toi aussi.
A la ceinture de la jeune fille, encore inconsciente, un téléphone portable s’est mis à sonner. La femme le prend, l’approche de son oreille, décroche. Avant qu’elle ait eu le temps de dire « allô ? », une voix paniquée de garçon se fait entendre.
_ Yumi, enfin j’arrive à te joindre ! Il faut que tu rappliques à l’usine, et tout de suite ! Aelita et Odd sont encerclés par les monstres et Ulrich est sur le point d’être dévirtualisé ! Yumi ? Tu m’entends ? Yumi, pourquoi tu ne dis rien?

Dans son laboratoire, Jérémie entend soudain la voix de Yumi, beaucoup plus lointaine qu’elle devrait l’être, et très énervée.
_ Qu’est-ce que vous faites ! Rendez-moi ce portable ! Ingrid, rendez-le-moi immédiatement !
_ Alors... murmure tout près du micro une voix de femme très émue. Alors toutes ces histoires de virtualisation et de matérialisation, c’était vrai ?
_ Évidement, c’était vrai ! Qu’est-ce que vous croyez ? Je n’ai pas assez d’imagination pour inventer des choses pareilles ! Donnez-moi ce téléphone !
_ Tu... es toujours comme ça, Yumi ?
_ Non, aujourd’hui, j’suis plutôt de bonne humeur. Allô, Jérémie ? Tu m’entends.
La panique, la stupeur mélangées, Jérémie retrouve difficilement l’usage de la parole.
_ Yumi ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est qui, cette femme à qui j’ai tout déballé ?
_ Je suis coincée dans un vieil entrepôt près de la gare. Si j’essaie de sortir, je me fais électrocuter. Où vous en êtes ?
_ Nulle part ! Nous sommes coincés et Aelita est en danger ! Si tu ne viens pas, c’est la catastrophe !
A l’autre bout du fil, Yumi sent un froid glacial lui saisir les entrailles. Il faut qu’elle sorte de l’entrepôt. Il le faut de toute urgence. Il faut qu’elle trouve des mots pour rassurer Jérémie, pour qu’il encourage ses amis à tenir le plus longtemps possible. Il faut... Mais aucune idée ne lui vient.
Pendant tout ce temps, Ingrid est restée assise sur ses talons à regarder la jeune fille parler au téléphone. Elle se lève soudain, une lueur étrange dans le regard.
_ Viens.
C’est un ordre ferme et incontestable. Sans même penser à poser des questions, Yumi suit la femme au fond du hangar.
_ Jérémie, je te rappelle. Tenez bon, surtout !
L’informaticienne désigne à Yumi une forme oblongue couverte d’un drap.
_ Regarde.
Elle enlève le drap, révélant ainsi une gigantesque capsule de métal blanc, comme un sarcophage. Le cœur de Yumi se met à battre la chamade.
_ Qu’est-ce que c’est ? Demande-t-elle, mais elle connaît déjà la réponse.
Ingrid sourit comme un père Noël qui vient de sortir de sa hotte un jouet exceptionnel.
_ Ceci, ma belle, c’est le quatrième scanner. Celui qui devait être livré à l’usine le matin ou Xana a attaqué pour la première fois. Et, j’ai vérifié, il fonctionne.
D’une main tremblante, Yumi caresse le bord du sarcophage. Il est poussiéreux, des toiles d’araignées se sont formées aux extrémités mais il ne porte aucune trace de rouille. Il a l’air intact.
_ Vous pourriez m’envoyer la-bas ? Sur Lyoko ?
Ingrid désigne l’ordinateur plus ou moins ancien qu’elle a branché au scanner.
_ Il faudrait que cette antiquité arrive à se connecter au réseau et que ton copain Jérémie me laisse accéder à ses fichiers. Mais oui, ça pourrait se faire.
Un frisson d’excitation et d’inquiétude parcourt Yumi. Ca peut se faire. Ca peut marcher.
_ Il y a autre chose que je dois te montrer, ajoute l’informaticienne.
Elle sort de la poche de son jean un CD-rom.
_ C’est le programme que je comptais implanter à Aelita. Pour la rendre plus puissante. Mais tu as raison. Ca risque d’être incompatible avec le programme de matérialisation.
_ Qu’est-ce que ça me fera ? Demande Yumi qui a compris où Ingrid voulait en venir.
_ Ca te rendra plus puissante. Mais ça ne marchera qu’une fois. Quand tu retourneras sur Lyoko ensuite, tu seras comme d’habitude.
_ C’est tout ? Ca me rendra forte, et puis basta ! Aucun inconvénient de dernière minute ? Aucune séquelle ? Ca ne fera que me rendre forte ?
Ingrid, qui a commencé à pianoter sur son clavier, soupire.
_ Tu ne veux vraiment pas me faire confiance ?
_ Vous voulez une réponse franche ou une réponse diplomatique ?
_ Laisse tomber. C’était une question bête.
Elle s’accroupit devant la jeune fille et pose les mains sur ses épaules.
_ Yumi, je sais que la plupart des adultes, à ma place, se dirait qu’il est commode de tout débrancher et qu’Aelita n’est au fond rien d’autre qu’un programme informatique. Mais ce n’est pas parce que la plupart des adultes vont faire une chose que TOUS les adultes sont pareils.
Yumi hésite un instant sur la conduite à tenir, puis reprend son téléphone.
_ Allô, Jérémie ? Vous tenez toujours ?
_ Pas pour longtemps. Ulrich n’a plus que vingt points de vie, et le mur qui protège Aelita est déjà en train de se fissurer.
_ Jérémie, il y a un autre ordinateur qui va se connecter au tien. Il faut que tu le laisse accéder à tous les fichiers qui concernent la virtualisation.
_ Hein ?
_ Ne t’inquiète pas ! Tu as confiance en moi, non ? C’est le seul moyen pour que je puisse vous rejoindre.
_ D’accord, je te fais confiance. De toute façon je n’ai pas le choix.
_ A tout de suite.
En raccrochant, Yumi aperçoit, par-dessus l’écran de l’ordinateur, que le visage d’Ingrid s’est illuminé d’un sourire. Elle le lui rend en signe d’armistice.
_ C’est près. Tu peux entrer.
Avec une soudaine appréhension, Yumi s’allonge dans le scanner.
_ Vous êtes sûre que ça va marcher ?
_ Ne t’inquiète pas ! Bonne chance !
Les portes du scanner se referment sur la jeune fille avec un claquement sec.
_ Très bien, très bien, grommèle l’informaticienne, je vois comment ça marche. Transfert. Scanner. Virtualisation.
A l’intérieur de la cabine, Yumi sent toutes ses sensations corporelles disparaître, et, en même temps, naître en elle une surprenante sensation de toute puissance. Lorsqu’autour d’elle apparaît le décor bleu de la banquise, elle est prise d’une irrésistible envie de rire. Que tous ces blocks, autour d’elle, semblent soudain fragile et dérisoire !
Non loin de là, Ulrich, encerclé, peine à esquiver les tirs dont il est la cible. Yumi bondit, un gigantesque saut, immense, comme on n’en a jamais vu, même sur Lyoko, et atterrit près de lui. Elle tire de sa ceinture son éventail et le lance. Celui-ci décrit une gracieuse courbe dans les airs, fauchant au passage non pas une, mais huit machines de Xana.
L’expression de stupeur qui naît sur le visage d’Ulrich serait amusante à commenter, mais le temps presse. Avec une vitesse époustouflante, la jeune fille court vers l’endroit où sont coincé Odd et Aelita. La muraille de glace qui les protège s’effondre juste à temps pour laisser aux deux amis la possibilité de voir l’éventail meurtrier réduire leurs assaillants à néant.
Comme comprenant soudain le danger, les blocks restants concentrent leur puissance de feu sur la nouvelle venue. Mais aucun tir de semble l’atteindre. Il ne lui faut que quatre gestes, lancer, rattraper, relancer, rattraper, pour les détruire tous.
Sur le plateau de glace, ne restent maintenant plus que Ulrich, Odd, Aelita, et Yumi qui range son éventail. Autour de la jeune fille, brûle un halo bleu, semblable à celui qui entoure les tours désactivées.
Odd est le premier à reprendre conscience.
_ La voix est dégagée, Aelita, il faut que tu ailles désactiver la tour.
Mais Aelita ne bouge pas. Dans l’esprit de l’humanoïde, c’est le tumulte. Tout son être est secoué par un sentiment violent comme elle n’en a jamais ressenti. Elle sait que cela s’appelle la colère, que c’est normal, mais il lui apparaît qu’il est insupportable d’éprouver cela. De son regard vert, elle fixe Yumi.
_ Depuis combien de temps est-elle revenue ? Demande-t-elle d’une voix rauque qui n’est pas la sienne.
Yumi frémit en sentant la colère dans la voix de son amie. Mais elle soutient le regard qui la fixe.
_ Depuis hier soir. Répond-elle. Mais je m’y attendais depuis trois jours.
Odd et Ulrich échangent un regard indécis. Tous deux sont dépassés par la tournure que prennent les événements.
Sans trop savoir ce qu’elle compte faire, Aelita marche au devant de Yumi. Elle a oublié les blocks, la tour, elle a tout oublié, sauf qu’Ingrid est revenue, que Yumi le savait, et qu’elle le lui a caché.
Et soudain, sans qu’elle puisse rien contrôler, sa main s’élève dans les airs et s ’abat sur la joue de la jeune fille. La gifle est si violente que Yumi en perd l’équilibre.
_ Alita ! S’écrie Ulrich, choqué.
D’une main, Yumi lui fait signe de rester à distance.

Dans le hangar, Ingrid regarde avec inquiétude les électro-aimants qui la protègent. L’intensité de leur champ magnétique semble diminuer, ou alors, c’est la pression de Xana qui augmente.

Aelita est si furieuse qu’elle en tremble toute.
_ Tu es une... Tu es une...
Mais le mot qu’elle cherche, n’existe pas dans son vocabulaire. Yumi se relève en se frottant la joue.
_ Je t’ai menti, Aelita. Par omission, bien sûr, mais je t’ai quand même menti. Ma seule excuse, c’est que je voulais te protéger.
_ Me protéger, s’exclame Aelita, si furieuse qu’elle n’en trouve plus ses mots, me protéger ! Me protéger d’Ingrid ! Mais enfin, tu sais qui c’est, Ingrid, pour moi ?
_ Oui, répond Yumi. Maintenant, oui.
Toute la colère d’Aelita retombe d’un seul coup, la laissant fragile et désemparée. Elle voudrait avoir des larmes pour pleurer.
_ Aelita, reprend son amie sur un ton très doux. Le temps presse. Il faut que tu aille désactiver la tour.

Les murs et le toit du hangar crépitent violemment. Ingrid s’est recroquevillée à l’intérieur du scanner... Piètre refuge, elle le sait. « Il » ne frappera qu’une fois, et cette fois sera la bonne.

Encore tremblante d’émotion, Aelita pénètre dans la tour. Le sol s’illumine sur son passage. Autour d’elle, des brides d’Internet se croisent et s’entrecroisent. Elle se laisse soulever par la force d’attraction qui l’emmène au sommet. Là apparaît un clavier et un écran sur lequel elle applique sa main. La tour la reconnaît. L’écran affiche.
CODE ?
LYOKO tape Aelita.
Aussitôt, tout autour d’elle se défait, s’efface et s’enfonce vers les profondeurs, les abîmes inexploré de Lyoko. Une lueur blanche, aveuglante en remonte.
_ Retour vers le passé. Annonce la voix de Jérémie.
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Le sac au dos, les chaussures lacées, et le visage frais et pimpant, Yumi dévale les escaliers.
_ Je dois partir plus tôt aujourd’hui ! Annonce-t-elle à ses parents assis dans la cuisine. J’ai rendez-vous avant les cours, pour un exposé. Au r’voir p’pa, au r’voir m’man.
En descendant les marches du perron, la jeune fille se sent saisie d’une appréhension. La tour a-t-elle été désactivée à temps ? Et si...
_ Yumi Ishiyama ?
_ C’est moi. Répond Yumi en se retournant.
Ingrid Kiepelstein vient la rejoindre, un grand sourire sur les lèvres.
_ C’est ton livre, je crois. Il y a ton nom et ton adresse dedans.
_ C’est prudent. Pas comme se promener dans les usines désaffectées en pleine nuit. Ou d’habiter dans les entrepôts déserts. Merci de me le rapporter.
_ Ca ne fera jamais que la troisième fois.
_ Prenez un abonnement.
Elles sourient et se taisent toutes les deux. Malgré le différent qui les a opposées durant les dernières vingt-quatre heures, force est de constater qu’elles sont toutes deux soulagées de se retrouver saines et sauves.
_ Je vous dois des excuses, Ingrid. Dit gravement Yumi.
L’informaticienne part d’un petit rire bref.
_ Pourquoi ? Pour m’avoir aspergée de peinture ? Ou peut-être pour m’avoir crue capable de débrancher Aelita sans un remord ?
_ Les deux. Les deux. Quand vous avez découvert que je n’était qu’une collégienne, vous auriez pu vous servir de ça pour m’obliger à vous céder, au lieu de ça, vous êtes venue me parler, comme à une égale. Je n’aurais pas pensé que vous feriez comme ça.
Ingrid semble touchée par cet aveu mais elle hausse les épaules.
_ Quand nous étions toutes les deux enfermée dans ce hangar, j’ai pu constater que tu avais plus de maturité et de sang-froid que bien des adultes que j’ai connu. Si les scientifiques qui travaillaient sur le supercalculateur il y a huit ans t’avaient ressemblé, Xana n’aurais jamais vu le jour. Je ne considère pas que je pense mieux que toi.
_ Qu’allez-vous faire à présent ?
Un soupir s’échappe des lèvres de la femme.
_ Je n’ai pas le choix. Tant qu’«Il » voudra ma peau, je devrais me cacher. Je vais quitter la ville et disparaître, jusqu’à ce que je trouve un moyen détruire cette sale boîte à puces. Ou jusqu’à ce que vous, vous trouviez un moyen.
_ Si vous disparaissez, vous n’aurez aucun moyens de savoir où nous en sommes.
_ Tu oublie les retours dans le temps. Chaque fois que vous contrez une attaque de Xana, je le sais.
_ Oh, fait Yumi impressionnée.
Elle réalise soudain ce qu’a pu vivre l’informaticienne, impuissante, assistant à chaque attaque de Xana malgré elle.
_ Au moins, continue la jeune femme, je repars rassurée, je sais que le sort d’Aelita est entre de bonnes mains.
Yumi jette un œil sur sa montre.
_ A ce propos, il faudrait nous mettre en route. Vous allez m’accompagner au collège.
Ce n’est pas une question mais un ordre.
_ Nous avons un rendez-vous ? Demande la scientifique amusée.
_ Pas moi, vous. Un rendez-vous auquel il serait dommage d’arriver en retard.
Ingrid suit Yumi. Elles marchent jusqu’au collège. Devant la grille, attend un groupe d’adolescent, trois garçons et une fille. En les apercevant, Ingrid s’est arrêtée.
_ Vous êtes nombreux, s’étonne-t-elle.
_ Eh oui. Le blond à lunettes, c’est Jérémie, notre petit génie perso. La coupe d’enfer c’est Odd. A gauche c’est Ulrich.
_ Sacrée bande. Ils sont tous comme toi ?
_ Pires.
_ Ce pauvre Xana. Il ne doit pas rigoler tous les jours.
Yumi fait quelque pas en avant pour inciter la femme à la suivre, mais celle-ci reste immobile, et observe de loin la jeune fille aux cheveux roses qui se tient près des trois autres.
_ Comme elle est belle ! Encore plus que quand je l’ai imaginée !
_ Ils nous attendent. Sourit Yumi en désignant le groupes. Vous venez.
_ Attends ! Attends !
_ C’est pas croyable, on dirait que vous avez peur !
_ Oui, j’ai peur ! Huit ans qu’elle ne m’a pas vue. Elle va me trouver changée, vieillie...
_ Ne faites pas l’enfant, Ingrid.
D’une main douce mais ferme, elle empoigne le bras de la femme et l’entraîne. La jeune fille aux cheveux roses s’est détachée du groupe vient à leur rencontre. Elle a un teint de lait, des yeux verts en amande et un large sourire.
_ Bonjour, Ingrid, dit-elle.


Tchoucky
29/04/05 à 13:48
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Ecrit par Tchoucky, le 18 juin 2004





Les derniers rayons du soleil s’effacent peu à peu, plongeant la salle cathédrale de la vieille usine dans une mi-pénombre. A cette heure de la journée plus qu’à toute les autres, l’atmosphère prend une allure fantomatique. L’incongruité qu’il y a à trouver abandonné un bâtiment si grand et si solide frappe d’autant plus quand le jour s’en va. Tout est silencieux, si ce n’est…
Les pas d’un visiteur solitaire martèlent le sol. Une femme vient d’entrer.
Elle a une trentaine d’année, des cheveux noir, un teint pâle et de grands yeux gris qui lui donne un air fragile et évanescent. Malgré cela, son visage exprime une détermination farouche.
Yumi l’observe qui s’approche, dissimulée derrière un caisson. Elle jette un coup d’œil au vieil article de journal qu’elle tient à la main. La photo n’est pas bonne mais pas de doute, c’est bien elle. Ingrid Kiepelstein. Cette femme est une actrice à part entière dans le mystère qui entoure cette usine.
Il y a huit ans, toutes les personnes qui y travaillaient ont disparues, du jour au lendemain, sans explication. Toutes sauf cette jeune informaticienne, « haker » à ses heures, affectée à un service de l‘usine dont personne de connaissait le rôle. La police l’avait interrogée à l’époque, mais elle était en état de choc. Tout ce qu’elle parvenait à dire était « Je croyais qu’un retour dans le passé les ferait revenir, je le croyais, je le croyais… ». Des phrases sans aucun sens. On interna Ingrid Kiepelstein dans un hôpital psychiatrique et l’usine resta définitivement fermée, sans qu’aucune explication n’ait été trouvée à la disparition soudaine des quelques trois cents employés qui y travaillaient.
Aucune explication du moins jusqu’à ce que Yumi et ses amis découvrent le secret.
Yumi a lu dans le journal, il y a quelques jours, qu’Ingrid Kiepelstein était libérée. Un court article, juste pour rappeler le mystère irrésolu et piquer la curiosité des lecteurs. Mais Yumi n’a plus dormi depuis. Chaque soir, elle s’est éclipsée de chez elle, et est venue ici, attendre.
Et ce soir, ses craintes se confirment. Ingrid est venue. Yumi sait pourquoi. Mais elle ne la laissera pas faire.
La femme a traversé la salle cathédrale pour s’approcher du vieux monte-charge. Nerveusement, elle presse le bouton rouge qui permet de l’actionner. Le monte-charge émet un bruit mais se bloque. Une lourde chaîne, fermée par un cadenas empêche ses portes de se fermer. La femme regarde interloquée le cadenas. Elle sort rapidement de la cabine et court jusqu’à la chaufferie. Là, une trappe permet de descendre au sous-sol sans emprunter l’ascenseur. Mais la trappe est bloquée, elle aussi, par un cadenas.
« Vous voyez, murmure Yumi en elle-même, il y a déjà quelqu’un, faites demi-tour… Allez, faites demi-tour, on s’occupe de Xana, vous n’avez pas besoin de débrancher le supercalculateur. »
Mais Ingrid Kiepelstein ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’est emparée d’une barre de fer qui traînait et se met à frapper de toutes ses forces sur le cadenas.
« Très bien, pense Yumi. Vous ne me laissez pas le choix. »
Et d’un coup sec, elle tire sur la corde qui pend près d’elle. Aussitôt, un amoncellement de pot de peinture s’écroule sur l’intruse, l’éclaboussant de toute part. Celle-ci crie, jure et s’ébroue.
_ Qui est-là ? Appelle-t-elle. Montrez-vous !
Elle se met à fouiller frénétiquement la pénombre, mais Yumi s’est déjà éloignée. De sa nouvelle cachette, elle voit Ingrid se pencher pour ramasser quelque chose_ de quoi se défendre en cas d’attaque, sans doute_ et s’éloigner vers la sortie.
« C’est ça, allez-vous-en ! On ne veut pas de vous ici. »
Avant de disparaître, l’intruse se retourne et lance à la cantonade :
_ Je reviendrais !
Et elle sort.
_ Je vous attendrais. Répond doucement Yumi en sortant de sa cachette alors que le silence s’installe de nouveau dans l’usine. Je vous attendrais.

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_ Jérémie ! Jérémie !
Jérémie, adolescent de petite taille, maigre, à la tête circulaire et aux cheveux blonds ouvre un œil, puis les deux. Il lui faut vingt bonne seconde pour comprendre que ce n’est pas son réveil qui l’a tiré du sommeil, mais bien la voix d’Aelita, affolée, sur son ordinateur.
_ Jérémie, réveille-toi, s’il te plaît.
Jérémie saute à bas de son lit et courre à son clavier.
_ Aelita ? Qu’est-ce qui se passe ? Xana est réveillé ?
_ Et bien réveillé ! Je sens des pulsations dans le territoire des forêts.
_ Compris, je réveille Odd et Ulrich, j’appelle Yumi et on arrive. Ne bouge pas surtout.
Tandis que le visage de l’humanoïde aux cheveux roses disparaît de l’écran, Jérémie s’habille précipitamment, s’énerve en constatant qu’il est en train d’enfiler son pull à l’envers, le remet dans le bon sens et se précipite dans le couloir. Le soleil du matin éclaire les murs jaunes du pensionnat où tout est silencieux. Personne ne s’est levé encore. Jérémie va frapper à la porte de ses amis, Ulrich et Odd.
_ Debout les gars ! Xana s’est réveillé.
_ Il a bien d’la chance ! Gémit Odd en ramenant sa couverture sur ses yeux, ne laissant dépasser que la pointe de sa coiffure Rock.
Dans le lit d’à côte, Ulrich, petite taille mais carrure sportive, cheveux châtain et visage princier, ne semble pas plus heureux.
_ Bon sang, Jérémie, il est 6h30 !
_ Y a pas d’heure pour les braves ! Claironne Jérémie. Je pars devant, rendez-vous à l’usine !
Et il sort en courant.
_ Ras l’bol, murmure Ulrich en se levant.
_ Quand faut y aller… l’encourage Odd.
Les deux garçons commencent à s’habiller rapidement.
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Assise devant son bol de thé, Yumi tente de sortir de l’état comateux dans lequel elle se sent. Ses traits fins d’adolescente asiatique son tiré, et son regard est plus sombre que jamais. Elle n’a pas assez dormi et n’est pas de bonne humeur. Elle s’efforce cependant de sourire à son père qui entre dans la cuisine. Elle a un contrôle de français tout à l’heure, et si elle ne se réveille pas d’ici là, elle est sûre de le rater.
« C’est ta faute, Yumi. Tu n’avais qu’à en parler aux autres. Jérémie aurait trouvé une solution. »
Oui, mais Jérémie a bien assez de soucis en ce moment, avec le virus que Xana a implanté à Aelita pour l’empêcher de quitter le monde virtuel de Lyoko. Odd et Ulrich, comme les examens approchent, ce n‘est pas le moment de leur fournir du stress supplémentaire. Quant à Aelita… Impossible de savoir comment elle réagirait. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne parle jamais de ses créateurs. Qui sait ce qu’elle éprouverait si elle savait que la seule survivante à la première attaque de Xana est revenue ? Pour la détruire, elle, Lyoko, les tours et tout le reste…
« Pas question de le dire à qui que ce soit. Pense-t-elle en quittant la cuisine pour la salle de bain. C’est toi qui as découvert ça, c’est donc ton problème. Débrouille-toi toute seule pour maintenir cette Mademoiselle Kiepelstein éloignée de l’usine. »
En passant devant sa chambre, elle remarque son portable qui vibre. Elle a reçu un texto.
« C’est pas vrai ! »
Elle se précipite, et évidemment, c’est bien ce qu’elle craignait. L’écran affiche « SOS Xana. J. » Elle pousse un soupir exaspéré.
_ Il ne peut pas faire la grasse matinée, comme tout le monde, ce sale microbe !
Elle empoigne son cartable, et cours dans l’entrée.
_ Tu pars déjà ? S’étonne sa mère.
_ J’ai rendez-vous avant les cours pour un exposé. Au r’voir m’man, au r’voir p’pa !
Elle claque la porte, se précipite dans la rue. Elle s’apprête à dissimuler son sac sous la haie de son jardin pour pouvoir courir plus vite quand une voix l’interpelle.
_ Yumi Ichiyama ?
Elle se retourne et retient une exclamation. Ingrid Kiepelstein est devant elle. Elle lui tend un livre.
_ C’est à toi, n’est-ce pas ? Il y ton nom et ton adresse à l’intérieur.
Son livre de français ! Il a dû tomber de son sac la veille quand elle était à l’usine.
Yumi se compose un visage étonné et ravi, tout en se traitant intérieurement de triple et même de quadruple idiote. A-t-on idée d’amener ses affaires de classe pour une planque !
_ Oh, mon livre de français ! Ça fait des jours que je le cherche, merci, madame ! Excusez-moi, je suis un peu pressée.
Mais la femme reste devant elle, lui barrant la route.
_ Ecrire son nom et son adresse dans ses livres de classe, c’est très prudent. Se promener la nuit dans une usine désaffectée, ça l’est beaucoup moins.
_ Une usine, quelle usine ? Demande l’adolescente innocemment.
_ Celle où j’ai retrouvé ton livre, voyons !
_ J’ai perdu mon livre il y a quelques jours, n’importe qui à pu l’amener !
_ Sans doute, sans doute. Dans ce cas, j’aimerais assez rencontrer cette personne. Elle me doit le prix de la facture du teinturier à cause de la peinture dont elle m’a aspergé.
_ Si je la rencontre, je lui transmettrais le message. Maintenant, excusez-moi, il faut absolument que j’y aille !
Elle s’en va en courant, sans laisser à l’informaticienne le temps d’ajouter quoique ce soit. A son grand soulagement, celle-ci ne la poursuit pas.
« Les planques ! Les attaques de Xana! Les contrôles de français ! Les Ingrid Kiepelstein ! Après on va oser dire que je manque de patience ! »
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Ulrich et Odd se laissent glisser le long de la corde qui mène à la salle cathédrale de l’usine, et aperçoivent Jérémie immobile devant le monte-charge.
_ Eh Jérémie, plaisante Odd, c’est sympa de nous avoir attendu !
Jérémie est très énervé.
_ Il y un cadenas qui empêche le monte-charge de descendre !
_ Hein, tu rigole, j’espère !
Ulrich se précipite pour constater par lui-même qu’il y a bel et bien une chaîne et un cadenas.
Odd s’approche, complètement éberlué.
_ Ben, c’est quoi c’délire !
_ Ne vous en faites pas, tout va bien ! Dit une voix derrière eux.
Yumi vient d’arriver, rouge et essoufflée d’avoir couru avec son sac d’une tonne sur le dos.
_ Tout va bien, répète-t-elle, c’est moi qui ai la clef !
Elle tire la clef de sa poche et libère le monte-charge.
_ Yumi, s’étonne Jérémie tandis qu’ils descendent vers le sous-sol de l’usine, pourquoi tu as bloqué l’ascenseur avec une chaîne ?
_ Vous expliquerais. Pour l’instant on a une tour à désactiver.
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Quelques esquives, triplicata, flèches lasers et autre joyeuseté plus tard, Aelita entre dans la tour qui relie Lyoko au monde réel.
Dans le laboratoire de l’usine, Jérémie sourit d’un air satisfait.
_ Je programme le retour dans le passé à il y a quelques heures, annonce-t-il dans le haut-parleur. Comme ça, vous pourrez rattraper les heures de sommeil perdues.
_ Chouette ! S’exclame Odd depuis Lyoko exprimant par là la pensée de tout le groupe.
Les trois voyageurs inter dimensionnels regardent autour d’eux la forêt tropicale virtuelle disparaître dans une lumière blanche.
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Mieux reposée, Yumi boit son thé et avale son petit déjeuner rapidement.
_ Je dois partir plus tôt aujourd’hui, annonce-t-elle, un rendez-vous pour un exposé ! Au r’voir, p’pa, au r’voir m’man.
Elle attrape son sac et quitte la maison.
_ Yumi Ishiyama ?
Ingrid Kiepelstein est là, lui tendant son livre de français, comme avant le retour dans le passé.
_Oh, mon livre, s’exclame-t-elle sur un ton enjoué. Ca fait des jours que je le cherche !
_ Fais-y d’avantage attention, dit la femme, c’est la deuxième fois que je te le rends.
Le sourire de Yumi se fige sur son visage.
_ La deuxième ? Vous-êtes sûre ?
_ Bien sûr, je te l’ai rendu une première fois il y a quelques heures, tu ne te souviens pas ? Tu étais très pressée.
Le cœur de Yumi se met à battre la chamade. L’informaticienne a aussi remonté le temps, avec Ulrich, Odd, Jérémie et elle.
_ Vous devez confondre. Dit-elle aimablement. Mais merci de me l’avoir rapporté.
Elle veut s’éloigner après un salut de tête mais la femme la retient par l’épaule, doucement mais fermement.
_ Yumi, arrête ce jeu. Il faut qu’on se parle.
_ Quel jeu ? De quoi vous voulez me parlez ?
_ D’un super calculateur dans une usine. D’un monde virtuel. D’un virus nommé Xana.
_ Je comprends rien à votre charabia ! Lâchez-moi où j’appelle !
_ D’Aelita.
Yumi a tressailli en entendant prononcer le nom d’Aelita. Ingrid l’a sentit. Elle profite du silence de l’adolescente pour poursuivre.
_ Je viens de passer huit ans chez les fous. C’est sûr qu’à ma place n’importe qui voudrait tout débrancher, mais il faut que tu me croies, Yumi, c’est moi, et moi seule qui ais conçu le programme d’Aelita. Je suis, en quelque sorte, sa maman.
La jeune fille se tait, ne sachant plus que penser. Doit-elle croire en ce que raconte cette femme ? Doit-elle continuer à faire comme si elle ne comprenait pas ? Ingrid Kiepelstein continue.
_ Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne suis pas revenue pour débrancher le super calculateur. Non. J’ai simplement mis au point un programme qui fera évoluer Aelita, la rendra capable de se défendre contre les monstres.
_ Mais si elle évolue, est-ce qu’on pourra continuer à la matérialiser ?
L’informaticienne la regarde, interloquée.
_ Matérialiser Aelita ? Je ne comprends pas.
_ Moi non plus, à vrai dire, mais Jérémie _ c’est un copain _ a trouvé le moyen de faire venir Aelita dans le monde réel. Seulement, Xana lui a implanté un virus, de telle sorte qu’on ne peu pas le débrancher sans la tuer avec lui, c’est pour ça que…
_ Yumi, je t’ai expliqué que je ne ferais pas de mal Aelita. Tu n’as pas besoin d’inventer des histoires pareilles !
_ Je vous assure ! Aelita vient nous rendre visite, maintenant ! Et nous allons aussi sur Lyoko ! C’est comme ça qu’on arrive à combattre Xana.
_ Mais enfin ! S’énerve soudain la femme. C’est de la science-fiction, ce que tu me raconte là ! Tu n’espère pas que je vais croire cette histoire abracadabrante !
Yumi serre les dents, elle regrette déjà d’en avoir trop dit.
_ Écoute, reprend Ingrid d’une voix douce. Tout ce que je veux, c’est la clef pour descendre dans le laboratoire. Je ne ferai rien d’autre que reprogrammer Aelita, lui donner des armes, tu vois ? Elle en a besoin. Combien de temps peut-elle tenir à ton avis ?
_ Ca va, j’ai compris. Remballez votre discours, il ne marche pas. Tout ce que vous cherchez à faire, c’est me séduire. Je ne vous laisserais pas descendre dans le labo, et si vous vous obstinez à tourner autour de l’usine, eh bien… Je crois que les journalistes seront ravis de l’apprendre.
La dernière réplique fait mouche. Ingrid Kiepelstein a légèrement pâli.
_ Tu… Tu ne ferais pas ça ?
_ On parie ? Répond Yumi avec un sourire mauvais dont elle ne se serait jamais crue capable.
Elle sait, pour avoir fait des recherches personnelles que beaucoup d’encre a coulé, après la disparition du personnel de l’usine. Et les soupçons se portaient naturellement tous sur l’unique survivante. Qui sait ce qu’un journaliste pourrait écrire à présent s’il apprenait qu’elle revient sur les lieux ?
C’est un risque que l’informaticienne ne semble pas prête à prendre. Tirant de sa poche un crayon et un bout de papier elle griffonne quelque chose.
_ C’est mon adresse. Si tu change d’avis.
Elle tourne les talons et s’en va. Yumi reste là, son livre dans une main, le papier dans l’autre. Elle n’ose croire que l’autre est bel et bien partie. C’est pourtant le cas.
« J’ai gagné. »
C’est comme si elle avait porté depuis quelques jours un immense poids sur le cœur dont elle serait soudain débarrassée.
D’un pas beaucoup plus léger, elle marche vers le collège, non sans avoir lu l’adresse sur le bout de papier.
_ Dis donc, c’est en plein centre ville, ça ! Elle ne se refuse rien, Mlle Kiepelstein. Quoi que… Un peu trop près de la gare à mon goût !
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Au collège Kadic, la cloche de la récréation sonne. Sissi sort du cours de physique, furibonde.
_ Qu’est-ce qui s’est passé ? Demande Jérémie en rejoignant ses amis, qui pouffent de rire.
_ Elle lui a fait passer un mot pendant le cours, raconte Odd, un poème nullard sur l‘amour la mer et l‘océan. Il lui a renvoyé avec écrit au dos « La barque de mon esprit est étanche et flotte sur l’océan de ta bêtise. » Tiens, voilà Yumi !
Yumi en effet, rejoins ses amis d’une démarche guillerette.
_ Salut les garçons !
Jérémie hoche la tête.
_ Salut ! Dis donc, toi, tu n’aurais pas une explication à nous donner ? Au sujet d’un cadenas.
_ Ah oui ! Bien sûr… Je vais vous expliquer.
Après avoir réfléchis toute la matinée, Yumi a décidé de ne rien dire de la vraie raison qui l’a poussé à mettre un cadenas. Pourquoi les inquiéter inutilement ? Mais maintenant qu’elle doit mentir à ses amis, elle se sent mal.
_ Voilà. Avec l’été qui approche, il y de plus en plus de jeunes qui se rassemblent dans l’usine, la nuit. Hier, j’ai encore trouvé des emballages de chips. Imaginez qu’un d’eux découvre le labo ?
_ C’est très joli, tout ça ! Intervient Odd. Mais si tu es la seule à avoir la clef pour descendre, on risque d’avoir des problèmes.
_ J’ai prévu un double des clefs pour tout le monde, répond Yumi en ouvrant son sac. Aïe !
Elle vient de lâcher la lanière qu’elle tenait avec un cri de douleur.
_ Ca va ? S’inquiète Ulrich, qu’est-ce que tu as ?
_ Ce n’est rien une décharge d’électricité statique. Tenez, voici vos clefs.
Elle distribue à tous une petite clef ronde. Ulrich regarde la sienne d’un air dubitatif.
_ Tu es sûre que c’est nécessaire ?
_ En tout cas, c’est plus prudent, répond Yumi en refermant son sac.
Elle évite de le regarder pour ne pas rougir. Mentir à Jérémie, Odd, ou Aelita, c’est déjà difficile, mais mentir à Ulrich, c’est le pire. Elle a le sentiment de le trahir. Est-ce vraiment nécessaire d’ailleurs ? Elle pourrait lui raconter, juste à lui… Mais non. C’est mieux pour lui qu‘il l‘ignore.
Odd, qui range sa clef dans sa poche, sursaute soudain.
_ Aïe ! J’ai pris une décharge d’électricité statique ! Comme Yumi ! C’est normal ça ?
Mais Jérémie ne l’écoute pas. Il est resté bouche bée, les yeux écarquillés, tourné vers le centre de la cour.
_ Sissi ! Regardez Sissi !
Sissi s’est immobilisée au milieu de la cour. Ses cheveux, d’ordinaire impeccablement peignés se sont dressés tout autour de sa tête, et son petit pull rose en cachemire est parcouru d’étincelles. Hervé et Nicolas la regardent avec des yeux ronds.
_ Sissi ? Tout va bien ?
_ Ahr ! Ne me touchez pas, espèces d’imbéciles, ça fait mal !
Jérémie se tourne vers Odd, Ulrich et Yumi, qui échangent avec lui un regard entendu.
_ A l’usine immédiatement !
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Après avoir parcouru les dédales souterrains qui relient le collège à l’usine, nos héros pénètrent dans le laboratoire.
_ Aelita, appelle Jérémie, Aelita, tu me reçois ?
Le visage souriant de l’humanoïde apparaît sur l’écran de contrôle.
_ Aelita, est-ce qu’il y a une tour activée sur Lyoko ?
_ Je ne sais pas. Je vais voir.
Tandis qu’Aelita disparaît de l’écran de contrôle, Jérémie consulte les réseaux du collège pour déterminer où en est l’attaque de Xana. Soudain, il fronce les sourcils.
_ Tiens ? Ca, c’est bizarre !
_ Quoi, bizarre ? Intervient Odd. Tu veux dire, plus bizarre que d’habitude ?
_ Tu ne crois pas si bien dire. D’habitude, Xana concentre ses attaques sur le collège, n’est-ce pas ?
La voix d’Aelita se fait entendre dans le haut-parleur.
_ Bien sûr ! Il cherche d’abord à atteindre ses ennemis.
_ Pas cette fois-ci, répond Jérémie. La concentration d’électricité statique s’éloigne du collège. Elle se dirige vers le centre ville.
_ Vers le centre ville ? Répète Yumi. Près de la gare ?
_ Heu, oui. Comment tu le sais ?
Mais avant que Yumi ait pu répondre, le visage d’Aelita réapparaît sur l’écran.
_ J’ai trouvé la tour activée. Dans le territoire Banquise.
_ OK, répond Ulrich, ne bouge pas on arrive !
_ Ne commence pas sans nous, surtout, ajoute Odd.
Yumi, est restée face à l’écran.
_ Les garçons, je suis désolée… Il va falloir que vous plongiez sans moi.
_ Hein ?
Odd et Ulrich, qui on déjà pris place dans l’ascenseur se retourne interloqués.
_ Qu’est-ce qui te prends ?
_ Disons… Que je connais quelqu’un qui habite en ville, prés de la gare. Il faut que j’aille prévenir cette personne du danger.
_ Qui ? Demande Ulrich.
Yumi rougit sous son regard mais serre les lèvres. Elle ne dira rien.
_ C‘est bizarre, Yumi. Je ne devrais pas te demander ça, mais… Comment dire ? J’ai le sentiment que tu nous caches quelque chose. Quelque chose que nous devrions savoir.
_ Il y a une tour à désactiver. Répond la jeune fille sur un ton sec qui ne lui ressemble pas.
Le garçon écarquille légèrement les yeux, surpris par la soudaine froideur de son amie, mais hausse les épaule et entre dans l’ascenseur.
« Je l’ai blessé. Pense Yumi. Mon Dieu, mais QU’EST-CE QU’IL VA IMAGINER ? »
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Dans un nuage de fumée, les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur la salle des scanners. Ulrich et Odd, d’un pas ferme, pénètrent chacun dans l’un des grands tubes blancs qui s’y dressent, reliés à l’ordinateur par des fils électriques. Les portes des scanners se referment sur eux avec un grincement sinistre.
_ Transfert Ulrich, annonce la voix de Jérémie dans le haut-parleur.
Aussitôt Ulrich sent ses pieds se décoller du sol. Échappant à la gravité, il s’élève dans le tube.
_ Transfert Odd, annonce Jérémie.
Puis :
_ Scanner Ulrich.
Des dizaines de particules lumineuses s’élèvent dans le scanner où est enfermé Ulrich. Le souffle d’air qui le porte fait voler ses cheveux.
_ Scanner Odd. Virtualisation.
Un flash, puis plus rien. Plus aucune sensation, ni de poids, ni d’air. Autour d’Ulrich apparaît le décor bleu de la banquise. Il atterrit mollement sur le sol, Odd à ses cotés. Autour d’eux, la nuit polaire semble plus immobile que jamais.
_ Odd ! Ulrich !
Aelita cours à eux. Son fin visage d’habitude souriant est soucieux.
_ Vous n’êtes que deux ? Et Yumi ?
Ulrich hausse les épaules. Odd lance à Aelita un sourire charmeur.
_ Je suis là, moi. Pourquoi on aurait besoin de Yumi ?
_ J’ai repéré la tour activée. Venez, vous allez comprendre.
Les trois amis escaladent une montagne de glace. Au pied de celle-ci, la tour activée brûle de son feu rouge sans flamme. Et autour d’elle…
_ Waouh ! S’écrie Odd. C’est pour nous, tout ça ?

Dans le laboratoire, Jérémie fixe son écran, interdit, se demandant si l’holomap n’aurait pas des ratés.
_ C’est incroyable. Jamais vu autant de block concentré de un seul endroit. Il y en a au moins des centaines !

Sur Lyoko, Odd saute sur place.
_ Eh bien qu’est-ce qu’on attend ? On fonce !
Ulrich fronce un sourcil, la main sur la garde de son sabre.
_ Impossible. A nous deux, on ne tiendra jamais assez longtemps pour qu’Aelita puisse entrer dans la tour. Il faut les obliger à se disperser d’abord.
Aelita contemple l’armée de block qui s’étend à ses pieds, un peu dépassée par la tournure que prend les évènements.
_ Je ne sais pas ce que Xana a prévu cette fois mais il tient VRAIMENT à ce qu’on ne l’empêche pas de réussir.
_ Eh bien, dit Odd joyeusement, nous allons nous faire un plaisir de le décevoir. C’est quoi le plan, Ulrich ?
_ Aelita, tu restes à distance pour l’instant. Odd, tu vas attaquer par la droite, et moi par la gauche. Pas trop sérieuse, l’attaque. Juste assez pour les énerver. Puis on bat en retraite et on essaie d’en attirer quelques-uns à notre poursuite.
_ Reçu, mon commandant.
Les deux garçons commencent à descendre la pente, laissant derrière eux une Aelita plus inquiète que jamais.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------- Yumi est essoufflée à force de courir, mais elle s’interdit de ralentir. Elle s’énerve de son corps trop lourd à transporter. Si elle courait sur Lyoko, elle serait déjà arrivée à destination, et sans la moindre sensation de fatigue.
« Il est peut-être déjà trop tard, pense-t-elle. Combien de temps faut-il à Xana pour lancer son attaque ? »
Arrivée enfin à l’adresse indiquée sur son bout de papier, elle ne trouve aucune maison. Juste un vaste entrepôt, comme il y en a tant près des gares. Un entrepôt laissé à l’abandon. Sans comprendre, Yumi jette un œil sur le logo dessiné sur la boîte aux lettres. C’est le même que celui de l’usine.
« Je comprends. Ce devait être ici que l’usine entreposait son matériel. Tout s’est arrêté en même temps. »
Elle pousse la grille rouillée et appelle :
_ Mademoiselle Kiepelstein ?
Seul le silence lui répond. La cour est déserte. Yumi s’avance de quelque pas regarde dans la loge du gardien. Il y a un réchaud, des journaux. Quelqu’un vit là depuis quelque temps, c’est incontestable. Mais la loge est vide. L’adolescente s’en éloigne au galop. De vastes hangars s’étendent devant elle.
_ Mademoiselle Kiepelstein ? Ingrid ? Ingrid ?
_ C’est moi ! Qui m’appelle ?
Ingrid Kiepelstein vient de sortir d’un des hangars, une boîte à outil à la main.
_ C’est toi ? Que…
_ Ingrid ! S’écrie Yumi en courant à elle. Il faut que vous quittiez cet entrepôt immédiatement !
Surprise par le ton angoissée de la jeune fille, l’informaticienne reste interdite.
_ Maintenant ? Que je… Mais…
_ Oh s’il vous plaît, croyez-moi ! Vous êtes en danger ! « Il » a compris ! Je ne sais pas comment mais « il » sait que vous êtes de retour !
La boîte à outil que tient Ingrid tombe sur le sol dans un lourd fracas.
_ C’est impossible ! Je n’ai pas d’adresse dans l’annuaire ! Pas le téléphone ! J’ai pris toutes mes précautions…
_ Je vous dis qu’il sait ! Insiste Yumi, des larmes d’impuissance aux yeux. Au nom du ciel, arrêtez de discuter et sortons de là avant que…
Mais alors qu’elle saisit le poignet de la femme pour l’entraîner, son regard tombe sur la grille d’entrée qu’elle vient de franchir. Celle-ci est déjà parcourue d’électricité statique… Ainsi que l’ensemble du mur d’enceinte qui entoure l’entrepôt.
_ Trop tard. Murmure Ingrid.
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_ Eh, toi ! Le cube !
Odd, avec un superbe saut périlleux à faire pâlire de jalousie un champion olympique, bondit sur le dessus du bloc le plus proche. Celui-ci tourne furieusement sur lui-même, essayant de se débarrasser du gêneur.
_ Mesdames, messieurs, le roi du rodéo ! Ouais !
Les deux blocks d’à côté, d’un mouvement parfaitement synchronisé, tirent dans la direction de l’ennemi. Odd bondit hors de son perchoir. Les rayons lasers réduisent en fumée le block sur lequel il était. Dans les airs, le garçon exécute deux, trois figures comme on n’en réussit que sur Lyoko et…
_ Flèche laser ! Flèche laser !
Les blocks qui ont si malencontreusement tiré sur leur comparse disparaissent à leur tour.
_ Bravo Odd. Fait la voix de Jérémie en off. Trois de moins ! Plus que deux cent quatre-vingt dix-sept autres à détruire !
_ Seulement ! C’est pas juste ! J’aurais pas le temps de m’amuser !
De l’autre coté du plateau, Ulrich se précipite, enfonce son sabre dans le ventre du block.
_ Impact !
Pris par surprise, le monstre s’effondre. Les autres réagissent aussitôt.
_ C’est ça, essayez de m’attraper ! Coucou je suis là !
Rengainant son sabre, il se précipite dans un canyon de glace.
_ Jérémie, combien j’en ai attiré ?
_ Une bonne vingtaine ! Attention, le canyon où tu es se divise plus bas en deux embranchements ! Celui de droite est un cul de sac !
_ Parfait ! C’est exactement ce qu’il me faut ! Triplicata !
Multiplié par trois, Ulrich s’enfonce dans l’embranchement de droite tendis que ses doubles gravissent quatre à quatre les pentes, vers le haut du canyon. L’attroupement de monstres qui le poursuit s’engouffre à sa suite. Les deux Ulrichs du haut, de par et d’autre du cul de sac, enfoncent chacun leur sabre dans la glace de manière à provoquer l’avalanche nécessaire. En quelques secondes, la totalité des blocks se retrouve enfouie sous la neige.
Les trois Ulrichs aussitôt se remettent en route vers la tour.
_ Aelita, prévient Jérémie. Ca commence à marcher. Les blocks s’éloignent ! Tiens toi prête.
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Yumi parcours du regard le mur électrifié et la grille.
_ Il y a une autre sortie ?
_ Non c’est la seule.
Ingrid est retournée dans le hangar pour en sortir plusieurs appareils qu’elle branche sur les câbles qui traînent au sol.
_ Qu’est-ce que c’est ?
_ Des électro-aimants. Tant qu’ils seront branchés, le champ magnétique nous protégera. Xana ne pourra pas nous foudroyer.
_ Ca tiendra combien de temps ?
_ Aucune idée.
Yumi serre les poings. Elle enrage.
« Je devrais être sur Lyoko, avec les autres. J’ai laissé tombé Odd, Ulrich et Aelita, pour aller aider cette femme que je ne connais pas, qui n’a pas besoin d’aide, et qui en plus va débrancher le supercalculateur dés qu’elle en aura l’occasion ! »
_ Ce n’est pas possible, il faut que j’essaie de passer !
_ Yumi, non !
Mais déjà la jeune fille cours vers la grille et tente de se glisser entre les battants ouverts. Aussitôt un gigantesque éclair blanc, s’abat sur elle comme la foudre sur un arbre, la faisant tomber, inanimée, sur le sol.
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Tandis qu’Ulrich et ses doubles entraînent les blocks à leur poursuite, Odd atterrit près d’Aelita.
_ C’est à nous, princesse. La voix est dégagée !
L’humanoïde acquiesce et tous deux se mettent à dévaler la pente qui mène à la tour. Ils courent à toutes jambes, refusant de penser à Ulrich poursuivi par les blocks, refusant de penser à autre chose qu’à cette tour qui s’élève devant eux, cette tour qu’ils doivent atteindre à tout prix, cette tour et son halo rouge. Plus que cinquante mètres. Plus que vingt…
_ Odd, Aelita, crie soudain Jérémie dans le haut-parleur, il y en a d’autres ! Caché derrière la tour ! Vous foncez droit dessus !
Aelita et Odd tente de faire demi-tour mais…
_ Il y en a derrière, s’écrie Aelita.
_ Et à droite et à gauche !
_ On est piégé ! Gémit l’humanoïde.
Odd l’entoure de ses bras _ « Surtout ne va pas t’imaginer des choses »_ pour faire rempart de son corps au cas où les créatures feraient feu. Mais il sait que c’est inutile. Il y en a trop.
Alita a joint les mains et s’est mise à chanter. Un épais mur de glace s’élève autour d’elle et Odd, arrêtant les rayons que les monstres commencent à tirer sur eux.
_ Ca ne tiendra pas éternellement, grogne Odd. On aurait besoin d’aide, Einstein !
_ Ulrich ! Appelle Jérémie. Odd et Aelita sont encerclés par les blocks.
Ulrich, qui fuyait vers l’arrière du plateau fait volte face. Sabre au clair, il charge les blocks qui le poursuivent, esquive, intercepte, se démène furieusement pour rejoindre ses amis. Mais ces efforts sont dérisoires comparés au nombre d’adversaires qu’il affronte. Il perd un double. Puis deux.
_ Je regrette, Jérémie, mais je suis coincé !
Devant son clavier, Jérémie se tord les mains de désespoir.
_ Cette fois, je ne sais vraiment pas comment on va s’en sortir ! Sans Yumi, c’est impossible !
-------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ingrid Kiepelstein a traîné dans le hangar le corps inerte de Yumi, et tente, l’angoisse au ventre, de la ranimer.
_ Allons, gamine, accroche-toi ! Une enquiquineuse comme toi ne peut pas se laisser abattre par un bête éclair de rien du tout !
L’adolescente tousse et gémit. Ingrid pousse un soupir de soulagement.
_ Eh bien ! J’ai bien cru que cette sale tête en circuit imprimé t’avait eue, toi aussi.
A la ceinture de la jeune fille, encore inconsciente, un téléphone portable s’est mis à sonner. La femme le prend, l’approche de son oreille, décroche. Avant qu’elle ait eu le temps de dire « allô ? », une voix paniquée de garçon se fait entendre.
_ Yumi, enfin j’arrive à te joindre ! Il faut que tu rappliques à l’usine, et tout de suite ! Aelita et Odd sont encerclés par les monstres et Ulrich est sur le point d’être dévirtualisé ! Yumi ? Tu m’entends ? Yumi, pourquoi tu ne dis rien?

Dans son laboratoire, Jérémie entend soudain la voix de Yumi, beaucoup plus lointaine qu’elle devrait l’être, et très énervée.
_ Qu’est-ce que vous faites ! Rendez-moi ce portable ! Ingrid, rendez-le-moi immédiatement !
_ Alors… murmure tout près du micro une voix de femme très émue. Alors toutes ces histoires de virtualisation et de matérialisation, c’était vrai ?
_ Évidement, c’était vrai ! Qu’est-ce que vous croyez ? Je n’ai pas assez d’imagination pour inventer des choses pareilles ! Donnez-moi ce téléphone !
_ Tu… es toujours comme ça, Yumi ?
_ Non, aujourd’hui, j’suis plutôt de bonne humeur. Allô, Jérémie ? Tu m’entends.
La panique, la stupeur mélangées, Jérémie retrouve difficilement l’usage de la parole.
_ Yumi ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est qui, cette femme à qui j’ai tout déballé ?
_ Je suis coincée dans un vieil entrepôt près de la gare. Si j’essaie de sortir, je me fais électrocuter. Où vous en êtes ?
_ Nulle part ! Nous sommes coincés et Aelita est en danger ! Si tu ne viens pas, c’est la catastrophe !
A l’autre bout du fil, Yumi sent un froid glacial lui saisir les entrailles. Il faut qu’elle sorte de l’entrepôt. Il le faut de toute urgence. Il faut qu’elle trouve des mots pour rassurer Jérémie, pour qu’il encourage ses amis à tenir le plus longtemps possible. Il faut… Mais aucune idée ne lui vient.
Pendant tout ce temps, Ingrid est restée assise sur ses talons à regarder la jeune fille parler au téléphone. Elle se lève soudain, une lueur étrange dans le regard.
_ Viens.
C’est un ordre ferme et incontestable. Sans même penser à poser des questions, Yumi suit la femme au fond du hangar.
_ Jérémie, je te rappelle. Tenez bon, surtout !
L’informaticienne désigne à Yumi une forme oblongue couverte d’un drap.
_ Regarde.
Elle enlève le drap, révélant ainsi une gigantesque capsule de métal blanc, comme un sarcophage. Le cœur de Yumi se met à battre la chamade.
_ Qu’est-ce que c’est ? Demande-t-elle, mais elle connaît déjà la réponse.
Ingrid sourit comme un père Noël qui vient de sortir de sa hotte un jouet exceptionnel.
_ Ceci, ma belle, c’est le quatrième scanner. Celui qui devait être livré à l’usine le matin ou Xana a attaqué pour la première fois. Et, j’ai vérifié, il fonctionne.
D’une main tremblante, Yumi caresse le bord du sarcophage. Il est poussiéreux, des toiles d’araignées se sont formées aux extrémités mais il ne porte aucune trace de rouille. Il a l’air intact.
_ Vous pourriez m’envoyer la-bas ? Sur Lyoko ?
Ingrid désigne l’ordinateur plus ou moins ancien qu’elle a branché au scanner.
_ Il faudrait que cette antiquité arrive à se connecter au réseau et que ton copain Jérémie me laisse accéder à ses fichiers. Mais oui, ça pourrait se faire.
Un frisson d’excitation et d’inquiétude parcourt Yumi. Ca peut se faire. Ca peut marcher.
_ Il y a autre chose que je dois te montrer, ajoute l’informaticienne.
Elle sort de la poche de son jean un CD-rom.
_ C’est le programme que je comptais implanter à Aelita. Pour la rendre plus puissante. Mais tu as raison. Ca risque d’être incompatible avec le programme de matérialisation.
_ Qu’est-ce que ça me fera ? Demande Yumi qui a compris où Ingrid voulait en venir.
_ Ca te rendra plus puissante. Mais ça ne marchera qu’une fois. Quand tu retourneras sur Lyoko ensuite, tu seras comme d’habitude.
_ C’est tout ? Ca me rendra forte, et puis basta ! Aucun inconvénient de dernière minute ? Aucune séquelle ? Ca ne fera que me rendre forte ?
Ingrid, qui a commencé à pianoter sur son clavier, soupire.
_ Tu ne veux vraiment pas me faire confiance ?
_ Vous voulez une réponse franche ou une réponse diplomatique ?
_ Laisse tomber. C’était une question bête.
Elle s’accroupit devant la jeune fille et pose les mains sur ses épaules.
_ Yumi, je sais que la plupart des adultes, à ma place, se dirait qu’il est commode de tout débrancher et qu’Aelita n’est au fond rien d’autre qu’un programme informatique. Mais ce n’est pas parce que la plupart des adultes vont faire une chose que TOUS les adultes sont pareils.
Yumi hésite un instant sur la conduite à tenir, puis reprend son téléphone.
_ Allô, Jérémie ? Vous tenez toujours ?
_ Pas pour longtemps. Ulrich n’a plus que vingt points de vie, et le mur qui protège Aelita est déjà en train de se fissurer.
_ Jérémie, il y a un autre ordinateur qui va se connecter au tien. Il faut que tu le laisse accéder à tous les fichiers qui concernent la virtualisation.
_ Hein ?
_ Ne t’inquiète pas ! Tu as confiance en moi, non ? C’est le seul moyen pour que je puisse vous rejoindre.
_ D’accord, je te fais confiance. De toute façon je n’ai pas le choix.
_ A tout de suite.
En raccrochant, Yumi aperçoit, par-dessus l’écran de l’ordinateur, que le visage d’Ingrid s’est illuminé d’un sourire. Elle le lui rend en signe d’armistice.
_ C’est près. Tu peux entrer.
Avec une soudaine appréhension, Yumi s’allonge dans le scanner.
_ Vous êtes sûre que ça va marcher ?
_ Ne t’inquiète pas ! Bonne chance !
Les portes du scanner se referment sur la jeune fille avec un claquement sec.
_ Très bien, très bien, grommèle l’informaticienne, je vois comment ça marche. Transfert. Scanner. Virtualisation.
A l’intérieur de la cabine, Yumi sent toutes ses sensations corporelles disparaître, et, en même temps, naître en elle une surprenante sensation de toute puissance. Lorsqu’autour d’elle apparaît le décor bleu de la banquise, elle est prise d’une irrésistible envie de rire. Que tous ces blocks, autour d’elle, semblent soudain fragile et dérisoire !
Non loin de là, Ulrich, encerclé, peine à esquiver les tirs dont il est la cible. Yumi bondit, un gigantesque saut, immense, comme on n’en a jamais vu, même sur Lyoko, et atterrit près de lui. Elle tire de sa ceinture son éventail et le lance. Celui-ci décrit une gracieuse courbe dans les airs, fauchant au passage non pas une, mais huit machines de Xana.
L’expression de stupeur qui naît sur le visage d’Ulrich serait amusante à commenter, mais le temps presse. Avec une vitesse époustouflante, la jeune fille court vers l’endroit où sont coincé Odd et Aelita. La muraille de glace qui les protège s’effondre juste à temps pour laisser aux deux amis la possibilité de voir l’éventail meurtrier réduire leurs assaillants à néant.
Comme comprenant soudain le danger, les blocks restants concentrent leur puissance de feu sur la nouvelle venue. Mais aucun tir de semble l’atteindre. Il ne lui faut que quatre gestes, lancer, rattraper, relancer, rattraper, pour les détruire tous.
Sur le plateau de glace, ne restent maintenant plus que Ulrich, Odd, Aelita, et Yumi qui range son éventail. Autour de la jeune fille, brûle un halo bleu, semblable à celui qui entoure les tours désactivées.
Odd est le premier à reprendre conscience.
_ La voix est dégagée, Aelita, il faut que tu ailles désactiver la tour.
Mais Aelita ne bouge pas. Dans l’esprit de l’humanoïde, c’est le tumulte. Tout son être est secoué par un sentiment violent comme elle n’en a jamais ressenti. Elle sait que cela s’appelle la colère, que c’est normal, mais il lui apparaît qu’il est insupportable d’éprouver cela. De son regard vert, elle fixe Yumi.
_ Depuis combien de temps est-elle revenue ? Demande-t-elle d’une voix rauque qui n’est pas la sienne.
Yumi frémit en sentant la colère dans la voix de son amie. Mais elle soutient le regard qui la fixe.
_ Depuis hier soir. Répond-elle. Mais je m’y attendais depuis trois jours.
Odd et Ulrich échangent un regard indécis. Tous deux sont dépassés par la tournure que prennent les événements.
Sans trop savoir ce qu’elle compte faire, Aelita marche au devant de Yumi. Elle a oublié les blocks, la tour, elle a tout oublié, sauf qu’Ingrid est revenue, que Yumi le savait, et qu’elle le lui a caché.
Et soudain, sans qu’elle puisse rien contrôler, sa main s’élève dans les airs et s ‘abat sur la joue de la jeune fille. La gifle est si violente que Yumi en perd l’équilibre.
_ Alita ! S’écrie Ulrich, choqué.
D’une main, Yumi lui fait signe de rester à distance.

Dans le hangar, Ingrid regarde avec inquiétude les électro-aimants qui la protègent. L’intensité de leur champ magnétique semble diminuer, ou alors, c’est la pression de Xana qui augmente.

Aelita est si furieuse qu’elle en tremble toute.
_ Tu es une… Tu es une…
Mais le mot qu’elle cherche, n’existe pas dans son vocabulaire. Yumi se relève en se frottant la joue.
_ Je t’ai menti, Aelita. Par omission, bien sûr, mais je t’ai quand même menti. Ma seule excuse, c’est que je voulais te protéger.
_ Me protéger, s’exclame Aelita, si furieuse qu’elle n’en trouve plus ses mots, me protéger ! Me protéger d’Ingrid ! Mais enfin, tu sais qui c’est, Ingrid, pour moi ?
_ Oui, répond Yumi. Maintenant, oui.
Toute la colère d’Aelita retombe d’un seul coup, la laissant fragile et désemparée. Elle voudrait avoir des larmes pour pleurer.
_ Aelita, reprend son amie sur un ton très doux. Le temps presse. Il faut que tu aille désactiver la tour.

Les murs et le toit du hangar crépitent violemment. Ingrid s’est recroquevillée à l’intérieur du scanner… Piètre refuge, elle le sait. « Il » ne frappera qu’une fois, et cette fois sera la bonne.

Encore tremblante d’émotion, Aelita pénètre dans la tour. Le sol s’illumine sur son passage. Autour d’elle, des brides d’Internet se croisent et s’entrecroisent. Elle se laisse soulever par la force d’attraction qui l’emmène au sommet. Là apparaît un clavier et un écran sur lequel elle applique sa main. La tour la reconnaît. L’écran affiche.
CODE ?
LYOKO tape Aelita.
Aussitôt, tout autour d’elle se défait, s’efface et s’enfonce vers les profondeurs, les abîmes inexploré de Lyoko. Une lueur blanche, aveuglante en remonte.
_ Retour vers le passé. Annonce la voix de Jérémie.
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Le sac au dos, les chaussures lacées, et le visage frais et pimpant, Yumi dévale les escaliers.
_ Je dois partir plus tôt aujourd’hui ! Annonce-t-elle à ses parents assis dans la cuisine. J’ai rendez-vous avant les cours, pour un exposé. Au r’voir p’pa, au r’voir m’man.
En descendant les marches du perron, la jeune fille se sent saisie d’une appréhension. La tour a-t-elle été désactivée à temps ? Et si…
_ Yumi Ishiyama ?
_ C’est moi. Répond Yumi en se retournant.
Ingrid Kiepelstein vient la rejoindre, un grand sourire sur les lèvres.
_ C’est ton livre, je crois. Il y a ton nom et ton adresse dedans.
_ C’est prudent. Pas comme se promener dans les usines désaffectées en pleine nuit. Ou d’habiter dans les entrepôts déserts. Merci de me le rapporter.
_ Ca ne fera jamais que la troisième fois.
_ Prenez un abonnement.
Elles sourient et se taisent toutes les deux. Malgré le différent qui les a opposées durant les dernières vingt-quatre heures, force est de constater qu’elles sont toutes deux soulagées de se retrouver saines et sauves.
_ Je vous dois des excuses, Ingrid. Dit gravement Yumi.
L’informaticienne part d’un petit rire bref.
_ Pourquoi ? Pour m’avoir aspergée de peinture ? Ou peut-être pour m’avoir crue capable de débrancher Aelita sans un remord ?
_ Les deux. Les deux. Quand vous avez découvert que je n‘était qu‘une collégienne, vous auriez pu vous servir de ça pour m’obliger à vous céder, au lieu de ça, vous êtes venue me parler, comme à une égale. Je n’aurais pas pensé que vous feriez comme ça.
Ingrid semble touchée par cet aveu mais elle hausse les épaules.
_ Quand nous étions toutes les deux enfermée dans ce hangar, j’ai pu constater que tu avais plus de maturité et de sang-froid que bien des adultes que j’ai connu. Si les scientifiques qui travaillaient sur le supercalculateur il y a huit ans t’avaient ressemblé, Xana n’aurais jamais vu le jour. Je ne considère pas que je pense mieux que toi.
_ Qu’allez-vous faire à présent ?
Un soupir s’échappe des lèvres de la femme.
_ Je n’ai pas le choix. Tant qu’«Il » voudra ma peau, je devrais me cacher. Je vais quitter la ville et disparaître, jusqu’à ce que je trouve un moyen détruire cette sale boîte à puces. Ou jusqu’à ce que vous, vous trouviez un moyen.
_ Si vous disparaissez, vous n’aurez aucun moyens de savoir où nous en sommes.
_ Tu oublie les retours dans le temps. Chaque fois que vous contrez une attaque de Xana, je le sais.
_ Oh, fait Yumi impressionnée.
Elle réalise soudain ce qu’a pu vivre l’informaticienne, impuissante, assistant à chaque attaque de Xana malgré elle.
_ Au moins, continue la jeune femme, je repars rassurée, je sais que le sort d’Aelita est entre de bonnes mains.
Yumi jette un œil sur sa montre.
_ A ce propos, il faudrait nous mettre en route. Vous allez m’accompagner au collège.
Ce n’est pas une question mais un ordre.
_ Nous avons un rendez-vous ? Demande la scientifique amusée.
_ Pas moi, vous. Un rendez-vous auquel il serait dommage d’arriver en retard.
Ingrid suit Yumi. Elles marchent jusqu’au collège. Devant la grille, attend un groupe d’adolescent, trois garçons et une fille. En les apercevant, Ingrid s’est arrêtée.
_ Vous êtes nombreux, s’étonne-t-elle.
_ Eh oui. Le blond à lunettes, c’est Jérémie, notre petit génie perso. La coupe d’enfer c’est Odd. A gauche c’est Ulrich.
_ Sacrée bande. Ils sont tous comme toi ?
_ Pires.
_ Ce pauvre Xana. Il ne doit pas rigoler tous les jours.
Yumi fait quelque pas en avant pour inciter la femme à la suivre, mais celle-ci reste immobile, et observe de loin la jeune fille aux cheveux roses qui se tient près des trois autres.
_ Comme elle est belle ! Encore plus que quand je l’ai imaginée !
_ Ils nous attendent. Sourit Yumi en désignant le groupes. Vous venez.
_ Attends ! Attends !
_ C’est pas croyable, on dirait que vous avez peur !
_ Oui, j’ai peur ! Huit ans qu’elle ne m’a pas vue. Elle va me trouver changée, vieillie…
_ Ne faites pas l’enfant, Ingrid.
D’une main douce mais ferme, elle empoigne le bras de la femme et l’entraîne. La jeune fille aux cheveux roses s’est détachée du groupe vient à leur rencontre. Elle a un teint de lait, des yeux verts en amande et un large sourire.
_ Bonjour, Ingrid, dit-elle.

ulrich_yumi_odd
06/09/05 à 01:45
Aussi merveilleuse que les autres! Encore une fois, je ne peux rien reprocher! L'histoire est bien, pas trop ni pas assez détaillé, je ne vois rien à re-dire! Désoler, mon commentaire n'est pas très constructif :roll: Enfin, continues comme ça! ^^

Tchoucky
06/09/05 à 08:57
Merci de l'avoir mis sur le haut de la pile. Ce fic est mon préféré, de tous ceux que j'ai écrit, celui grâce auquel j'ai été découverte et adoptée par ce forum. Mais tout le monde l'a oublié :cry:

Playermaniac.net
23/09/05 à 12:42
Se serait bien d'imaginer une suite (et fin); "La rencontre" entre Aëlita et sa créatrice! Les réactions que chacune peut avoir envers l'autre après autant de temps d'éloignement l'une de l'autre… ;)

Pete
25/01/06 à 22:53
Cette fic est une explication intéressante et pas si démodée que ça de l'origine de XANA.

Bons points:
- Les personnages collent bien à ceux de la série, on sent la différence dans les dialogues. Bonne place de la psychologie des personnages en général.
- Le style est agréable à lire, travaillé. je crois me souvenir d'un bon équilibre entre descriptions, action et dialogues. Pas mal l'usage du présent, on s'y fait vite.
- Les combats pas si mal que ça, quelques stratégies bien vues
- Bonne trouvaille, le coup du scanner à distance.
Mauvais points :
- Le portable de Yumi qui marche après qu'elle s'est prise la foudre.
- Yumi qui enquête en cachette. En soit, c'est un bizarre qu'elle fasse en solo quelque chose qui concerne Lyoko, donc l'ensemble du groupe. C'est cependant envisageable si elle a une bonne raison. Or, il n'y a pas le début d'une explication à ce propos (si je me souviens bien).